Lousiane: Les Black Indians, mémoire vivante de la solidarité entre Afro-Américains et Amérindiens
HERITAGE•Costumes colorés, coiffes de plumes, chant, danse… Peu connue, l’histoire des Indiens de Mardi gras, les Black Indians, est pourtant indissociable de La Nouvelle-OrléansAntoine Coste Dombre
L'essentiel
- Les Indiens de Mardi gras, ou Black Indians, célèbrent la solidarité entre Afro-Américains et Amérindiens, victimes de la ségrégation.
- A La Nouvelle-Orléans, dans le quartier du Tremé, pour Mardi gras, ils revêtent des costumes colorés, portent des coiffes et font revivre leur héritage amérindien.
- La métropole de Lousiane accueille jusqu’au 5 mai le New Orleans Jazz & Heritage festival.
Il y a des passages obligés. Le quartier français et son vieux carré, poumon de la vie nocturne et musicale de la ville, sont des incontournables à La Nouvelle-Orléans. Suivre les pas des Indiens de Mardi gras est plus délicat. Le jour de Mardi gras venu, ces Afro-Américains font étalage de leur culture amérindienne en revêtant des costumes colorés : ils se mettent alors à danser dans des postures de guerriers, criant et chantant.
Pour les retardataires, les big chiefs Donald Harrison Jr et Monk Boudreaux exhiberont leur coiffe en plumes lors du New Orleans Jazz & Heritage festival, qui se déroule jusqu’au 5 mai.
Résistance à la ségrégation
Les Indiens de Mardi gras exhibent leurs costumes de perles et de plumes lors de deux événements annuels : en marge de Mardi gras et lors de la Saint Joseph (19 mars). « Les origines de cette coutume remontent au XIXe siècle », explique Paul Nevski, guide touristique spécialisé dans l’histoire afro-américaine et créole.
« En Louisiane, de nombreux esclaves noirs furent accueillis par des tribus amérindiennes. Ils recevaient alors une coiffe faite de plumes en plus d’un nom indien. » Plus d’un siècle plus tard, les traditions perdurent ainsi que les Black Indians, partie intégrante de l’ADN de « Nola » (pour New Orleans Lousiana). D’ailleurs cela commence à se voir selon Christian Pfohl, producteur du film documentaire Black Indians.
Popularisés par la série « Treme »
« La série Treme a popularisé cette facette peu connue de la ville. » Le Congo Square, au cœur du quartier Tremé « est un des symboles de la ségrégation, lieu historique de rencontre entre Afro-Américains et Indiens. » En son centre, trône une statue du big chief Tootie Montana. Tous les ans des tribus s’affrontent à ses pieds dans des danses et des chants durant le Congo Square Rhythms Fest.
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Voilà pour les lieux balisés « Indians ». Rassemblés dans une trentaine de tribus, les Indiens de Mardi gras gardent une culture du secret. Les parades ne se font qu’en marge du reste des festivités, dans les quartiers populaires comme le Tremé. « Les grands chefs et les membres de la tribu travaillent toute l’année sur les costumes, cousus entièrement à la main. Un vrai travail d’orfèvre », s’exclame Paul Nevski. « C’est un symbole de liberté, un moyen de rendre hommage à ceux qui ont accueilli les ancêtres esclaves. »
Un héritage qu’on retrouve aussi dans le jazz
Pour affronter ses rivaux lors des différents événements, chaque tribu répète ses gammes toutes les semaines. « Il est rare de pouvoir y assister, mais dans le Tremé, vous pouvez tomber sur des petits groupes au hasard. Ne pas avoir peur de se balader, découvrir et provoquer des rencontres est important. » Pour les moins joueurs, le Backstreet cultural museum et la House of Dance and Feathers, dans Tremé, exposent de nombreux costumes.
Les traces des Indiens de Mardi gras se suivent aussi à l’oreille. « Pas un jour ne passe à « Nola » sans qu’on entende une second line. » Ces fanfares traditionnelles, accompagnant les enterrements dans la ville, sont imprégnées de culture amérindienne. Les call and responses, couplets chantés puis repris en chœur, sont issus des échanges entre un big chief et sa tribu.
L’influence des Indiens de Mardi gras se retrouve jusque sur les scènes jazz les plus populaires. Au club Candlelight Lounge, « des musiciens imprégnés de la culture indienne comme Trombone Shorty jouent régulièrement », appuie Paul Nevski. Cette plongée dans l’histoire des Indiens de Mardi gras ne se fait pas sans effort. « Il faut avoir une bonne oreille, du flair et prendre son temps », s’amuse Paul Nevski.