Singapour rêve de devenir la ville la plus durable du monde

Singapour rêve de devenir la ville la plus durable du monde

InnovationVéritable tour de Babel aux quatre langues officielles, la « ville du Lion » évoque aussi les jardins suspendus de l’Antiquité en replaçant la nature au cœur de son architecture
Jean-Claude Urbain

Jean-Claude Urbain

Singapour est née d’un rêve. Au début du XIVe siècle, surpris par une violente tempête, le prince Sang Nila Utama accosta sur une île, au sud de la péninsule de Malaisie. Persuadé d’y avoir vu un lion, (singha en ancien malais), il décida d’y bâtir une ville (pura). Le fauve imaginaire ne réapparut jamais. Mais était-ce bien un lion ? N’était-ce pas plutôt le Merlion ? Cet animal fantastique à tête de lion et à queue de sirène (mermaid en anglais) est en effet devenu l’emblème de Singapour. Sept siècles après la légende, le pays relève toujours de l’utopie.

Dès les années 1970, la politique visionnaire du Premier ministre Lee Kuan Yew plaçait les espaces verts au centre du réaménagement urbain de Singapour.
Dès les années 1970, la politique visionnaire du Premier ministre Lee Kuan Yew plaçait les espaces verts au centre du réaménagement urbain de Singapour. - Jean-Claude Urbain

Sous la protection de sa chimère, cette cité-État du Sud-est asiatique est un melting-pot de cultures, dont l’anglais, le mandarin, le malais et le tamoul sont les quatre langues officielles. Imposant une mixité ethnique, confessionnelle et générationnelle, les complexes d’habitations et de services HDB illustrent parfaitement ce « vivre ensemble » à la singapourienne.

La « ville du Lion » s’est développée de manière fulgurante. Sa concentration de gratte-ciel ultramodernes concurrence déjà Manhattan, et les projets n’en finissent plus. Marina Bay est l’exemple le plus frappant de cette expansion frénétique. Il y a une trentaine d’années, les jonques pouvaient encore débarquer leurs marchandises au cœur de la ville. Mais l’extension des polders a fini par transformer la baie en lac, et les impressionnantes tours de l’hôtel Sands obstruent désormais l’horizon du Merlion.

La nature à tous les étages

Heureusement, il reste de nombreux espaces verts à Singapour, comme les verdoyantes Southern Ridges ou les Botanic Gardens et leur flamboyante collection d’orchidées. La nature est d’ailleurs au cœur des préoccupations de la cité. Derrière le fameux Marina Bay Sands, les Gardens by the Bay réunissent sous deux dômes monumentaux une reconstitution de forêt pluvieuse d’altitude et une reproduction d’écosystème subtropical sec. Entre ces deux « biomes », les étonnants Supertrees sont des structures géantes végétalisées qui s’illuminent chaque soir le temps d’un show musical. Autonomes en eau et en électricité, ce sont en fait des laboratoires pour les solutions énergétiques de demain.

Les Supertrees sont des supports verticaux pour 200 espèces de plantes. De 19h45 à 20h45, le show Garden Rhapsody les pare de lumière en musique.
Les Supertrees sont des supports verticaux pour 200 espèces de plantes. De 19h45 à 20h45, le show Garden Rhapsody les pare de lumière en musique. - Jean-Claude Urbain

Limitée par sa superficie, Singapour importait jusqu’à ces dernières années 90 % de ses besoins alimentaires. Par souci d’autonomie, de biosécurité et de durabilité, elle ambitionne d’en produire 30 % à l’horizon 2030. « Pas de paysans, pas de nourriture » résume Kenny Eng, qui gère la plus ancienne exploitation familiale du pays. Pionnière en matière d’optimisation des terres agricoles, la ferme verticale Sky Greens a montré comment multiplier par huit le rendement d’une surface cultivée.

