ENTRETIENPrésidentielle 2016: «Si elle ne triche pas avec elle-même, Hillary Clinton a des chances de l’emporter»

Présidentielle 2016: «Si elle ne triche pas avec elle-même, Hillary Clinton a des chances de l’emporter»

ENTRETIENL’historien François Durpaire décrypte les chances d’Hillary Clinton de devenir présidente des Etats-Unis alors qu’elle a annoncé sa candidature ce dimanche…
Vincent Vanthighem

Propos recueillis par Vincent Vanthighem

C'est fait: Hillary Clinton, 67 ans, a annoncé ce dimanche sa candidature à l’investiture démocrate en vue de l’élection présidentielle de 2016 aux Etats-Unis. Très en avance dans les sondages, l’ancienne First Lady va toutefois devoir batailler pour corriger l’image de femme secrète qui lui colle à la peau. Maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) et auteur d’un «Que sais-je?» sur l’histoire des Etats-Unis*, François Durpaire décrypte, pour 20 Minutes, ses chances de l’emporter…

Selon les récents sondages, Hillary Clinton devance de 40 points les autres prétendants démocrates à l’investiture. Cela compte-t-il alors que l’élection n’a lieu qu’en novembre 2016?

Pas un jour ne se passe aux Etats-Unis sans une nouvelle enquête d’opinion. Cela a beaucoup d’influence sur la vie politique. Cependant, ce n’est pas le sondage dont vous parlez qui conduit, aujourd’hui, Hillary Clinton à se lancer dans la course, mais plus un sondage qui montre un effritement de sa cote de popularité vis-à-vis de ses adversaires républicains dans les états de l’Iowa, du Colorado et de Virginie. Il fallait qu’elle se présente pour ne pas perdre de terrain. Et, au passage, couper l’herbe sous le pied de Marco Rubio, le jeune sénateur républicain de Floride qui doit, de son côté, se déclarer lundi.

Le sénateur républicain Marco Rubio. - AP/SIPA

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Peut-elle être battue, dans son propre camp démocrate, comme elle l’a été par Barack Obama en 2008?

Aujourd’hui, il n’y a pas d’autres candidats démocrates déclarés, à l’exception de Jim Webb, sénateur en Virginie. Il y aura sans doute aussi Joe Biden, le vice-président ou Elizabeth Warren qui siège au Sénat pour le Massachusetts. Mais aucun n’a la notoriété d’Hillary Clinton. N’oublions pas qu’en 2008, elle a été humiliée dans l’état de l’Iowa par Barack Obama alors qu’elle avait près de 20 points d’avance dans les sondages. Mais aujourd’hui, je ne vois personne dans le camp démocrate qui peut lui passer devant. Il n’y a pas de Barack Obama.

Son principal désavantage, finalement, ne tient-il pas à sa personnalité?

Oui, c’est le paradoxe Clinton. Cela fait 25 ans que les Américains l’ont découverte et ils ont toujours l’impression de ne pas la connaître vraiment. C’est une personnalité très opaque, une femme très secrète. Les républicains l’ont bien compris du reste. Leur premier clip de campagne montre une Hillary Clinton dans l’ombre et de dos comme si elle avait encore des choses à cacher.



L’affaire de ses emails envoyés depuis sa boîte privée peut-elle lui jouer des tours?

Les républicains vont s’engouffrer dans cette brèche. Et puis, ils vont rappeler son âge et même ses ennuis de santé. Il va falloir qu’Hillary Clinton se livre véritablement. Se déclarer va lui permettre de répondre à toutes ces accusations. Si elle ne triche pas avec elle-même, elle a toutes ses chances de l’emporter. Il faut qu’elle accepte de dire aujourd’hui que c’est une grand-mère mais une grand-mère qui a les compétences pour présider les Etats-Unis.

* Que sais-je? L'Histoire des Etats-Unis de François Durpaire. (Editions PUF, 9 euros)

Le mandat de trop pour les démocrates?

Depuis la Seconde guerre mondiale, les démocrates n’ont jamais réussi à enchaîner trois mandats complets à la Maison Blanche. Du côté républicain, seul George H.W Bush y est parvenu en succédant à Ronald Reagan en 1989. «C’est extrêmement difficile pour un parti d’enchaîner trois mandats, confirme François Durpaire. C’est une sorte d’obstacle institutionnel au succès d’Hillary Clinton.»