PortugalLes envoûtements de Sintra

À Sintra, les contes de fées deviennent réalité

PortugalEntre palais baroques et vastes demeures dissimulées au fond de parcs romantiques, on avance à Sintra comme dans un rêve, peuplé de rois extravagants et de millionnaires illuminés
Portugal ou Maroc ? Les visiteurs du palais de Monserrate en perdent leur géographie.
Portugal ou Maroc ? Les visiteurs du palais de Monserrate en perdent leur géographie. - Jean-Claude Urbain
Jean-Claude Urbain pour 20 Minutes

Jean-Claude Urbain pour 20 Minutes

«Si j’étais Dieu, j’arrêterais le soleil au-dessus de Lisbonne » clamait Fernando Assis Pacheco. L’écrivain a presque été exaucé tant la lumière peut être éblouissante, et la chaleur suffocante, sur les pavés de la capitale. Pour échapper à ces tourments estivaux, les monarques portugais et leur cour ont longtemps eu pour habitude de se réfugier à quelques heures de carrosse de Lisbonne, dans la fraîcheur de Sintra. Lovée dans un écrin verdoyant, cette station de villégiature aristocratique bénéficie, en effet, d’un microclimat humide, favorisé par les nuages de l’Atlantique qui s’amoncellent et se déchirent sur les reliefs alentours.

À quelques kilomètres des Sintra, le relief brutal du cap de Roca ajoute à la singularité de sa position géographique. Il s’agit du point le plus occidental d’Europe continentale.
À quelques kilomètres des Sintra, le relief brutal du cap de Roca ajoute à la singularité de sa position géographique. Il s’agit du point le plus occidental d’Europe continentale. - Jean-Claude Urbain

Dans Le Pèlerinage de Childe Harold, le poète désenchanté Lord Byron comparait Sintra à un « glorieux Éden ». Près de deux siècles plus tard, le site semble toujours empli de sortilèges. Impossible de résister au romantisme de ses ruelles colorées ! L’harmonie parfaite qu’il réalise entre nature et architecture lui vaut d’être inscrit par l’Unesco au patrimoine de l’Humanité dans la catégorie « Paysage culturel ».

La vie de château

Souvent noyé dans la brume, le château des Maures qui domine Sintra rappelle l’occupation musulmane de la péninsule ibérique pendant le haut Moyen-âge. Il faut grimper vers ce nid d’aigle granitique et se promener sur ses murailles parfaitement restaurées pour voir comment les innombrables manoirs de la vieille ville se pressent autour du Palais national. Inaugurée au XIIe siècle, cette résidence de campagne a été agrandie au fil des règnes pour devenir l’un des plus beaux palais royaux du pays. Les ajouts successifs se devinent au gré de la promenade à travers le dédale des couloirs et l’enchevêtrement des salles décorées d’azulejos, ces carreaux de faïence typiquement portugais.

Caractéristiques du Palais national, celles que l’on pourrait prendre pour deux tours sont en fait deux cheminées monumentales.
Caractéristiques du Palais national, celles que l’on pourrait prendre pour deux tours sont en fait deux cheminées monumentales. - Jean-Claude Urbain

Pour se démarquer, certains souverains prirent un peu de distance avec Sintra pour édifier leur propre palais, comme celui de Mafra voulu par Jean V au début du XVIIe siècle. Surnommé le « petit Versailles portugais » pour la majesté de ses jardins, celui de Queluz connut ensuite les faveurs de la famille royale. Mais la véritable icône architecturale de la région n’est pas l’un de ces palais monumentaux. Les visiteurs contemporains n’ont souvent d’yeux que pour celui de Pena.