Dans le quartier de Jurong, David Yeap expérimente la production de mini-tomates sur le toit d un parking.
Dans le quartier de Jurong, David Yeap expérimente la production de mini-tomates sur le toit d un parking. - Jean-Claude Urbain

Encouragées par l’autorité de redéveloppement urbain URA, les initiatives écoresponsables fleurissent aussi en pleine ville. Et la multiplication de jardins suspendus donne déjà à Singapour des airs de nouvelle Babylone. Avec plus de 260 fermes de toit et 30.000 personnes impliquées, Edible Garden City compte parmi les moteurs de cette néo-paysannerie urbaine.

Aujourd’hui, on ne se contente plus de réaffecter des espaces disponibles. On introduit la dimension végétale dès la conception des buildings dans une stratégie d’interactions. Les jardins verticaux profitent en effet à l’isolation des bâtiments et au recyclage des eaux usées. Mieux : en attirant oiseaux et insectes, ils réintroduisent la biodiversité dans les rues.

Au nord de l île, face à la Malaisie, la mangrove de Sungei Buloh reste un espace préservé de vie sauvage.
Au nord de l île, face à la Malaisie, la mangrove de Sungei Buloh reste un espace préservé de vie sauvage. - Jean-Claude Urbain

Couleurs et saveurs

Lorsque le prince crut y apercevoir un lion, Singapour n’était que forêt dense. Toujours peuplée de varans, de crocodiles, de cobras et de 400 espèces d’oiseaux, la réserve marécageuse de Sungei Buloh a gardé sa luxuriance primitive. La partie urbanisée de l’île est, quant à elle, une jungle d’un autre genre. Attirée par les enseignes d’Orchard Road, sa population cosmopolite se presse dans d’immenses malls pour s’adonner au sport national : le shopping.

Le lobby du Park Royal Marina Bay est un véritable jardin aux 60 variétés de plantes.
Le lobby du Park Royal Marina Bay est un véritable jardin aux 60 variétés de plantes. - Jean-Claude Urbain

Si certains visiteurs sont bien là pour faire une razzia de produits détaxés, d’autres n’arpentent les galeries marchandes que pour profiter de l’air climatisé. Car on transpire beaucoup dans les rues chaudes et humides de cette cité posée sur l’équateur. Son climat accablant, qui pourrait inciter à la désinvolture sous d’autres latitudes, n’entame en rien le civisme des Singapouriens. Leur ville est d’une propreté stupéfiante. Elle n’en est pas pour autant aseptisée ! Il suffit de se promener dans ses quartiers ethniques pour apprécier sa vitalité.

La balade commence par Chinatown et ses marchés pittoresques. Autour des étals trempés du Wet Market, les échoppes d’astrologie, de colifichets et de potions traditionnelles connaissent, paraît-il, les secrets de la longévité, de la prospérité et de la virilité. Après avoir fait le plein de souvenirs sous les lanternes de ce dédale bariolé, direction Kampong Glam. Dans ce quartier arabe se cache Haji Lane, la rue la plus étroite de la ville, la plus branchée aussi, avec ses cafés bohèmes et ses de galeries d’artistes.

En balade dans le quartier arabe Kampong Glam, impossible de rater la rutilante mosquée du Sultan.
En balade dans le quartier arabe Kampong Glam, impossible de rater la rutilante mosquée du Sultan. - Jean-Claude Urbain

À seulement une station de MRT, l’impeccable métro local, Little India concentre la population la plus attachée à ses traditions. Les odeurs d’épices et le parfum du jasmin embaument l’atmosphère de son hawker centre. On trouve dans ce type de complexe culinaire bon marché de quoi organiser de vrais festins. Car s’il y a une chose que les Singapouriens aiment faire hormis du lèche-vitrines, c’est manger, et ce, quelle que soit l’heure de la journée ! Le Merlion, en effet, ne dort jamais, et il a toujours faim.

Y aller

Quasiment posée sur l’équateur, l’île de Singapour ne connaît pas vraiment de variations climatiques. On peut donc s’y rendre tout au long de l’année avec l’assurance de températures élevées. Mais attention, en période de pandémie, il convient de bien se renseigner sur les conditions et formalités d’entrée qui peuvent changer et s’alourdir rapidement.

