Suffit-il de traverser la rue du métavers pour trouver un travail ?

Métavers : Quels métiers réels le monde virtuel va-t-il créer ?

Web3Jusqu’à 10.000 emplois liés au métavers en Europe d’ici quelques années : c’est la promesse faite par les industries du secteur comme Meta. Mais à quel point le virtuel est-il un nouvel eldorado en ce qui concerne l’emploi ?
Pauline Ferrari

Pauline Ferrari

L'essentiel

  • Architectes du métavers, développeurs blockchain, spécialistes XR, Web3 Chief Officer… Les métamétiers devraient se multiplier dans les prochaines années
  • Certaines écoles et universités ont déjà pris le train en marche, en proposant des formations spécialisées dans le métavers
  • Un nouveau paradigme qui devrait révolutionner de nombreux secteurs d’activités, du tourisme à l’industrie

C’est un terme qui a fait irruption il y a moins d’un an, et qui passionne les investisseurs de la Silicon Valley : le métavers, ce nouvel espace où les expériences virtuelles se confondent et dépassent le réel, notamment grâce à l’aide de la réalité virtuelle et ses casques. Le groupe Facebook s’est d’ailleurs renommé Meta à l’occasion d’une conférence plus ou moins caricaturale à l’été 2021. Mark Zuckerberg, fondateur du mastodonte, avait même annoncé que le métavers était une priorité stratégique pour l’entreprise dans les années à venir.

Déjà en 2021, Meta avait annoncé recruter 10.000 personnes sur cinq ans, en Europe pour construire cette « plateforme informatique du futur ». Plus récemment, des salons pour l’emploi consacrés aux « métamétiers » ont commencé à voir le jour. Du côté de l’association France Meta, on prévoit jusqu’à 20 000 emplois en France liés au métavers dans les prochains mois. Des chiffres qui ne paraissent pas illusoires pout Frédéric Bardeau, fondateur de l’école Simplon.co, qui forme aux métiers du numérique, et qui propose notamment une formation en partenariat avec Meta pour les professions liées au métavers.

Des métamétiers et des métaagences

Pour Sophie Lacour, directrice générale d’Advanced Tourism, un cabinet spécialisé en prospective dans le tourisme, « c’est révolutionnaire : il faut imaginer le monde du gaming qui s’étend à notre vie quotidienne ». « Il faut prendre le temps de l’accoutumance mais pour moi, le métavers, c’est l’évolution normale d’internet » explique-t-elle. Dans son secteur, le tourisme, le métavers pourrait permettre de visiter des destinations numérisées « mieux que les vidéos 360° », ou même inventer des destinations imaginaires. Selon elle, il faudra des gens pour penser le contenu de ce métavers et des experts capables de conseiller les entreprises. « Cela va prendre la même tournure qu’internet : au début on aura besoin d’experts qui font de la sensibilisation dans tous les secteurs, et dans quelques années ce sera complètement mainstream » assure Frédéric Bardeau.

Chief Web3 Officer, architecte de métavers, développeur blockchain ou métavers, spécialistes XR ou 3D temps réels… Des métiers émergents qui sont déjà en recherche. Des professions nouvelles, comme celle que s’est créée Marie Franville, CEO du studio natif Nabiya.io, qui façonne des expériences immersives dans des métavers ouverts et décentralisés. « On travaille à la manière d’un atelier de haute couture, c’est de l’artisanat dans un environnement hautement technologique » précise la fondatrice, qui gravite dans le milieu de la blockchain depuis 2018. Cette architecte du métavers construit des espaces immersifs et tente de proposer une expérience unique aux utilisateurs.

Tous les secteurs vont-ils devoir passer au 3.0 ?

On aurait presque l’impression que d’ici quelques années, tous les secteurs, de l’industrie au divertissement, seront passés dans le métavers. Il faudra d’abord que le grand public s’approprie ses outils et s’accoutume à ce nouveau monde immersif. « D’ici 10 ans, et plus vite du côté métavers que blockchain, le grand public va découvrir des systèmes qui sont déjà présents dans le gaming par exemple » explique Frédéric Bardeau. « Du côté XR, dans pleins de secteurs économiques, le gaming, la formation, la culture, l’industrie, on aura besoin de gens » rajoute-t-il.

Pour Marie Franville, le métavers est un nouveau « paradigme sociétal, culturel et artistique », « qui met l’utilisateur au centre, pour qu’il maitrise sa présence et son identité digitale ». Selon la fondatrice de Nabiya, tous les corps de métier devraient regarder les ponts possibles à faire avec le métavers. Mais Sophie Lacour préfère être prudente. « C’est génial pour la formation professionnelle, les étudiants, et il y a des usages qui s’inventent. Mais le reste c’est du blabla, il faut que ce soit testé par des grandes marques » note-t-elle.

Les formations se multiplient… mais pour quels résultats ?

À Simplon, Frédéric Bardeau a choisi de prendre le train du métavers en marche. L’école a des partenariats structurants avec de grandes entreprises du monde de la tech, comme Microsoft, Apple, Meta ou le géant chinois de la crypto Binance. « On regarde les métiers en tension, ceux qui cherchent des profils. On est un peu en avance de phase » explique le fondateur. Les métiers du métavers font déjà partie des métiers émergents répertoriés par l’institution France compétences : du côté des business schools et des écoles d’ingénieurs, les métiers du Web3 se multiplient. « On est un peu en avance de phase, mais je ne serai pas étonné que dans d’autres écoles qu’à Paris, ou qu’à la Grande Ecole du Numérique, on propose des formations centrées sur le métavers » avance Frédéric Bardeau.

« Il faut absolument que l’on s’y forme, qu’on ne perde pas notre compétitivité, on a de très beaux projets en France » insiste Marie Franville. Régulièrement invitée dans des universités ou des écoles de commerce, elle voit que le sujet intéresse, mais déplore le manque de formations spécialisées. « Toutes les compétences que les gens ont déjà, il faut juste y ajouter une couche de Web3 » ajoute-t-elle. Néanmoins, le métavers ne semble pas faire rêver tout le monde : beaucoup dénoncent un effet d’annonce autour des mondes virtuels, craignant même qu’une « bulle » spéculative soit créée autour d’un objet virtuel et difficilement concrétisable…