[Le chat est terminé]
Merci à tous pour ces questions passionnantes. Le fait que vous ayez été si nombreux à vous joindre à cette discussion prouve le réel intérêt en France aujourd’hui pour ce débat éthique et sociétal qui ne fait que commencer. Je vous souhaite une excellente fin de journée, et à bientôt, ici ou ailleurs, pour poursuivre la conversation! Aymeric
Rachelle: Nous sommes nombreux à défendre la cause animale, notamment les sévices que subissent les animaux destinés à l'abattage. Comment pensez-vous utiliser votre notoriété pour défendre cette cause, alors que la majorité de la population et l'Etat, ne se mobilisent absolument pas pour mettre un terme à toute cette souffrance?
Je ne considère pas mon travail comme celui d’un militant, mais bien plutôt comme celui d’un journaliste qui veut ouvrir le débat en mettant à la portée de tous des éléments objectifs de réflexion. Mais évidemment, le travail des associations est fondamental, il y a beaucoup de gens qui s’engagent dans des combats courageux que je soutiens.
Je ne considère pas mon travail comme celui d’un militant, mais bien plutôt comme celui d’un journaliste qui veut ouvrir le débat en mettant à la portée de tous des éléments objectifs de réflexion. Mais évidemment, le travail des associations est fondamental, il y a beaucoup de gens qui s’engagent dans des combats courageux que je soutiens.
djune: Bonjour. Tout d'abord un grand merci pour votre engagement, votre travail et votre sang-froid. Votre prise de conscience s'accompagne-t-elle d'une dimension spirituelle?
Oui je le crois, si par «spirituel» vous entendez une réflexion sur la place de l’homme parmi les autres espèces animales.
JeanClaudeDubois: Si on laissait les lapins et les chèvres en liberté dans les cultures, ils feraient des ravages. Comment se prémunir de ces tels désagréments? En les euthanasiant tous?
Entre 80 et 90% des animaux que nous consommons aujourd’hui en France proviennent d’élevages industriels. Ils n’existent que parce que nous les créons pour les manger. Commençons par supprimer ces élevages industriels. Ensuite, il ne vous aura pas échappé que la plupart des animaux sur terre ont le droit d’exister même si nous ne les exploitons pas. Les lions, les girafes, etc... font partie d’un écosystème qu’il nous appartient de protéger. Les lapins et les chèvres, puisque c’est l’exemple que vous prenez, peuvent faire partie de cet écosystème naturel.
Didier: Quand un éleveur dit qu'il aime ses bêtes autant que ses enfants et qu'il se vante de pleurer quand elles partent à l'abattoir, et sachant que le végétarisme est à la portée de tous et donc de cet éleveur aussi, doit-on le considérer comme un danger à écarter de la société?
Je crois qu’il faut se méfier des discours radicaux, quels qu’ils soient... Il y a des éleveurs qui aiment sincèrement leurs animaux, même s’ils considèrent qu’il est normal de les manger. Il ne s’agit pas selon moi d’opposer les végétariens et les non-végétariens. Je préfère privilégier le dialogue, Je suis sûr qu’il y a beaucoup de mangeurs de viande aujourd’hui qui se posent les bonnes questions. Il faut laisser le temps à la discussion et aux arguments de faire leur effet.
Raph121: Merci pour votre engagement, pas facile en effet de parler végétarisme au pays de la blanquette de veau. Pourquoi les médecins s’acharnent-il selon vous à critiquer le végétarisme, alors que toutes les études montrent qu’il est bien meilleur pour notre santé?
Là encore, on assiste en ce moment à un changement: les médecins français commencent à admettre qu’on peut être en très bonne santé sans manger de viande. Mais il y a en France une longue histoire liée à notre culture, qui offre une large place à la viande et aux élevages depuis très longtemps. Les pouvoirs publics n’ont donc absolument rien fait pour promouvoir les produits végétaux. Au contraire, ils continuent à promouvoir les protéines animales, dans les cantines scolaires par exemple. La situation est très différente aux Etats-Unis.
Sapristi: Ne faudrait-il pas plutôt utiliser votre notoriété pour combattre Monsanto? Des scandales, il y en a, des priorités aussi.
