VOS QUESTIONSVous avez interviewé Benjamin des Gachons, de Change.org, à propos des pétitions en ligne

Vous avez interviewé Benjamin des Gachons, de Change.org, à propos des pétitions en ligne

VOS QUESTIONSLe directeur des campagnes de Change.org a répondu à vos questions...
Anaëlle Grondin et Christine Laemmel

Anaëlle Grondin et Christine Laemmel

Conclusion:
Je remercie tous les participants à ce live chat pour la pertinence de leurs questions. L’exercice n’est pas évident, cela mériterait plus de temps pour continuer la discussion, merci à 20 Minutes pour l’initiative! Je crois vous avoir montré en quoi des plateformes comme Change.org permettent de renouveler la pétition en ligne, en en faisant un outil efficace qui sert les mobilisations et campagnes citoyennes. Pour continuer les échanges, rendez-vous sur Twitter ( @benjdesgachons), @ChangeFrance
et ce soir à la conférence inaugurale de la @SocialGoodWeek !

Ana: Il existe d’autres sites comme le vôtre, par exemple Avaaz.org. Quelle est la différence entre ces deux sites? Vous faites strictement la même chose?
Avaaz est un mouvement citoyen mondial qui à travers ses campagnes prend des positions, y compris politiques, sur des causes variées. Ces campagnes sont lancées après sondage auprès de leurs membres. Change.org est une plateforme ouverte où chacun peut lancer, rejoindre et gagner des pétitions sur les causes qui lui tienne à cœur, et bénéficier des conseils de notre équipe pour construire sa campagne. Avaaz vient de créer un site de pétitions qui ressemble en effet à Change.org, mais à ma connaissance, dans la diffusion des campagnes, la différence que je viens d’évoquer demeure. Ce sont deux organisations et deux outils avec des approches différentes. Et de même que tout le monde n’est pas membre du même réseau social ou de la même ONG, cela crée de la diversité. Autrement dit, encore plus de chances pour les citoyens de trouver l’outil qui leur convient le mieux pour agir.

Loloo: Quel crédit accorder à ces pétitions en ligne? Ce n'est pas si compliqué pour certain d'avoir des listes de noms et email (achetées ou pas)...
Je pense que c’est plutôt compliqué de se procurer de telles listes, à moins d’être particulièrement mal intentionné, ce qui n’est pas à exclure. A Change.org, nous vérifions au quotidien la fiabilité des signatures et des emails. Chaque créateur de pétition peut télécharger la liste des noms des signataires (mais pas leurs données personnelles comme l’adresse email, qui sont protégées), s’il souhaite la remettre à son interlocuteur pour lui montrer le sérieux de sa pétition. C’est particulièrement efficace dans le cadre de pétitions locales ou nationales pour lesquelles certaines cibles seront sensibles à la mobilisation de leurs administrés (politiques) ou de leurs clients (entreprise).

Acary: Réussir à mobiliser en masse sur le web et très rapidement, peut-il avoir ses dangers? Cause illicite, emballement, nuisance à une enquête policière...
Il existe certainement des risques, mais ce sont les mêmes risques qui peuvent apparaître dans l’espace démocratique traditionnel. Le web n’est pas déconnecté du monde réel, il en fait partie.

Henri: Depuis combien de temps existe les pétitions en ligne? Dans quel contexte ont-elles été crées à l’origine?
Il existe de nombreux sites de «publication» de pétitions et je ne saurais vous donner la date précise de leur création. En ce qui concerne les récentes plateformes et organisations qui utilisent la pétition en ligne, leur création est récente. Avaaz et Change.org ont été créées en 2007, Avaaz avec l’idée de développer au niveau mondial un mouvement politique et citoyen inspiré de Move On aux Etats-Unis, Change.org avec l’idée de s’inspirer du pouvoir de connexion de Facebook pour développer une plateforme ouverte à tous et dédiée à l’action.

Philippe : Doit-on signer les pétitions que l’on reçoit par courriel? Ou faut-il se méfier de certaines d’entre elles?
En ce qui concerne Change.org, nous préparons et envoyons des e-mails à nos utilisateurs pour leur présenter certaines campagnes, et ces e-mails sont bien identifiables. Mais en dehors de Change.org ou d’autres organisations, il est vrai que beaucoup d’appels à signature circulent sur le net et qu’il faut prendre le temps d’en vérifier l’origine.

CharlieBe: Un article d’Atlantico compare les pétitions en ligne aux manifestations. Qu’en pensez-vous? Les manifs sont souvent critiquées pour leur inutilité... Les pétitions en ligne sont-elles amenées à remplacer les manifs?
Je n’avais pas compris le titre de l’article comme vous, pour moi l’auteur souligne que les pétitions en ligne prennent de nouvelles formes. Mais votre question est importante. Pour moi la pétition en ligne ne remplace pas la manifestation. La pétition en ligne est un outil de la mobilisation. Pour être efficace, elle doit faire partie d’une stratégie, d’une campagne ponctuée de différents moments et tactiques. C’est la même chose pour une manifestation. Le succès de la campagne “Trayvon Martin” que j’évoque dans une de mes réponses vient de la conjonction de plusieurs facteurs: pétition massive, buzz sur les réseaux sociaux, grandes manifestations dans plusieurs villes, prise de position des politiques, médiatisation.

