Rhum et trésors naturels : les sortilèges martiniquais

Martinique : un voyage arrosé au cœur de la biodiversité

CaraïbesPour enivrer les voyageurs, « l’île aux fleurs » conjugue l’exubérance de sa végétation tropicale, présentée à l’Unesco, aux parfums de son rhum d’exception
Jean-Claude Urbain

Jean-Claude Urbain

Escortés par de facétieux colibris, les visiteurs du Parc naturel régional de la Martinique ne savent plus où donner de la tête. Autour d’eux, les couleurs et les formes végétales explosent en une multitude de nuances et de combinaisons enchanteresses ! Christophe Colomb fut le premier ambassadeur de ce pays de cocagne. Lorsqu’il découvrit l’île en 1502, le navigateur y reconnut « la plus charmante contrée qu’il y ait au monde. C’est la plus belle chose que j’ai jamais vue, aussi ne puis-je fatiguer mes yeux à contempler une telle verdure. » La Martinique s’appelait alors Madinina, « l’île aux fleurs » en langage amérindien. Et après cinq siècles d’histoire tumultueuse, cette collectivité territoriale française invite toujours à herboriser sous l’opulente canopée de sa forêt tropicale.

Classé « Plus bel arbre de France » en 2016, le colossal zamana de l’habitation Céron est un ambassadeur de la forêt martiniquaise.
Classé « Plus bel arbre de France » en 2016, le colossal zamana de l’habitation Céron est un ambassadeur de la forêt martiniquaise. - Jean-Claude Urbain

Au nord-est, la presqu’île de la Caravelle avance sa proue dans l’Atlantique. À 162 mètres au-dessus des flots, le phare vermillon qui la domine est le plus haut-perché de France. Le point de vue est donc idéal pour couvrir d’un regard la topographie de l’île. Comme ses voisines antillaises, la Martinique se partage en deux parties biogéographiques distinctes : l’ouest et le sud « sous le vent », baignés par la mer des Caraïbes, l’est et le nord « au vent », exposés aux assauts de l’océan, le tout subdivisé en autant d’écosystèmes que de microclimats...

Au pied du phare, le fouillis ténébreux de la mangrove côtière laisse ainsi place à une forêt sèche et clairsemée où trouvent refuge de nombreuses espèces d’oiseaux rares et protégés. Les pitons du Carbet, à l’ouest, et la montagne Pelée, au nord, dessinent quant à eux des paysages abrupts, autour desquels s’effiloche une éternelle écharpe de nuages. Pas un jour, ici, qui ne connaisse au moins une averse. Ces grains violents mais brefs, qu’une chaleur d’éternel été éponge rapidement, favorisent une profusion d’essences endémiques.

Classée Réserve naturelle, la presqu’île de la Caravelle est l’ultime refuge d’oiseaux en danger d’extinction, comme le moqueur gorge blanche.
Classée Réserve naturelle, la presqu’île de la Caravelle est l’ultime refuge d’oiseaux en danger d’extinction, comme le moqueur gorge blanche. - Jean-Claude Urbain

On accède à la forêt humide du Parc naturel en grimpant sur la route de la Trace qui se tortille jusqu’au Morne-Rouge et son Domaine d’Émeraude. Entre 500 et 900 mètres d’altitude, les fougères arborescentes s’entremêlent aux châtaigniers chargés de plantes épiphytes et aux acomats boucans d’où pendent d’énormes lianes torsadées. À l’ombre de ces géants, les orchidées, hibiscus, anthuriums, balisiers et autres héliconias rivalisent d’originalité pour attirer les insectes et l’attention des visiteurs. Yohann Pelisse, chargé de mission au Parc, souligne que cet univers à la fois végétal et volcanique compte « parmi les plus importants réservoirs de biodiversité de la planète ». Voilà pourquoi la France le présente, cette année, pour une inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Un produit d’excellence, made in France

Au nord de Saint-Pierre, sur la côte Caraïbe, s’ouvre un domaine littoral qui contraste avec les reliefs touffus du Parc, mais aussi avec l’image traditionnelle des plages antillaises. Loin de tout, les anses de sable noir n’ont pas changé depuis Christophe Colomb. Les plus sauvages ne restent d’ailleurs accessibles que par la mer. Dissimulées derrière les cocotiers de l’anse Couleuvre, les ruines de l’habitation Céron racontent une autre histoire : celle de ces grandes unités de production sucrière qui participèrent, au prix d’immenses souffrances, à la prospérité de la Métropole. L’abolition de l’esclavage en 1848 sonna le déclin de cette économie. Mais c’est surtout la culture de la betterave en Europe qui porta un coup fatal au sucre antillais. Le salut des plantations martiniquaises vint alors du rhum, indispensable au moral des troupes durant la Première Guerre mondiale.

