Dominique, la plus discrète des Antillaises, s’habille toujours en vert
CARAÏBES•Rescapée des furies historiques et météorologiques, la Dominique offre l’image la plus fidèle des Antilles originellesJean-Claude Urbain pour 20 Minutes
Si Christophe Colomb revenait voguer aujourd’hui sur la mer des Caraïbes, la Dominique est probablement la seule île qu’il reconnaîtrait. Cette perle des Petites Antilles, où subsiste une communauté indigène kalinago, dresse vers les nuages ses flancs verdoyants, striés de cascades scintillantes, tout comme elle le faisait ce dimanche de novembre 1493, lorsque le découvreur du Nouveau Monde la baptisa « Domingo ». Les colons européens ont bien essayé d’y cultiver la canne, le café et la banane. Mais la Dominique a échappé au sort de ses voisines antillaises grâce à sa topographie tourmentée. Grâce à sa position stratégique aussi.
Entre les îles françaises de Guadeloupe et de Martinique, elle a longtemps été l’objet de querelles entre puissances navales pour le contrôle de la zone. Désormais membre du Commonwealth britannique, elle ne renie pas pour autant ses influences historiques. Chacune de ses localités conserve ainsi un nom français et un nom kalinago.
Pour comprendre l’originalité de cette île, la visite du territoire amérindien, sur la côte nord-est, est incontournable. Les Kalinagos sont en effet les derniers représentants de la population précolombienne des Caraïbes. Avant que l’Angleterre ne finisse par mettre la main dessus, la Dominique avait été concédée aux autochtones antillais en échange de leur départ des autres îles. Ils sont à présent 3.500 individus à défendre leur identité et leurs coutumes sur un petit territoire de 15 km² où aucun étranger n’est autorisé à s’installer. Les visiteurs y sont tout de même les bienvenus. Au centre culturel Barana Aute, ils sont tous conviés à un repas traditionnel arrosé de Kubuli, la bière nationale dont le nom évoque l’appellation indigène de l’île : Waitukubuli, « Grand est son corps ».
Dieu aux commandes
De sources chaudes en cascades vertigineuses, de récifs multicolores en verres de ti-punch, rien ne manque en Dominique à l’inventaire des délices tropicaux. Pourtant, cette apparente douceur ne va pas sans fureur. Si la construction d’un paradis sur terre est un travail de longue haleine, sa destruction peut être instantanée. La catastrophe qui s’abattit sur l’île le 18 septembre 2017 en témoigne. Hervé Nizard, le consul honoraire de France en Dominique, se souvient de la brutalité du phénomène. « Le cyclone Maria est passé de catégorie 1 à 5 en moins de 24 heures ! Tout le monde a été pris de court. Résultat : une île ravagée à 80 % et tous les secteurs de l’économie locale obligés de repartir à zéro. » Mais les Dominiquais sont solidaires et dynamiques, ils effacent les stigmates de la tragédie à une vitesse record. La nature, quant à elle, a déjà repris ses droits.
À moitié recouverte de forêt primaire, la plus montagneuse des îles antillaises reste un enchantement pour randonneurs et naturalistes. On y dénombre pas moins de 365 rivières, 184 espèces d’oiseaux, dont deux perroquets endémiques, et un lac sulfureux en perpétuelle ébullition. Cette gueule de dragon béante et nauséabonde appelée Boiling Lake n’est accessible qu’à pieds, au terme d’un sublime tracé au cœur du parc national Morne Trois Pitons.
Après cette mise en jambes, le Waitukubuli Trail propose aux marcheurs aguerris de traverser l’île en empruntant d’anciens chemins kalinagos. Divisé en 14 sections balisées, ce parcours serpente sur 185 kilomètres entre mornes verticaux et recoins secrets. Dans ces derniers flotte encore un parfum de flibuste. Au nord de l’île, la mangrove envoûtante de l’Indian River se souvient d’ailleurs très bien du capitaine Jack Sparrow. Le plus fantasque des Pirates des Caraïbes a en effet sillonné la Dominique dans le second volet de ses aventures. Un film aux décors sensationnels, à savourer pour préparer le voyage !