INTERVIEWCnil: «Les gens ont une vie en ligne et n'ont pas pris conscience qu'elle pouvait se retourner contre eux»

Cnil: «Les gens ont une vie en ligne et n'ont pas pris conscience qu'elle pouvait se retourner contre eux»

INTERVIEWLes plaintes liées au «droit à l'oubli» sur Internet ont bondi de 42% en 2011, rapporte le bilan annuel de la Commission nationale de l'informatique et les libertés (Cnil). Sa présidente, Isabelle Falque-Pierrotin, commente cette évolution préoccupante...
Propos recueillis par Annabelle Laurent

Propos recueillis par Annabelle Laurent

Plus de 5.000 plaintes sur l’année 2011: jamais la CNIL n’avait été autant sollicitée. Le nombre de plaintes enregistrées -5.738 très précisément- est en augmentation de 19% par rapport à 2010. Un chiffre qui n’est pas étranger à la possibilité de déposer désormais des plaintes en ligne, mais qui reste très significatif. Parmi ces plaintes, Isabelle Falque-Pierrotin pointe la croissance de celles liées au «droit à l’oubli»: près d’un millier de procédures sont concernées.

Les plaintes liées au «droit à l'oubli» sur Internet ont bondi de 42%. Sur quoi portent-elles?

Ce sont des demandes de suppression de textes, photos et vidéos venant d’internautes soucieux de maîtriser leurs traces numériques, et c’est assez divers, ce n’est pas uniquement centré sur les grands acteurs d’Internet. Encore récemment, nous avons eu un cas d’une mère qui a découvert, affolée, des photos de sa fille de 16 ans dénudée sur Internet, probablement envoyées par elle à son petit copain mais dans un cadre intime. Cette dame nous a saisis, nous avons contacté le blog sur lequel étaient hébergées les photos pour lui en demander la suppression immédiate, en rappelant les droits de cette dame. Finalement, le blog a été fermé. Nous avons aussi des plaintes concernant des décisions de justice diffusées de façon nominative, sur lesquelles on a obtenu l’anonymisation. Ou encore des suppressions d’indexation sur Google, ou des demandes de floutage de photo…

Vous avez ouvert le dialogue avec Facebook à l’automne 2011. Le réseau social est-il particulièrement visé par ces plaintes?

Nous avons eu une centaine de plaintes sur l’année concernant Facebook. Les sources d’inquiétude: que l’on doive s’inscrire sous son vrai nom et pas sous pseudo, que la suppression d’un compte ne soit pas vraiment effective, que le bouton «Like» permette à d’autres sites de collecter des données personnelles… De notre côté, le dialogue très soutenu que nous avons avec Facebook est assez conditionné par le fait que l’autorité irlandaise ait été mandatée par le G29 (le système de coopération des Cnil) pour mener un audit, mais nous attendons de façon imminente leur conclusion.

Que montre cette croissance du nombre de plaintes sur le «droit à l’oubli»?

Les gens ont une vie en ligne et n’ont pas encore pris conscience qu’elle pouvait se retourner contre eux comme un boomerang, car c’est à ce moment-là qu’ils reviennent vers nous, le régulateur. Ils n’ont pas sans doute pas mesuré toute la responsabilité et la prudence nécessaires pour évoluer dans l’univers d’Internet. Notre rôle, c’est de sensibiliser et de former les internautes pour qu’ils ne soient pas simplement émerveillés à consommer des services gratuits.

La Cnil parvient-elle à répondre à la majorité des plaintes reçues?

En général, pour les plaintes concernant le droit à l’oubli, ça se passe assez bien. Il y a des demandes qui aboutissent très rapidement. On a des lignes dédiées avec Google, Facebook et un certain nombre d’acteurs, donc on passe en priorité. Quand on soutient la demande d’un internaute, celle-ci est exaucée très rapidement, ça se compte en jours.

>> Vous sentez-vous concernés par le «droit à l’oubli» sur Internet? Est-ce pour vous une source d’inquiétude? Que faites-vous pour protéger votre vie privée sur Internet? Avez-vous déjà déposé une plainte auprès de la Cnil? Dites-le nous dans les commentaires ci-dessous ou écrivez-nous à reporter-mobile@20minutes.fr