VOUS INTERVIEWEZVos questions sur la police scientifique

Vos questions sur la police scientifique

VOUS INTERVIEWEZArnaud Levy auteur de «La police scientifique»...

De Gil Grissom des «Experts», au serial killer «Ted Bundy» en passant par le fichier «Edvige», le journaliste Arnaud Levy dans «La police scientifique» (Hachette pratique), dresse un panorama de la police scientifique et de ses méthodes. Un ouvrage qui permet de mieux comprendre le travail et les outils des enquêteurs. Et l'expert des «Experts» vous a répondu en direct:

Ses dernières réponses:


suisdu24 | 29.09.2008 - 15h35

Certains ont les moyens de la police scientifique: Sarko, lorsque le scooter de son fils avait été chourré, l'ADN a révélé le voleur! C'est normal?

Ce qui ne serait pas «normal», pour le moins pas souhaitable, c'est que l'on ne tente pas d'étendre le bénéfice des analyses de police scientifique à tous les citoyens comme ce fut le cas effectivement pour le fils de Nicolas Sarkozy (ou celui de Ségolène Royal et François Hollande).


claire75 | 29.09.2008 - 15h32

Bonjour, Comment se situe la police scientifique française par rapport aux (vrais) experts anglo-saxons? Avons-nous été pionniers dans certains domaines? Et où peut-on trouver votre livre?

J'ai en partie répondu. Les grands pays occidentaux sont aujourd'hui assez proches, même si les États-Unis et plus peut-être le Royaume-Uni ont été en pointe. Mais chez les policiers scientifiques l'information circule par nature plus facilement que le renseignement policier. Les scientifiques ont pour principe de faire valider leurs procédures par la collégialité. Et au niveau européen un organisme comme l'ENFSI fait beaucoup pour harmoniser et élever le niveau. Vous avez parfaitement raison sur le second point: la France a été historiquement pionnière. On peut faire naître la police scientifique à "l'invention" de l'anthropométrie par Bertillon en 1879. Mais le véritable "père intellectuel" de la police scientifique c'est Edmond Locard, un prodigieux savant au sens classique, visionnaire et humaniste, qui a formulé le principe de l'échange (ou du transfert comme on dit dans Les Experts): tout criminel dépose ses traces sur les lieux de son action et emporte sur lui des indices de la scène. C'est l'alpha et l'oméga de la police technique et scientifique.


martin | 29.09.2008 - 15h13

Les moyens de la Police scientifique ne sont pas exploités dans toutes les affaires. A combien, estimez-vous, en pourcentage, l'utilisation du potentiel?

Difficile de répondre. Mais la police comme la gendarmerie ont désormais complètement intégré les procédures de gestion de la scène de crime (délimitation, collecte des indices, conservation etc). En matière criminelle, elle est systématiquement mise en en oeuvre même si bien sur dans certains cas de figure elle peut intervenir après coup. Et ses apports sont incontestables. Regardez bien les photos d'actualité représentants des scènes de crime: vous verrez que les enquêteurs sont de toujours en blanc, c'est à dire revêtus des tenues de protection qui préviennent une «contamination» des indices. L'un des grands défis à venir sera d'étendre les investigations de police technique à la petite et moyenne délinquance (cambriolage, délits de voie publique), celle qui souvent "pourrit" la vie des citoyens et nourrit un sentiment d'insécurité. L'objectif fixé par la ministre del'intérieur c'est 2010. Mais il va falloir des moyens...


bartendo | 29.09.2008 - 15h06

Avez-vous déjà assisté à un crime parfait (ie: on sait qui est le tueur, comment il a agi, mais impossible de le prouver)?

Moi non: je ne suis ni tueur, ni policier. A priori le crime parfait c'est celui qu'on ne soupçonne même pas. Quant aux crimes parfaits parce que leur auteur ne peut être confondu, ils ne le restent pas tous éternellement, c'est même un des grands apports de la police scientifique et notamment des analyses ADN et de la mise en place d'un vrai fichier des empreintes génétiques. La police a souvent remonté le temps. Ainsi de nombreux tueurs en série, parfaitement adaptés au système policier et judiciaire et qui avaient su passer entre toutes les mailles des filets tendus ont été rattrapés par leur empreinte ADN. Ils n'avaient pu prévoir les progrès de la biologie. La constitution d'un fichier, elle, a permis d'identifier des auteurs de crimes graves (violeurs notamment) parce que leur ADN avait été prélevé ultérieurement à l'occasion d'une infraction banale ou bénigne... Les exemples ne manquent pas...


worrt66 | 29.09.2008 - 13h31

Dans la vraie vie, on trouve pas un poil de cul au milieu d'un tas de feuille. Non? L'enquête, c'est surtout de la paperasse (réquisitions, demandes diverses, comptes-rendus...). On n'est pas spécialiste de tout (analyses de projection de sang, plongeur, spéléologue, informaticien...); non mais, N'importe quoi... Les macchabées, c'est plus des pochtrons qui ont décidé d'en finir que des victimes d'homicides. Non?

