VOS QUESTIONSEn 2009, vous aviez interviewé Richard Descoings

En 2009, vous aviez interviewé Richard Descoings

VOS QUESTIONSA l'époque, le directeur de Sciences Po avait rendu un rapport sur l'avenir du lycée...

En 2009, Richard Descoings, chargé par Nicolas Sarkozy d'une concertation, avait rendu un rapport sur la réforme du lycée à l'Elysée. Le directeur de Sciences-Po Paris avait répondu en direct aux questions des internautes de 20minutes.fr.

Sa dernière réponse:

Dans la conclusion de votre rapport, vous vous attaquez à "l'élitisme républicain", c'est-à-dire aux formations d'excellence et au vivier de la connaissance de notre système éducatif. Vous refusez également l'accès des jeunes d'aujourd'hui aux langues anciennes que vous taxez d'enseignement élitiste. Enfin, vous opposez avec démagogie la réussite des uns à l'exclusion des autres, comme si les premiers étaient responsables de l'échec des seconds. Souhaitez-vous donc que le système éducatif public français devienne, en se tournant exclusivement vers les classes populaires, semblable dans sa médiocrité à celui des pays anglo-saxons, qu'il devienne réservé aux pauvres et que les "élites" que vous dénoncez n'aillent se réfugier dans le privé? Ne serait-il donc pas plus opportuns de se tourner là où les carences en matière d'éducation sont les plus criantes: vers le collège unique? Pourquoi commencer à rebâtir l'édifice par le toit? Pourquoi donc chambouler ce qui marche le moins mal?
Daniel
J'ai du mal à comprendre où vous avez trouvé que je voulais m'attaquer aux formations d'excellence. En revanche, je m'insurge contre l'hypocrisie d'un supposé élitisme républicain qui aujourd'hui profite toujours aux mêmes classes sociales. Franchement, il faut oser écrire que parce que le système éducatif public français se tournerait "exclusivement vers les classes populaires" il deviendrait "semblable dans sa médiocrité à celui des pays anglo-saxon"! Vous voulez dire que la médiocrité est l'apanage des pauvres et l'intelligence celui des riches? Je ne partage pas votre vision du monde.

Deux questions: Quelles sont vos propositions pour réformer la pratique de l'orientation au lycée, en l'axant enfin sur l'étude des aptitudes de l'élève (et je parle d'aptitudes scolaires ou extra-scolaires) plutôt que sur ses failles, mais aussi sur l'écoute de ses souhaits, de ses centres d'intérêts, voire de ses rêves? Ne pensez-vous pas qu'un enseignement de l'image, d'une heure par semaine, serait un moyen intéressant d'aider tout futur citoyen à analyser les images qui l'entourent (médias, publicité, politique, création, etc) et à émettre si besoin un jugement critique ? Il ne s'agit pas d'un enseignement d'histoire de l'art mais d'un apprentissage du regard.
manonR
Voici 30 ans que tout le monde dit que nous sommes dans une société de l'image, des médias, de l'audiovisuel, et notre système éducatif n'a effectivement pas encore pris la mesure de cette réalité. je partage votre conviction, il faut apprendre à lire les images comme on apprend à lire un texte. Cela devient d'autant plus important que grâce aux technologies spectaculaires du numérique, l'image construite ne permet parfois plus de distinguer le réel et le virtuel.

Ma question concerne le personnel dans les établissements: Une personne ressource dans chaque établissement pour maintenir, gérer le parc, les comptes, le SAV, les serveurs, l'évolution des TICE quotidienne... paraît nécessaire. Actuellement ces postes sont tenus par des assistants d'éducation, et le boulot qu'ils accomplissent est essentiel pour le bon fonctionnement d'un établissement. Les professeurs tout comme les élèves sont désemparés lorsqu'ils sont face à des ordinateurs qui ne fonctionnent pas. Pensez-vous que cette réforme s'accompagnera de création de poste informatique dans les lycées?
Pat
Vous avez tout à fait raison de souligner que dans beaucoup de lycées, la maintenance informatique est laissée à des professeurs ou à des assistants d'éducation, souvent doués et passionnés mais dont ce n'est pas le métier de base. Je voudrais cependant souligner que les Régions ont commencé à remédier à cette situation. Un haut responsable de la région Poitou-Charente m'a fait observer que Ségolène Royal avait décidé que chaque lycée de cette région devait être doté des personnels compétents.