Sur les hauteurs de Sintra, le château médiéval des Maures et le palais moderne de Pena réalisent une surprenante association d’époques.
Sur les hauteurs de Sintra, le château médiéval des Maures et le palais moderne de Pena réalisent une surprenante association d’époques. - Jean-Claude Urbain

Rouge lorsqu’on la découvre depuis le château des Maures, jaune lorsqu’on l’aperçoit des massifs forestiers, sa silhouette fantastique est unique en son genre. Élevé au cœur du XIXe siècle sur un éperon rocheux par le roi consort Ferdinand de Saxe-Cobourg, le palais de Pena est un véritable décor de conte de fées, célébrant dans une profusion de détails le mariage improbable des styles baroque germanique, manuélin portugais et orientaliste.

Au bout de l’utopie

Le style andalou qui se retrouve dans toutes ces résidences historiques a également influencé des réalisations plus récentes. Magnifié au XIXe siècle sous l’impulsion du riche industriel anglais Sir Francis Cook, Monserrate est un palais des Milles-et-une nuits aux portes de Sintra. Protégé par un jardin luxuriant de palmiers et de fougères arborescentes, ce petit bijou architectural a nourri l’imagination de nombreux artistes, comme Lord Byron ou le cinéaste Wim Wenders. Bien sûr, inutile d’être un poète décadent pour se laisser charmer par la puissante mélancolie de Monserrate.

Des jardins au manoir, la Quinta da Regaleira multiplie les références à l’alchimie, à la franc-maçonnerie et à l’ordre des Templiers.
Des jardins au manoir, la Quinta da Regaleira multiplie les références à l’alchimie, à la franc-maçonnerie et à l’ordre des Templiers. - Jean-Claude Urbain

De retour vers Sintra, la Quinta da Regaleira invite à d’ultimes émotions. Dans un jardin extraordinaire, ce domaine, mêlant le gothique tardif et le néo-médiéval au néo-manuélin, fut la propriété de l’extravagant milliardaire brésilien António Augusto Carvalho Monteiro. Collectionneur esthète et adepte de doctrines mystiques, celui que l’on surnommait Monteiro des Millions voulut créer ici une « demeure philosophale », dont le parc serait conçu comme un parcours spirituel vers l’illumination. Pour donner corps à son utopie, il engagea comme architecte Luigi Manini, scénographe virtuose à la Scala de Milan. Le résultat est saisissant.

Déambuler le long de ces allées couvertes de mousse, gardées par des statues allégoriques, jalonnées de grottes, de cascades et de chapelles est une expérience à la fois ludique et didactique. Au détour d’un bosquet, une porte tournante, dissimulée dans la pierre, invite à descendre dans un puits initiatique. Ordonné autour de symboles chers aux traditions ésotériques, le labyrinthe qui le prolonge se veut une métaphore de la vie. De quoi rajouter au trouble des visiteurs et alimenter le spleen de leurs déambulations à Sintra !

Y aller

Terminus de trains réguliers au départ de Lisbonne, Sintra n’est qu’à une demi-heure en voiture de son aéroport international. Desservi par plusieurs compagnies, ce dernier est très accessible depuis la France, au départ de Paris et sept villes de province (Bordeaux, Nice, Marseille, Nantes, Lyon, Toulouse et Montpellier).

Bon plan

La Liboa Card, qui donne un accès gratuit aux transports en commun et à la majorité des sites touristiques, inclut le train vers Sintra.

Se loger

À moins de dix minutes de marche du Palais national, et à cinq minutes du tramway pour la plage Praia das Maçãs, l’hôtel Nova Sintra est un pied-à-terre idéal pour explorer la région. Rui Bernardo, qui dirige cet établissement familial, élégant et abordable, met tout en œuvre pour que ses visiteurs se sentent comme chez eux.

Œnotourisme

Halte gourmande entre le palais de Mafra et la station balnéaire d’Ericeira, la Quinta de Sant’Ana invite à déguster sa production biologique issue de cépages portugais, comme le ramisco, l’arinto ou le verdelho. Le domaine, qui possède une magnifique chapelle ornée d’azulejos, propose aussi des événements et hébergements de charme.

Renseignements

Le site officiel de la capitale portugaise recense toutes les adresses culturelles et intérêts naturels de Sintra et Cascais.