Pour les polis au milieu d'un tas de feuilles nous perdons en moyenne une centaine de cheveux par jour alors.... Mais vous avez raison: la police scientifique c'est une mosaïque de savoirs, d'expériences et d'expertises, et chacun a son domaine, surtout au stade des analyses de laboratoires. Un expert en balistique n'est pas expert en empreintes digitales ou en botanique et vice versa... Sinon je sais que l'alcoolisme fait des ravages en matière de santé publqiue et que la France a un taux peu enviable de suicide surtout chez les jeunes. Mais, sauf à avoir soi-même trop bu, on ne peut raisonnablement classer tous les macchabées dans la catégorie des acoolos suicidaires...


Al94 | 29.09.2008 - 14h24

Il y avait un article il y a quelques mois dans pour la science sur le réalisme de cette série. Déjà la vraie police scientifique vie dans le manque de temps et de moyen. Ensuite il semble que les jurys deviennent de plus en plus exigeants en preuve scientifique, qui sont assez rares. Non?

C'est exact: c'est ce qu'aux Etats-Unis on a appelé "l'effet CSI" (du nom de la série Les Experts, Crime Scene Investigation). J'ai un peu répondu plus haut. L'effet pervers de la série c'est qu'elle peut donner un aspect "magicien" et facile aux investigations. La police scientifique ça n'est ni magique ni facile. C'est souvent long, fastidieux, incertain et difficile. L'effet CSI c'est par exemple d'attente irréaliste, un jury qui avait acquitté un dirigeant de sociétés poursuivi pour délits financiers et comptables parce que le dossier ne contenait pas... d'empreintes digitales. L'exigence en matière de preuve matérielle est le reflet d'un progrès: la "religion de l'aveu" longtemps dominante en France a été affaiblie et l'on ne s'en contente plus ou moins. Mais il ne faudrait pas qu'à la religion de l'aveu se substitue la religion de la preuve scientifique.


Fran | 29.09.2008 - 11h46

Les éléments de la Police Scientifique sont-ils confrontés aux éventuels suspects dans le cadre d'une affaire relevant de leurs compétences, et si oui dans quel registre ( prélèvements, interrogatoires, planques)?

Les suspects ou mis en cause peuvent être interrogés ou confrontés lors de l'enquête ou de l'instruction sur/aux éléments matériels établis par l'enquête. Mais ce n'est pas le travail de la police scientifique. Il faut distinguer clairement trois niveaux d'enquête: celle de police technique qui récolte les éléments matériels, celle de police scientifique qui les analyse et celle de police judiciaire qui les intègre dans l'enquête globale et les «contextualise». Encore une fois le boulot de la police scientifique ne consiste pas à interroger les suspects.


valal911 | 29.09.2008 - 11h54

Bonjour, Dans les série policière américaine, on voit une profusion de matériels High Tech, des locaux spacieux, modernes, aérés. Qu'en est-il en France, quels sont les moyens dont dispose la police scientifique?

J'ai partiellement répondu plus haut. La réalité aux Etats-Unis est très contrastée notamment en raison du morcellement des forces de police. De nombreux labos ont des problèmes de financement et d'équipement. L'une des grandes forces de la police scientifique US c'est la taille de son "marché" qui permet le développement et l'essai de produits dits «criminalistiques». En France, nous étions terriblement en retard jusqu'au milieu des années 80 (alors que la France a a été l'un des pays pionniers dans ce domaine). Depuis d'énormes progrès ont été faits. Ensuite tout dépend des endroits et des secteurs. La chaîne de traitement automatisé des échantillons biologiques par exemple, est probablement là ou l'une des plus modernes au monde. Les crédits ont été en hausse constante. Mais les demandes aussi...


Encoreunemauvaise | 29.09.2008 - 11h32

Bonjour, j'aurais juste une petite question sur ces séries dites «polices scientifiques». Je suis assidu à ces séries qui sont relativement prenantes, toutefois j'aimerais savoir pourquoi les séries Françaises sont moins orchestrées que les séries américaines qui sont beaucoup plus haletantes? Est-ce du au fait qu'elles soient plus réalistes que les versions Française? Merci de vos éclaircissements.

Le savoir faire américain en matière de série n'est plus à prouver... Les Experts Las Vegas est, à mon avis, une série haut de gamme sur tous les plans (visuels, technique, dramatique). En France à l'inverse nous avons toujours eu du mal à proposer des séries réalistes en matière de procédure pénale notamment. On a un peu progressé (je pense surtout à certains téléfilms) mais il faudrait persévérer...

De façon générale d'ailleurs nous avons en France un rapport aux faits et au fait criminel moins "objectif" que dans les pays anglo-saxons. On sait faire moralisateur ou engagé. On sait moins bien faire réaliste. Et puis la place de la violence dans la société américaine, et celle du crime dans les programmes télés est incomparable. De ce point de vue, le public est probablement plus "éduqué" et donc plus exigeant...


pauline24 | 28.09.2008 - 18h31

Je suis en classe de 3e! J'ai un devoir en S.V.T. sur la police scientifique je dois poser 2 questions? Est-ce que ce métier est dur mentalement? Quel secteur de la police scientifique est le plus facile à intégrer?