L'égalité entre les élèves est un leurre au regard des conditions sociales des parents entre un fils ou fille de la classe moyenne ou supérieure et un enfant des classes dites défavorisées il y aura toujours un fossé de d'accès à la culture, de mise a disposition de l'information. Je caricature pour faire simple: entre une famille qui regarde une grande chaîne généraliste «spécialisée» dans les feuilletons américains et une famille qui regarde une chaîne franco-allemande croyez vous que les enfants aient la même chance?
ndestael
L'école républicaine a justement pour vocation de réduire les inégalités liées à la condition sociale. Abandonner cette vocation, cette mission, cet idéal, c'est renoncer au service public de l'éducation nationale. Et puis, ne simplifions pas les choses à l'excès, avec ma femme et mes beaux-enfants nous regardons souvent Docteur House, ou la Nouvelle star...

Voilà, j'ai vu que vous vouliez favoriser les stages, personnellement je trouve que c'est un bon point, mais pouvais nous expliquer par ce que veux dire "favoriser"?
sder
Beaucoup de lycéens de la voie technologique ont regretté la suppression des stages. Beaucoup de lycéens de la voie générale demandent à pouvoir effectuer des stages dans les entreprises, mais aussi dans les organisations publiques, dans le monde associatif. Ils se sont rendu compte, lorsqu'ils étaient collégiens, à l'occasion des stages courts de découverte, qu'il était important pour eux de mieux connaître les différents mondes professionnels pour pouvoir éclairer leur choix d'orientation. je crois qu'il faut répondre à leur attente. Mais attention, un stage ça s'organise, ça se prépare, il faut en faire un bilan. Je pense que dans chaque lycée, il faudrait qu'un adulte soit responsable de la recherche et de la coordination des stages en lien avec les Régions qui ont compétence pour le développement économique et pour la formation professionnelle.

N'êtes-vous pas l'alibi du président en matière d'éducation, à la veille des élections européennes(!), pour essayer de rattraper la gestion délétère de ce ministère par Xavier Darcos? Comment vivez-vous cette situation?
pipo2
Cinq mois de travail assumés et acharnés. Des réunions de travail avec plus de 8000 personnes, des réunions de travail aux lycées dans 76 départements, des préconisations extraites des débats et des contributions sur lyceepourtous.fr, la présentation ce matin même de mes propositions devant le Conseil national de la vie lycéenne, si vous pensez que tout cela n'est que de l'alibi, alors c'est que vous êtes bien cynique. J'espère que vous n'êtes pas trop jeune : un jeune cynique c'est vraiment terrible. Et, puis au fait, j'ai l'impression que Nicolas Sarkozy n'a pas vraiment besoin d'alibi...

Comment motiver mon fils de 17 ans à bachoter lorsqu'il me répond qu'il ne sera vraisemblablement jamais sélectionné pour le cursus qu'il souhaite intégrer (Sciences Po Paris) à cause de la préférence raciale qui sévit (il est malheureusement blanc et porte un nom très français)?
Tagada
Soyons sérieux, il n'y a aucune préférence raciale à Science-Po : encore heureux! J'imagine seulement que vous trouvez indécent que Science-Po ait ouvert ses portes à d'excellents élèves noirs ou beurs. Finalement je suis assez fier de votre indignation.

Ne pensez-vous pas M.Richard Descoings que votre "idée" en rapport avec le rééquilibrage des filières n'est que pure utopie? Pour ma part, les plus gros problèmes liés à l'orientation proviennent de 2 sources: - d'un côté, les parents qui "idéalisent" la réussite de leurs enfants et leur vie future - de l'autre, des enseignants et des conseillers d'orientation qui, ne connaissent pour ainsi dire rien du monde de l'entreprise (débat souvent mis en avant certes mais, qui dans les voies professionnelles de l'éducation nationale est très amoindri car beaucoup d'enseignants sont soit toujours dans une entreprise soit, en faisaient parti). Dans tous les cas, ne serait-il pas plus judicieux de commencer par développer un véritable "partenariat" avec le monde de l'entreprise pour remmener aux parents et aux enseignants (et donc aux élèves) les réalités économiques et le possible devenir des jeunes?
Fabrice
Vous avez raison, les plus angoissés au lycée sont sans doute les parents. On ne peut pas leur reprocher de s'inquiéter pour l'avenir de leurs enfants. En même temps, je crois, qu'il faut veiller, nous adultes, à ne pas trop transférer notre stress à des jeunes de 13, 14 ou 15 ans. A cause de la situation de l'emploi, on demande aux jeunes de savoir de façon de plus en plus préconise ce qu'ils veulent faire et ce qu'ils seront dans 5, 10 ou 15 ans. Franchement, nous les adultes d'aujourd'hui, est-ce que nous savions, à 14, 15 ou 16 ans ce que nous voulions faire plus tard? Pourquoi ne pas admettre que l'adolescence puisse être un temps de l'insouciance? Pourquoi ne pas admettre qu'un jeune puisse à un moment donné ne pas avoir d'idée bien précise sur ce qu'il veut faire ou sur ce qu'il veut être dans plusieurs années? Si orientation est devenue si dure pour les jeunes, c'est parce qu'ils ont le sentiment, pour un grand nombre d'entre eux, que orientation rime avec exclusion, relégation, enfermement dans un choix. Il faut rétablir de la souplesse, il faut rétablir des passerelles entre les voies et entre les séries. Il faut qu'un jeune puisse changer d'avis, il faut que les jeunes "aient droit à l'erreur".

