Méditerranée : à bord du « Crystal », pour une croisière entre Grèce, Egypte et Israël
Patrimoine•Le bassin levantin est le berceau de notre civilisation. Embarquement pour une croisière à la découverte de ses merveilles archéologiques plusieurs fois millénairesJean-Claude Urbain pour 20 Minutes
Le Pirée, port d’Athènes. Déjà éblouis par les vestiges de la capitale grecque, les croisiéristes qui grimpent à bord du majestueux Crystal s’apprêtent à voyager dans le temps vers les rivages du Levant. À la croisée de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, ces confins lumineux vont leur offrir les clés du passé. La Méditerranée orientale engendre en effet les merveilles depuis la nuit des temps. Celles du monde antique servent de fil conducteur à ce circuit érudit, imaginé par la compagnie grecque Celestyal Cruises. Le Phare d’Alexandrie, le Colosse de Rhodes et l’Artémision d’Éphèse n’alimentent malheureusement plus que les légendes. Mais la Grande Pyramide de Khéops, elle, continue de défier les siècles et l’imagination.
Première étape du périple à bord du Crystal, l’Égypte est l’héritière des monuments les plus gigantesques qui aient jamais été bâtis. Sur le plateau de Gizeh, à trois heures de route de Port-Saïd, les pyramides et leur Sphinx témoignent d’une audace architecturale sans limite. Ces masses indestructibles, âgées de quatre millénaires et demi, provoquent automatiquement la stupeur chez leurs visiteurs : pourquoi, comment et par qui ont-elles été érigées ? Les chiffres sont à peine crédibles. D’une hauteur de 146 mètres pour une superficie de 5 hectares, la pyramide de Khéops cumule 5 millions de tonnes de pierres taillées. Son chantier aurait mobilisé 200.000 ouvriers durant 20 années ! L’extraction et le transport d’énormes blocs rocheux semblent n’avoir jamais posé de problème, non seulement aux Égyptiens, mais à toutes les populations de l’Antiquité. La suite du voyage en fait la démonstration à chaque escale.
À Jérusalem, la notion de « Patrimoine mondial » prend tout son sens au pied de l’impressionnant mur des Lamentations. La visite de cette ville sainte pour les trois grandes religions monothéistes est le second moment fort du voyage. Choisie par le roi David pour y réunir les tribus d’Israël, puis par Salomon et Hérode pour y édifier leurs Temples, Jérusalem symbolise l’unité du peuple juif depuis plus de 3.000 ans. Les principaux actes fondateurs du Christianisme s’y sont aussi déroulés. C’est ici que Jésus a prêché et a souffert la Passion avant de ressusciter. Pour les Musulmans, enfin, la ville est liée au voyage initiatique du prophète Mahomet. Après sa conquête en 638 par le calife Omar, le dôme du Rocher et la mosquée Al Aqsa furent bâtis sur l’ancienne esplanade du Temple.
Musulmans, Juifs et Chrétiens y vécurent alors en paix, jusqu’à la parenthèse sanglante des Croisades. En 1099, les chevaliers francs venus délivrer le Saint-Sépulcre du Christ mirent la ville à sac. Ils l’occupèrent pendant tout le XIIe siècle, mais finirent par céder aux troupes de Saladin. En suivant le repli de ces Croisés de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem vers les îles de Chypre et de Rhodes, le Celestyal Crystal continue de voguer sur le fil de l’Histoire.
La passion des vieilles pierres
Les deux grandes îles de Méditerranée orientale ont toujours été très convoitées pour leur position stratégique. Mais en dépit des influences successives, elles n’ont jamais renié leur identité grecque, fondée sur la mythologie. Pour les férus d’archéologie, Chypre est un musée à ciel ouvert. C’est en effet dans l’écume de ses flots que serait apparue Aphrodite, la déesse de l’amour. Depuis le port de Limassol, les sites antiques s’égrènent le long de la côte sud de l’île jusqu’à Kourion. Connue pour ses magnifiques mosaïques, cette importante « cité-royaume » possède surtout un théâtre gréco-romain parfaitement restauré. Au crépuscule, le spectacle qu’offre cette scène ouverte sur la mer permet aux visiteurs du XXIe siècle de comprendre pourquoi les hommes décidèrent de célébrer ici le culte de la beauté.
La mythologie raconte également la genèse de Rhodes. Hélios, le dieu du soleil, était absent lorsque ses semblables se partagèrent le monde. Il fut alors décidé que lui reviendraient « toutes les nouvelles îles qui émergeraient ». C’est ainsi que Rhodes, en sortant des flots, devint sienne. Depuis, l’île a toujours bénéficié de sa chaleureuse bienveillance. En hommage à leur divinité tutélaire, les Rhodiens érigèrent une gigantesque statue à l’entrée de leur port. Haut de 33 mètres, ce Colosse de bronze comptait parmi les Sept Merveilles du monde. Renversée par un tremblement de terre, l’œuvre mythique a totalement disparu. Mais son aura plane toujours sur la vieille ville.
Classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, Rhodes est aujourd’hui considérée comme l’ensemble médiéval habité le mieux conservé d’Europe. Protégée par d’imposantes fortifications, sa citadelle fut le siège des chevaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem après leur départ de Chypre. Rhodes fut ensuite occupée par les Ottomans, puis par les Italiens. De ces péripéties historiques résulte un ensemble architectural original, où le palais des Grands Maîtres, défenseurs de la Chrétienté, voisine avec la mosquée du sultan Soliman et le théâtre mussolinien.
Héritière, elle aussi, d’une histoire mouvementée, Éphèse est l’ultime étape du voyage. Carrefour incontournable des anciennes routes commerciales entre l’Asie et l’Europe, ce site archéologique majeur compile des vestiges grecs, romains et byzantins. Ses maisons aux peintures murales délicates témoignent d’une vie fastueuse tournée vers les arts, la culture et les plaisirs. La ville, abandonnée après l’ensablement de son port, nous est en effet parvenue dans un excellent état de conservation. Désormais, c’est à une dizaine de kilomètres, dans la ville de Kusadasi, que les navires doivent accoster. De retour à bord, accoudés au bastingage, les voyageurs subjugués retiennent l’extraordinaire variété des sites visités. Et pourtant, du delta du Nil aux côtes de la Turquie, une unité existe aussi. Une unité constituée de prouesses architecturales, de dévotion religieuse et de lumière méditerranéenne.