VOS QUESTIONSChristophe Robert: «ll faut faire de la question du logement une priorité politique»

Christophe Robert: «ll faut faire de la question du logement une priorité politique»

VOS QUESTIONSLa fondation Abbé-Pierre a rendu lundi son rapport 2011 sur le mal-logement, Christophe Robert a répondu à vos questions...
M.B.

M.B.

Bonjour, Pouvez-vous nous dire ce que vous savez du rôle de l'Europe dans la lutte contre la mal-logement dans les pays membres ? Une Europe que certains jugent affairiste et donc favorable à la spéculation immobilière notamment grâce à la pénurie... Merci
Fran
Il y a deux catégories de pays : ceux qui ont fait de la propriété le cœur de leur politique et ceux qui maintiennent un taux important de logement locatif. Les premiers ont vu les prix flamber tandis que les autres ont été plus stables. De la même manière, certains (peu nombreux comme l’Allemagne ou la Suisse) protègent davantage les locataires et régulent les prix, tandis que d’autres (comme la France) laissent filer les prix. Ces choix ont évidemment d’importantes conséquences sur l’exclusion puisque les plus fragiles et les modestes sont davantage exclus du marché du logement lorsque les prix décrochent par rapport aux ressources. L’OCDE vient récemment de publier une étude qui appelle à une meilleure maîtrise des prix et à maintenir un parc de logement diversifié (entre locatif et propriété) : c’est peut être une première étape? Quoi qu’il en soit, il faut espérer que nous serons bientôt en mesure de siffler la fin de la récréation pour les spéculateurs. Et pour cela, c’est à nous tous de jouer et faire entendre nos voix!

Ne pensez-vous pas que le meilleur moyen d'alerter les autorités et de les mettre face à leurs responsabilités, serait d'annoncer un an à l'avance que vous ne pouvez plus soutenir les demandes et que vous fermez boutique? Si la fondation, ainsi que les resto du coeur arrêtaient leurs activités, la situation redeviendrait la responsabilité du gouvernement et obligerait les dirigeants à trouver des solutions adaptées... Une proposition radicale qui me semble essentielle.
Mk
Je comprends bien le sens de votre proposition. Etant donné l’étendue des dégâts que produit le mal-logement dans notre pays, la méthode de l’électrochoc est tentante. En même temps on ne peut pas prendre en otage les personnes en difficulté et les familles les plus fragiles. C’est aussi pour cela que la Fondation, au-delà des aides qu’elle apporte pour soutenir les mal-logés, produit un rapport annuel, évalue les choix du gouvernement et pousse parfois de réels «coups de gueule» lorsque les décisions prises par les responsables politiques nous paraissent non adaptées ou injustes. Nous pensons que seule une politique ambitieuse et durable permettra de nous sortir de la crise du logement et c’est pour cela que, dès septembre 2011, nous allons proposer aux partis et aux candidats à l’élection présidentielle de 2012 un nouveau «contrat social pour le logement» et tenter de les contraindre à s’engager dans une autre voie qui permettre de répondre aux besoins sociaux dans notre pays.

Futur étudiant sur Paris, j'aurais aimé savoir s'il était dérisoire ou non d'espérer une intervention de la part de l'état sur les loyers, avant le mois de Septembre 2011.
Kanado
J’ai bien peur en effet que les choses avancent bien lentement dans ce domaine. Notre pays croit encore fortement à l’idée selon laquelle le marché s’autorégule et finit par équilibrer offre et demande. Nos voisins allemands régulent les prix et n’ont pas subi les flambées que nous connaissons ici. Il faut faire connaître comment fonctionne ces pays et pousser les pouvoirs publics à agir dans ce sens le plus rapidement possible. Plus on sera nombreux à pousser dans ce sens, plus les chances d’aboutir rapidement seront grandes!

Pourquoi les villes qui ne respectent pas la Loi SRU sont-elles si peu (ou pas) sanctionnées ? Doit-on y voir la volonté du Gouvernement de ne pas inciter les collectivités à faciliter la construction de logement social ?
Cm78
Il est insupportable de voir que de nombreuses communes ne remplissent pas leurs obligations devant la loi. Alors oui il faut être plus ferme vis-à-vis de ces communes en appliquant notamment la deuxième lame du rasoir prévue par la loi Sru : si le maire refuse de construire, le Préfet doit se substituer à lui et imposer la construction de logements sociaux. ! Des gouvernements successifs ont tenté d’atténuer la loi. Hier le secrétaire d’Etat au Logement Benoist Apparu lors de la présentation de notre rapport annuel a quand à lui affirmé qu’il était favorable à cette loi. Nous attendons désormais un signe fort de la part du gouvernement pour dire aux maires et aux Préfets : il y a vraiment urgence à appliquer la loi ! Lorsqu’il a été décidé cet été d’évacuer des terrains ou des bidonvilles sur lesquels vivaient des personnes démunies, les consignes ont été très fermes et (malheureusement) rapidement appliquées par les Préfets. On a donc parfois le sentiment qu’il y a deux poids deux mesures.