Ne pensez-vous pas que l'on se focalise trop sur des détails et non pas sur le fond du problème des lycées?
zoreil41
Croyez-vous que la question de l'orientation soit un détail pour les lycéens et leurs familles? Pensez-vous que l'enseignement des langues soit un détail pour les lycéens? Pensez-vous que l'avenir des STI soit un détail pour les lycéens et les professeurs concernés?

Il y a un peu plus d'un an, des amis ainsi que moi-même avions décider de réaliser un rapport sur la réforme du lycée, un rapport fait par des lycéens. Un an après, le rapport est terminé. Nous avons rendu ce rapport à M. Veyrier, Conseiller Spécial de Xavier Darcos, il y a 15 jours. Aujourd'hui nous souhaiterions vous rencontrer. Cela serait-il possible?
Alexandre Gonzalez
Oui, bien sûr.

Est-ce que vous vous êtes interrogés sur le niveau réel des élèves qui arrivent en seconde? Ne pensez-vous pas que le problème se pose avant, au collège en particulier, et qu'une "réforme" du collège serait davantage nécessaire qu'une réforme du lycée et qu'elle devrait être entreprise au préalable?
Bob Les Ponges
Beaucoup de professeurs soulignent qu'en classe de seconde les élèves ne maîtrisent pas les fondamentaux dans des matières aussi essentielles à la réussite des études secondaires que le français. Il y a donc bien sûr, un problème du collège mais la loi de 2005 sur l'école et l'adoption d'un socle commun de connaissances et de compétences pour tous les collégiens sont en train d'être mis en oeuvre. On ne peut tout de même pas abandonner les jeunes qui sont aujourd'hui au lycée en attendant que les réformes du collège aient donné des résultats. Et puis, ça n'est pas parce qu'effectivement le collège rencontre des difficultés, qu'on peut dire que tout va bien au lycée. Franchement, cela se saurait s'il n'y avait aucune difficultés au lycée.

Une fois de plus, les grands oubliés de votre réforme sont les élèves venant des filières professionnelles et venant des milieux les plus modestes, vous qui vouliez de l'égalité républicaine c'est mal barré. N'ont-ils pas grâce a vos yeux? N'ont-ils pas le droit d'accéder aux études supérieurs comme leurs petits camarades des filières technologiques? Pourquoi pas des passerelles entre filière professionnelle et technologique.
tyler067000
Pardonnez-moi, mais tout au contraire, mes préconisations font une place très importante à la fois aux lycéens professionnels et aux lycéens de la voie technologique. Je propose très concrètement une campagne massive d'informations et de valorisation à la fois du lycée professionnel et de la voie technologique. Je crois avoir convaincu le président de la république que la rénovation des séries industrielles doit être une priorité et une urgence. C'est vrai que quand on parle de la réforme du lycée, trop de gens pensent seulement à la voie générale. Mes propositions tendent à rétablir un équilibre plus juste dans la vision des choses.