Bonjour. Vous avez raison de poser la question, surtout pour les personnels de police technique qui réalisent les constatations sur les scènes d'infraction. Il faut être préparé à une confrontation régulière à la mort. Cet aspect psychologique est pris en compte lors du recrutement et de la formation des policiers scientifiques.

Pour répondre à votre seconde question de façon générale je ne crois pas que le monde de la police scientifique s'accorde avec la facilité... Ensuite tout dépend du domaine et du niveau d'études et de qualification. Pour être concret, en France, la Sous-direction de la police scientifique recrute des Agents spécialisés (APTS) dans des concours de catégorie C ouverts candidats titulaires d'un diplôme de niveau 5 (brevet), de Techniciens de police technique et scientifique (concours de catégorie B ouverts aux Bac + 2) et des ingénieurs (recrutés sur titres et travaux). Mais dans ce secteur comme dans tant d'autres sur le marché de l'emploi, les candidats sont souvent "surdiplômés" par rapport aux postes ouverts...


Marjoboss | 26.09.2008 - 19h18

Bonjour, je suis depuis plusieurs années intéressée par la police scientifique et ses métiers et je voudrais savoir quelles sont les grandes différences entre la fiction (par ex les experts) et la réalité mis à part le temps car je me doute que les résultats n'arrivent pas en 30 secondes. Y a-t-il autant de matériel et surtout du matériel aussi performant dans la réalité? J'ai une autre question: comment accède-t-on à la police scientifique? Quel secteur de la police scientifique est le plus facile à intégrer? Merci par avance et désolée de poser autant de questions d'un coup.

Vous avez tout à fait raison. C'est là un autre travers des séries: elles concentrent le temps, et donnent une impression fausse de facilité et de rapidité. Même si l'une des grands avancées récentes de la police scientifique a été de rendre les délais de certaines expertises compatibles avec ceux de la procédure pénale (garde à vue par exemple).

Pour ce qui est du matériel, c'est très variable. Celui que montrent les séries est conforme à la réalité (il est même fourni par les fabricants). Mais vous ne trouverez pas beaucoup de labos aussi high tech et design que celui de Will Grissom... Les labos n'échappent pas aux problèmes de financement, à la mise à niveau des matériels et des personnels pour faire face à la hausse des demandes.

Ces dernières années par exemple l'essentiel des investissements est allé à la génétique pour nourrir le Fichier national des empreintes génétiques. Du coup d'autres postes ont du attendre pour renouveler leur matériel…


charlot | 26.09.2008 - 16h37

Vous intervenez vraiment arme à la main comme dans la série ou vous êtes de simples scientifiques?

C'est un des principaux reproches qu'on peut faire aux séries: la confusion des rôles pour nourrir la tension scénaristique. Parfois sur «Les Experts Miami» par exemple, on a l'impression que David Caruso est plutôt membre des SWAT (ou disons en France du GIGN) que de la police scientifique.

Dans la réalité les missions sont très différenciées. Comme les personnels qui concourent à la police scientifique. Certains sont policiers, et parmi eux certains sont Officiers de police judiciaires. D'autres sont des scientifiques, des experts. Le rôle des policiers scientifiques n'est pas d'interroger les suspects encore moins de les appréhender. On leur demande de récolter, d'analyser, de "faire parler" ces "témoins muets" que sont les indices matériels.


carmabella | 26.09.2008 - 10h55

La police scientifique de certaines séries est-elle le reflet de ce que vous vivez au quotidien ou la fiction est-elle exagérée? A force de nous balancer toutes ces séries policières et meurtrières, ne craignez-vous pas des débordements chez certains esprits faibles?

Bonjour. Avant tout je ne suis pas policier mais... journaliste, et c'est à ce titre que j'ai voulu proposer un tour d'horizon du "phénomène police scientifique". Je me suis donc bien sûr aussi intéressé à ses représentations télévisées et j'ai interrogé mes interlocuteurs. La réponse est contrastée (et peut varier en fonction des séries).

Globalement les techniques représentées sont authentiques, et les scénarii proposés sont crédibles même s'ils peuvent avoir l'air un peu "tirés par les cheveux". La mort n'a rien de routinier et les séries reflètent bien la diversité des scènes de crime auxquelles peuvent être confrontés les spécialistes. Mais même les meilleurs séries doivent simplifier la réalité, j'aurai l'occasion d'y revenir.

Quant aux effets du crime à la télé sur la réalité c'est un vieux débat. Le succès mondial des Experts a provoqué un débat, surtout aux États-Unis, où des juges et des policiers estiment que ces programmes peuvent provoquer des attentes irréalistes dans l'esprit du public ou plus grave des jurés. Il y a eu des cas où des criminels se sont inspirés de la série dont ils étaient fans. Mais les vrais malfrats n'ont pas besoin d'elles. La rue et la prison sont une meilleure école du crime que les séries télé...


Le chat est fini...