Bonjour, ne trouvez pas que les propriétaires ont de plus en plus de charges - diagnostiques inutiles représentant un mois de loyer, rds et csg un autre mois, assurance des loyers impayés un autre mois, frais d'agence un autre mois, taxe foncières un autre, l'imposition 3 mois, frais de gestion copropriété un autre mois ? Bref sur 12 mois payés par le locataire il n'en reste plus que 3 nets... Et comme toutes les charges augmentent et les impôts aussi... Il devient inutile de louer, ça rapporte moins que le livret A ou alors on augmente les loyers, si on maintient les loyers à leurs niveaux on perd de l'argent autant ne pas louer!
Fiat850
Il faut effectivement trouver un point d’équilibre entre la rentabilité du propriétaire bailleur et les niveaux de loyer. Notre pays a impérativement besoin des propriétaires privés pour loger davantage de monde dans la mesure où le nombre de logements sociaux est très insuffisant et que tout le monde ne peut pas accéder à la propriété dans de bonnes conditions. Mais il faut tout intégrer dans la recherche de ce point d’équilibre. Des propriétaires ont par exemple bénéficié de défiscalisations très importantes et couteuses pour les finances publiques ces dernières années (dispositifs Robien puis Scellier) sans contreparties suffisantes en terme de plafonds de loyers ou de ressources. Nous pensons par exemple que les aides dont bénéficient les propriétaires bailleurs doivent être proportionnelles à la destination sociale des logements : plus le loyer est bas, plus les aides pourraient être élevées par exemple et l’on pourrait réfléchir de la même manière en ce qui concerne la taxation.

Quelles aides peuvent être mises en place pour aider les jeunes et les femmes seules?
Gaël
La meilleure aide selon moi, c’est l’accès au logement social, dans la mesure ou ce type de logement pratique des loyers en dessous du marché qui ne peuvent évoluer démesurément dans le temps. Mais l’insuffisance de logements sociaux dans notre pays fait que trop peu de demandeurs y accèdent (on compte 1.2 millions de ménages sur les listes). C’est pour cela qu’il faut en produire davantage. Après, les dispositifs qui offrent une garantie des risques locatifs (Grl, locapass…) permettent aux personnes les plus fragiles d’accéder au logement plus facilement mais le problème est qu’ils ne sont pas suffisamment développés dans notre pays.

Comment se retourner contre un propriétaire qui laisse un logement partir à l'abandon?
Chmura
Il faut chercher conseil auprès d’organismes spécialisés. Vous pouvez par exemple contacter l’Adil de votre département pour identifier la marche à suivre et vous faire expliquer les moyens juridiques pour imposer à un propriétaire les travaux qu’il doit faire au regard de la loi et les moyens de recours existants s’ils refusent de les faire.

Que pensez-vous de la situation de Monsieur Apparu qui dit que la situation n'a pas empiré alors que le mal-logement touche maintenant les classes moyennes?
Bertrand
Tout dépend de quoi on parle. Depuis l’appel de l’Abbé Pierre en 54 il est claire de le confort des logements s’est amélioré par exemple. Mais on ne peut nier le fait que le cercle des victimes du mal-logement se soit élargie ces 8-10 dernières années. C’est un constat évident qui recoupe la montée en puissance du phénomène des travailleurs pauvres : désormais l’emploi de protège plus des difficultés de logement et cela est très préoccupant dans un pays riche et moderne comme la France. On compte 3.6 millions de mal-logés et cette réalité ne peut être niée.

Etant donné la pression immobilière à Paris, pensez-vous qu'il y ait des solutions possibles? Quand on sait qu'une famille qui cherche un quatre pièces avec des revenus modestes peut attendre 12 ans pour obtenir un logement social, y a t-il une issue possible?
Mel
Le chantier est lourd est complexe mais il faut impérativement agir au plus vite pour inverser la situation.
Il faut faire de la question du logement une priorité politique pour construire massivement des logements (déficit actuel : 800 à 900 000 logements) et pas n’importe quel logement : des logements accessibles aux ressources des ménages. L’objectif de 500 000 logements par an que s’est fixé le gouvernement n’est pas atteint en 2010 (340 000 logements sont sortis de terre) et sans une construction massive on ne pourra limiter la pression sur le marché. Mais il faut simultanément réguler les prix pour éviter les flambées que nous connaissons depuis une dizaine d’années. Pour que la question devienne une priorité il faut que l’ensemble de la société civile pousse nos responsables politiques à agir dans ce sens.

Comment expliquez vous l'incroyable inaction du gouvernement face au problème, de plus en plus grave, du logement? A présent même la classe moyenne commence à avoir du mal. Ne serait il pas possible de geler les loyers au moins durant un temps?
Sergi
Plutôt qu’un gel des loyers en tant que tel (qui peut être utilisé temporairement malgré tout), nous pensons qu’un encadrement des loyers sur le long terme serait plus opportun. Les prix de l’immobilier ont doublé en 10 ans et pendant la même période, les loyers ont augmenté de 50%. On ne peut plus continuer ainsi et il faut une intervention rapide sur le marché pour éviter de produire davantage d’exclusion par le logement.

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Plus de 10 millions de personnes sont mal-logées en France, selon le rapport 2011 de la Fondation Abbé-Pierre, qui comptabilise les familles qui vivent en surpeuplement, les sans-abri ou encore ceux qui attendent un logement social…

Le secrétaire d’Etat au logement Benoist Apparu parle de «véritable livre noir du logement». Pour la Fondation Abbé-Pierre, «ce sont sans aucun doute plus de 10 millions de personnes qui subissent aujourd'hui les conséquences de la crise du logement (production de logements insuffisante et inaccessible aux plus modestes, flambée des coûts du logement et des charges, blocage de la mobilité résidentielle...)».

L’organisation attend maintenant des propositions de l’Etat. Christophe Robert, délégué général adjoint, explique que chaque année, des records sont battus. Cette année à Paris, le mètre carré a augmenté pour atteindre 7.000 euros. «Les familles ne peuvent plus payer, et dépensent 50% de leur budget dans le logement» explique t-il à RTL. «Il faut une régulation des prix, des constructions de logement» souligne t-il.

Christophe Robert était l’invité de 20minutes.fr, il a répondu à vos questions.