Il y a déjà des journalistes qui ont fait un excellent travail sur Monsanto. Il existe bien sûr d’autres situations ou dossiers qui nécessitent une prise de conscience et un engagement, mais cela n’enlève rien à la validité de l’enquête que j’ai choisi de mener. On ne peut pas être partout à la fois!
JulieDuke: Bonjour Mr Caron. C'est quoi pour vous le plus difficile, le fait de constamment devoir vous justifier, même après 20 ans de végétarisme, le ton moqueur des autres ou l'indifférence générale des hommes face aux différents problèmes que vous évoquez dans votre livre?
Les moqueries et les blagues récurrentes ne me font plus vraiment d’effet: je les ai trop entendues. Et j’en entends beaucoup moins aujourd’hui car, tout de même, les mentalités évoluent. Quant à l’indifférence, je ne la constate pas réellement. Au contraire, je suis agréablement surpris du dialogue provoqué par les différentes thématiques abordées dans «No Steak».
Dyomene: Comment gérez-vous votre végétarisme dans votre milieu? Être végétarien n'est pas simple lorsque nous sommes en société. On vous propose quelque chose à manger et vous devez parfois refuser...
Oui, mais cela est beaucoup mieux compris aujourd’hui. Ce n’était pas le cas il y quelques années, comme je le raconte dans «No Steak», où je décris mes grands moments de solitude liés à mon régime alimentaire.
mostralanus31: C'est curieux l'agressivité que suscite le végétarisme. Est-ce la peur de la différence qui entraîne l'intolérance, on retrouve les mêmes réactions à des degrés divers qu'il s'agisse de sexualité, de couleur de peau, de look etc.
Le végétarien suscite parfois des réactions un peu dures parce qu’il interroge le non-végétarien sur ses propres certitudes alimentaires. Et puis c’est connu, être minoritaire pose toujours quelques problèmes.
Lionel: Les additifs (E120, E472, etc.) sont souvent des pièges car ils contiennent des traces animales, et souvent du porc. Pensez-vous que nous manquions de visibilité sur ces procédés qui se retrouvent dans des yaourts, sandwich, etc.?
Absolument, d’autant que les industriels entretiennent volontairement le mensonge en camouflant les produits derrière des noms incompréhensibles. Qui sait vraiment; par exemple, que certains savons contiennent des produits animaux? (euh... je ne dis pas qu’il faut manger des savons ;-) )
Pseudo109024: Est-il plus facile d'être végétarien aujourd'hui qu'il y a 20 ans, lorsque vous avez commencé à l'être?
Absolument! Il y a 20 ans en France, c’était très compliqué. Ça va mieux aujourd’hui, mais la France a encore 20 ou 30 ans de retard sur le sujet par rapport à d’autres pays.
al198: Toute l'humanité ne deviendra pas végétarienne, l'homme est omnivore par essence. Que pensez-vous de l'alternative des insectes?
L’homme a été omnivore à un moment de son histoire, c’est vrai, mais les premiers hommes ne mangeaient pas de viande, à part quelques insectes. Et puis en fait l’homme n’est pas vraiment omnivore au sens où il pourrait manger DE TOUT, puisqu’il y a des animaux ou des végétaux qui l’empoisonnent. Par ailleurs, l’espèce humaine évolue: elle n’est pas obligée de reproduire demain ce qu’elle a fait hier. Nos connaissances en éthologie et en neurobiologie nous obligent aujourd’hui à reconsidérer complètement notre manière de traiter les animaux. Pour les insectes, j’ai répondu précédemment.
BleuKobalt: Pensez-vous réellement qu'un jour la majorité de la population mondiale sera végétarienne? Après la lutte contre le racisme, le sexisme, l'homophobie, la nouvelle génération se battra-t-elle bientôt contre le spécisme?
Oui je pense que l’humanité sera végétarienne un jour, pour des raisons économiques, sanitaires et éthiques. Je ne suis pas le seul à le penser. Claude Levi Strauss l’avait déjà prédit. En effet, la lutte contre le spécisme s’inscrit dans la continuité des combats contre le racisme ou le sexisme.
Ethanol: Si toute l’humanité était végétarienne, les prix des matières premières exploseraient et il y aurait depuis longtemps une famine dans le monde. Qu'en pensez-vous?