Compagnie aérienne la plus récompensée au monde, Singapore Airlines dessert la destination quotidiennement et sans escale au départ de Paris. Son personnel de bord, en tête du palmarès Skytrax 2021, assure un service haut de gamme. Dans ses Airbus A350 et Boeing B777, snacks à volonté et écran individuel HD sont disponibles dès la classe Économique. La Premium Economy ajoute un fauteuil en cuir inclinable à 120°, le Champagne et la possibilité de réserver un plat concocté par un chef étoilé. Comptez 12 heures de vol depuis Paris pour des tarifs AR à partir de 693 €.

À destination, les surprises débutent dès l’arrivée à l’aéroport Changi. Classé meilleur aéroport du monde depuis six ans par Skytrax, ce hub fait la part belle à la nature en abritant plus de 200.000 plantes. Son Terminal 4, entièrement automatisé, donne accès au complexe Jewel. Ce dernier réunit sur dix niveaux verdoyants plus de 300 boutiques et restaurants autour d’une cascade centrale haute de 30 mètres.

Se loger

Les hôtels économiques sont rares à Singapour, mais des guesthouses existent dans les quartiers ethniques.

Pour ceux qui souhaitent séjourner au cœur de la zone la plus moderne, le Parkroyal Collection Marina Bay, Singapore offre une vue imprenable sur la skyline de gratte-ciel. Cet édifice à l’atrium central vertigineux se veut le premier « hôtel dans un jardin » de la ville. Son lobby, éclairé par une lumière naturelle, accueille ses résidents dans un espace verdoyant. Sur sa terrasse au système d’arrosage informatisé, une soixantaine de fruits, de légumes et d’herbes aromatiques sont cultivés pour les besoins des différents restaurants et bars de l’établissement. Cet hôtel « eco-friendly » a également équipé ses chambres de détecteurs de présence qui régulent lumières et climatisation pour réduire son impact environnemental.

Installé dans un ancien entrepôt de contrebande au bord de la rivière Singapour, The Warehouse propose une ambiance plus intimiste. Ce boutique-hôtel met l’accent sur son héritage historique en multipliant avec goût les détails décoratifs. Son bar confortable, sa piscine de toit et ses vastes chambres bien équipées invitent à la détente après une journée de visites.

Se restaurer

Inspirés par les pionniers locaux de l’agriculture durable, comme la famille Eng, les fermiers de Singapour unissent leurs efforts en communautés. Dans le district champêtre de Kranji, par exemple, The Local Farm réunit les produits de 200 petites structures et assure leur promotion auprès des quelque 5.000 restaurants de la ville.

Au grand bonheur des « locavores », ces derniers possèdent parfois leur propre potager, aux cultures tournantes et sans pesticide. Open Farm Community dresse ainsi ses tables à quelques pas de ses rangées d’aubergines, de haricots, d’épinards et de concombres.

Autre exemple de ce concept « du jardin à la table », le restaurant japonais Noka utilise des produits cultivés directement devant ses fenêtres par Edible Garden City, sur une terrasse du centre commercial Funan.

Se rafraîchir

C’est dans le Long Bar du mythique hôtel Raffles qu’a été inventé le fameux Singapore Sling en 1915. Depuis, Singapour reste réputée pour le nombre et la qualité de ses bars à cocktails. Atlas, Jigger & Pony, Manhattan, Native, MO Bar et The Old Man figurent en bonne place dans le prestigieux classement « The World’s 50 Best Bars ». Au 57e étage du Marina Bay Sands, le Cé La Vi est un des plus courus. Perché à 200 mètres, il offre une vue à 360° sur toute la ville ! Mais le comble du chic reste réservé aux convives de l’hôtel qui peuvent siroter leur cocktail dans la plus haute piscine à débordement du monde.

Curieusement, cette ville amatrice de spiritueux ne possédait aucune distillerie jusqu’à ce que la lacune soit comblée par Tanglin Gin, il y a trois ans. Produit en quantité artisanale, son Orchid Gin est notamment utilisée dans les créations des bars Atlas et Native.

Renseignements

Le site de l’office singapourien du Tourisme est une source précieuse d’informations pour préparer son voyage. Toutes les conditions d’accès et les mesures à prendre en contexte de crise sanitaire y sont régulièrement mises à jour.