Monsieur pourquoi voulez-vous sabordez la section S qui permet en France, et ce n'est pas le cas de tous les pays européens, de former assez d'ingénieurs et des chercheurs de haut niveau? Ce sont plutôt les autres sections à revoir éventuellement.
chaac
Où êtes-vous allé chercher que je voulais saborder la série S? Tout au contraire, je pense qu'il faut recentrer cette série sur les élèves qui veulent, après le baccalauréat, suivre des études supérieures dans les filières scientifiques et d'ingénieurs. La situation aujourd'hui, est que 50% des élèves de la voie générale sont en S, dont une partie importante, pas du tout par choix des matières scientifiques, mais parce que la série S est présentée comme "la série des meilleurs élèves", celle qui laisse ouverte toutes les portes de l'avenir. Le résultat, c'est que les professeurs dans les disciplines scientifiques ont en face d'eux, des classes très hétérogènes par le niveau ou par la motivation. Le résultat c'est que les séries scientifiques des universités manquent dramatiquement d'étudiants. Le résultat c'est que il y a aujourd'hui presque autant de candidats aux écoles d'ingénieurs que de places dans les écoles d'ingénieurs. Bien sûr, je suis d'accord avec vous, il faut rénover la série qui ne va pas bien, la série L. Il me semble que la série ES est bien équilibrée et qu'il faut la conserver en l'état.

Ayant suivi pas à pas les débats sur la réforme du lycée sur le site «Lycée pour tous», je voudrais savoir comment vous allez articuler deux aspects primordiaux soulevés à juste titre lors de la consultation: rééquilibrage des filières générales et enseignement des langues. A quoi doit-on s'attendre pour la filière S puisqu'il me semble que le découpage S, ES et L est maintenu? Vous orientez vous vers la mise en place d'un tronc commun des langues renforcé (même nombre d'heures d'une filière à l'autre) ou au contraire envisagez-vous davantage d'heures en ES et L par rapport aux S?
deachan
J'ai constaté à la fois dans les 76 départements où je me suis rendu et à travers la plateforme internet lyceepourtous.fr qu'une majorité de lycéens, de professeurs et de parents sont très attachés à l'existence des séries de la voie générale. En revanche, tout le monde est à peu près d'accord pour dire que la série L est en perdition. A la fois parce que le nombre de ces élèves diminue dramatiquement et parce que, au sein même du lycée, l'image de cette série et des lycéens concernés est dégradée. J'ai même entendu des lycéens parler "de série poubelle". c'est bien sûr injuste et inexact, mais cela reflète dramatiquement une image dégradée. Que peut-on faire concrètement? D'abord, si l'on considère que la série L est la série des humanités, alors il faut revenir à la définition des "humanités" qui conjuguent les lettres, les arts, et les sciences. Les grands humanistes étaient de grands ingénieurs, de grands scientifiques, pensez à Léonard de Vinci, à Pascal, à Leibniz, je propose que soit donné aux lycéens de L, une culture scientifique aussi bien que philosophique, littéraire et historique. Je propose également que l'on fasse une place toute particulière à l'étude des langues et civilisations au sein de la série L.

Que proposez vous concrètement pour l'orientation avant le lycée et après le lycée?
zoreil41
Concrètement, pour l'orientation à la fin du collège, il faut massivement revaloriser le lycée professionnel et les réussites des lycéens professionnels, à la fois dans leur parcours scolaire et dans leur insertion professionnelle. C'est possible. Regardez comme l'enseignement agricole est très valorisé dans notre pays, or c'est un enseignement professionnel. Aujourd'hui, pour beaucoup de professeurs de collège qui sont le plus souvent d'anciens bons élèves qui ont réussi dans la voie générale, qui ont réussi dans les filières générales de l'université, qui ont réussi des concours très difficiles, il est difficile d'imaginer concrètement ce qu'apportent le lycée professionnel et les réussites de ces élèves. Je propose concrètement que les collégiens puissent assister à des enseignements aussi bien en lycées professionnels qu'en lycées générales et technologiques pour qu'ils se rendent compte par eux-mêmes et dans la réalité des classes.

Bonjour, l'article dit: «diminuer le nombre d'élèves par classe en seconde, mais en dissociant cette question des horaires des enseignants, afin de montrer qu'on ne diminue pas les horaires lycéens pour supprimer des postes de professeurs». Comment est-il possible de diminuer le nombre d'élèves par classe, sans diminuer le nombre d'heures de cours et à nombre d'enseignants égal?
puigcerda
Je propose de fixer pour la classe de seconde, qui est de loin celle où les élèves rencontrent le plus de difficultés, qu'au niveau national une norme de 30 élèves par classe soit visée. Mais il ne faut pas appliquer de façon uniforme une norme à des situations profondément inégalitaires. Dans certains établissements, il faut que le nombre d'élèves par classe soit inférieur à 30, quand les classes sont très hétérogènes et qu'il faut donner aux professeurs la possibilité de focaliser leur attention sur un nombre d'élèves moindre.

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