Si nous étions tous végétariens, cela permettrait au contraire de résoudre les problèmes alimentaires. Pour obtenir une calorie animale, il faut entre 4 et 12 calories végétales (selon qu’il s’agit d’un poulet, d’un cochon ou d’un boeuf). La viande, paradoxalement, contribue donc à la faim dans le monde.
N: Votre livre est-il une pure propagande pour le végétalisme? Car le constat que vous faites est connu mais beaucoup d'aliments comme les insectes sont une solution ainsi que le développement de l'élevage de poissons.
Je suis végétarien, et non végétalien, même si je m’intéresse de près à ce mode d’alimentation. Il n’y a pas de propagande pour l’un ou l’autre de ces systèmes alimentaires dans mon livre. Il n’y a que des faits, des études, des constats, des enquêtes, qui démontrent que notre rapport aux animaux et à la viande est aujourd’hui tout à fait inadapté et inconséquent. J’explique aussi, preuves à l’appui, pourquoi les humains ne mangeront plus de viande un jour. Mais je laisse à chacun le soin de se faire sa propre opinion sur le régime alimentaire qu’il juge utile d’adopter. Les insectes peuvent être une solution, mais ce sont aussi des animaux sensibles, à leur degré évidemment. Les poissons aussi. Une étude parue il y a 10 jours en Irlande du Nord a confirmé, par exemple, la sensibilité des crabes.
Cecilia: Bonjour Aymeric. Merci d'avoir écrit ce livre aux Français, très en retard sur le sujet comparé à d'autres pays. Durant les interviews, vous savez rester digne et calme, quel bonheur! Vous avez dit, il me semble, être écœuré par l'industrie du lait (séparation du jeune veau, pour exploiter le lait de sa mère). Pourquoi ne devenez-vous pas végétalien ou vegan?
Le végétalisme ou le véganisme représentent encore une autre étape de la réflexion. Mais il n’y a pas forcément de barrière indépassable entre ces modes alimentaires et le végétarisme que je pratique. Le lait est un bon exemple: sur le plan éthique, je ne suis pas opposé à la consommation de lait, puisque celle-ci, en principe, ne nécessite pas la mort de l’animal. Sauf que, dans les faits, et dans le système industriel qui est le nôtre, l’exploitation des vaches laitières pose un vrai problème: les vaches ont en réalité une vie misérable, et pour obtenir le lait on fait naître des veaux qu’on envoie à la boucherie. C’est pour cela que j’ai remplacé le lait de vache par du lait de soja ou d’amande. Mais la réflexion est toujours en mouvement. Et un grand merci pour votre soutien.
Marie-Soizic: Quelle a été votre motivation première pour devenir végétarien?
Je suis devenu végétarien pour des raisons morales et éthiques. Dès l’adolescence, j’ai diminué ma consommation de viande car je me posais beaucoup de questions sur la manière dont nous traitons les animaux. Quand j’avais une vingtaine d’année, j’ai vu un reportage à la télé sur les coulisses des abattoirs. Ce fut le déclic définitif Depuis ce moment je n’ai plus jamais mangé de viande.
Bonjour. Le chat va commencer dans quelques minutes. Nous avons reçu (vraiment) beaucoup de questions. Merci à tous :)
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Présentation du chat:
Longtemps, Aymeric Caron, journaliste et chroniqueur dans l'émission «On n'est pas couché» sur France 2, a consommé de la viande. Eduqué dans une famille française «traditionnelle», où la viande était présente à quasiment tous les repas, il devient végétarien pendant ses études. Un choix qui s’impose rapidement à lui comme une évidence.
Vingt ans après, il publie No Steak (Fayard), une enquête qui explore les différents degrés - souvent paradoxaux - du rapport que l'homme entretient avec les animaux. Pourquoi les chats et les chiens sont-ils chouchoutés dans certains pays alors que dans d’autres ils peuvent finir à la casserole? Pourquoi mangeons-nous, en priorité, des cochons, des poulets et des bœufs?
Sans être adepte du prosélytisme, l’auteur convoque ses expériences et une multitude d’arguments éthiques et écologiques pour convaincre du bien fondé de son régime alimentaire, anticipant son «avènement». Car pour l’auteur, pas de doute, un jour, la viande disparaitra.
Aymeric Caron est journaliste et chroniqueur dans l'émission «On n'est pas couché», animée par Laurent Ruquier sur France 2. Il est végétarien depuis plus de 20 ans.
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