La distillerie JM est le plus ancien site de production de rhum en activité.
La distillerie JM est le plus ancien site de production de rhum en activité. - Jean-Claude Urbain

L’eau-de-vie obtenue par la distillation du jus de canne fermenté a, depuis, gagné ses lettres de noblesse. Le rhum agricole est la fierté des Antilles françaises. Distingué par une AOC en Martinique, il surclasse en arômes le rhum industriel des autres pays. L’île compte actuellement huit distilleries dont la visite permet de se familiariser avec ce produit d’exception. Lovée dans un écrin de verdure, la distillerie JM laisse ainsi ses visiteurs déambuler entre ses moulins de broyage et ses cuves de fermentation. Après une promenade parmi les œuvres d’art contemporain réunies par sa fondation, l’ habitation Clément propose, quant à elle, de découvrir sa maison de maître et ses vénérables chais où reposent ses rhums vieux. Mais c’est à l’ habitation du Simon que la noblesse du produit est poussée à son paroxysme. Le petit domaine, où tout se fait à la main, possède l’unique alambic en cuivre de l’île et se refuse à corrompre son rhum A1710 avec la moindre goutte d’eau. Même ses bouteilles sont lavées au rhum ! Une exigence couronnée cette année aux World Rum Awards par le titre de « Meilleur Rhum agricole ».

Au XIXe siècle, on expédiait les barriques de rhum vers le port de Saint-Pierre en les faisant flotter autour de l’île.
Au XIXe siècle, on expédiait les barriques de rhum vers le port de Saint-Pierre en les faisant flotter autour de l’île. - Jean-Claude Urbain

Les Martiniquais reconnaissent au breuvage toutes sortes de vertus. Un filet rallongé d’eau soigne les maux de tête et la fièvre. En compresse, en massage, il calme les douleurs. Il est si ancré dans la vie quotidienne que la verve populaire lui a donné toute une variété de sobriquets. À 6 heures du matin, c’est le rouvé zeux qui ouvre les yeux, à 6h30 le décollage, puis viennent l’entrain, le ti-coup, le sec, le feu, et ainsi de suite, jusqu’au fatidique pétépié qui fait trébucher. Puis il y a aussi le ti-punch, cette savante alliance du rhum blanc, du citron et du sirop de canne qu’il n’est pas donné à tout le monde de réussir, mais dont le cérémonial épicurien contient toute la saveur des Antilles. À consommer avec modération tout de même ! Car s’il peut souffler dans les crânes avec la douceur des alizés, cet élixir peut rapidement s’y déchaîner avec la fureur d’un ouragan.

Le rhum agricole des îles françaises est un produit noble issu du pur jus canne à sucre.
Le rhum agricole des îles françaises est un produit noble issu du pur jus canne à sucre. - Jean-Claude Urbain

Y aller

On peut se rendre toute l’année en Martinique, où la température descend rarement sous les 20 °C. Le climat est marqué par deux périodes. De décembre à mai, le carême correspond à la saison sèche. La plus propice pour les randonnées en forêt. De juin à novembre, l’hivernage est la saison la plus chaude, mais aussi la plus humide, avec un risque cyclonique plus élevé.

Spécialiste de la zone, Air Caraïbes programme jusqu’à trois vols par jour vers la Martinique depuis Paris Orly. Soucieuse de son impact environnemental, la compagnie vient d’enrichir sa flotte d’un second A350-1000, fleuron technologique d’Airbus à la consommation réduite. À bord, le silence accru et le gain d’espace permettent de passer les 8 heures de vol vers Fort-de-France dans un confort optimal. Billet aller-retour à partir de 583 euros, entièrement modifiables et remboursables jusqu’au 31 décembre 2021.

Se loger

Les Martiniquais ont pour habitude de s’offrir des parenthèses à l’hôtel pour profiter de leur île. Quelle que soit leur catégorie, les établissements affichent donc tous une convivialité familiale. Pour que ses convives se sentent comme chez eux, la résidence hôtelière Diamant les Bains équipe ainsi ses vastes chambres d’une terrasse avec kitchenette. Cette adresse historique, qui offre un accès direct à la belle plage du Diamant, est parfaitement située pour explorer le sud de l’île.

Côté Atlantique, le Plein Soleil est notre coup de cœur. Cachées dans la verdure, au bout d’une piste cahoteuse, ses chambres Master Pool avec kitchenette et piscine privatives sont toutes décorées avec un goût exquis. À noter que l’établissement possède aussi une des meilleures tables de Martinique. Son chef Rudy Réclair a reçu le titre de « Chef de l’année 2020 » par le guide Gault & Millau Antilles.

Se restaurer

La gastronomie martiniquaise ne se limite pas à ses fameux accras, colombos, boudins et poulets boucanés. De multiples influences ont nourri un patrimoine culinaire riche d’une centaine de spécialités. Pour les faire connaître, Madly Schenin-King a créé Tété Dwèt. Riches en anecdotes savoureuses, les tours organisés par cette dynamique Martiniquaise à travers les rues de Fort-de-France multiplient les pauses gourmandes durant toute la matinée. Deux circuits possibles sur réservation : « Saveurs d’hier et d’aujourd’hui » pour une approche historique de la cuisine locale, et « Melting Pot » pour saisir l’apport des différentes communautés. Notre conseil : petit-déjeuner léger pour garder de la place !

Renseignements

Transports, hébergements, restaurants, activités… toutes les infos utiles pour préparer son voyage sont compilées sur le site du Comité Martiniquais du Tourisme.