Geraldine: Les pétitions en ligne participent-elles à l’émancipation du journalisme citoyen selon vous?
Elles participent certainement à l’émancipation de nouvelles formes de journalisme, ou en tout cas de diffusion de l’information par les citoyens. Elles permettent aussi d’associer de façon étroite information et action. Un exemple, l’association chinoise China Labor Watch vient de publier un rapport sur l’exploitation des travailleurs chez les fournisseurs chinois de Samsung. Pour faire connaître ce rapport et pousser Samsung à réagir, elle a décidé d’agir sur deux fronts simultanément: envoi du rapport à des journaux «classiques» et lancement d’une pétition sur Change.org pour que le plus grand nombre de citoyens prennent connaissance du rapport et agissent immédiatement.

Ana: Je voudrais bien savoir comment ça se passe une fois qu’une cause a recueilli suffisamment de signatures pour être prise au sérieux. Quelles sont les étapes suivantes pour Change.org?
C’est une très bonne question. La différence entre Change.org et un site classique de publication de pétitions, c’est l’accompagnement. Dès qu’une pétition prend de l’ampleur sur notre plateforme, nous contactons la personne qui l’a lancée pour échanger avec elle sur la stratégie qu’elle veut donner à sa campagne. Nous lui donnons le maximum de conseils (par exemple reformuler tel passage de la pétition pour qu’il soit plus clair, ajouter tel décideur dans les cibles), mais la personne prend les décisions finales. Nous la mettons en relation avec les médias et avec les cibles, et nous pouvons envisager d’envoyer un appel à signatures à nos utilisateurs intéressés par cette cause.

Nebelhorn: Comment faîtes vous pour gagner de l'argent avec ce site? On doit payer pour signer les pétitions?
La plateforme Change.org est entièrement gratuite pour les individus, associations et collectifs. Pour maintenir cette gratuité tout en développant notre plateforme, nous offrons aux ONG plus importantes un service payant de liens sponsorisés, un peu comme les Facebook Ads : ces ONG ont la possibilité de présenter à nos utilisateurs intéressés par des causes les campagnes qu’elles mènent sur ces causes.

Olivier: J’ai une question sur votre parcours. Comment et pourquoi vous êtes-vous lancé dans le domaine des «pétitions en ligne»?
Je suis tombé dans le web par hasard. Je travaille depuis 8 ans dans le milieu de la solidarité et j’ai pu mesurer combien Internet a permis d’accélérer les choses en très peu de temps. L’idée de lier efficacement nouvelles technologies et mobilisation des citoyens m’a séduit. J’ai rejoins le mouvement Avaaz en 2009 alors qu’il n’avait que 2 ans d’existence. Et il y a quelques mois, j’ai décidé de me lancer dans l’aventure Change.org, c’est-à-dire ouvrir une plate-forme qui a fait ses preuves à l’étranger mais qui était encore inconnue en France.

Bisbille: Faites-vous un tri des pétitions avant de les relayer sur votre site? Quels sont vos critères?
Change.org est une plateforme ouverte à tous, mais comme d’autres réseaux sociaux ou plateformes, nous avons des termes d’utilisation qui excluent toute pétition à caractère raciste, discriminatoire ou violent.

Antoine: Quand je vois passer ses invitations à signer des pétitions diverses, je me dis un peu: A quoi ça sert à part faire plaisir à l’égo de créateur de la pétition? Qu’en pensez-vous?
A Change.org, tous les jours nous parlons avec des créateurs de pétition qui se battent pour défendre des causes individuelles ou collectives. Ils trouvent dans la pétition en ligne un moyen de recueillir des soutiens dont ils ont vraiment besoin. C’est le cas de Gilbert Protti qui a lancé une pétition sur Change.org pour défendre La Maison Normande, son restaurant mais aussi l’un des derniers restaurants indépendants sur autoroute, menacé par une grande chaîne de restauration. Au-delà de son cas individuel, Gilbert souhaite alerter sur la disparition de la restauration régionale en France.

Marie: Historiquement, quelles pétitions en ligne ont-eu le plus de succès? Combien de signataires ont-elles réunies?
Chaque jour, de très nombreuses pétitions sont victorieuses, que ce soit aux niveaux local, national ou mondial. Deux exemples. Il y a quelques mois, une pétition sur Change.org a recueilli plus de 2,2 millions de signatures. Elle demandait l’inculpation de l’assassin de Trayvon Martin, un jeune afro-américain tué par un vigile de quartier en Floride. La pétition a été couronné de succès en avril. En début d’année, le mouvement Avaaz a collecté 2,8 millions de signatures qui ont poussé le Parlement européen à rejeté le projet d’Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACTA) jugé dangereux pour l’internet libre.

Liliane: Je signe pas mal de pétitions en ligne et, comme beaucoup je pense, j’aimerais bien savoir ce qu’elles deviennent car nous n’avons pas de retours et avons un peu l’impression de signer pour rien. Sont-elles toujours envoyées et aux bons interlocuteurs?
Sur Change.org, les interlocuteurs ou les cibles de la pétition reçoivent en temps réel un e-mail avec le texte de la pétition à chaque fois que quelqu’un signe. Par ailleurs, nous aidons les utilisateurs à organiser des remises de pétition en présence des médias pour leur donner de la visibilité. Il est pour nous très important de donner des retours. Dès qu’un certain seuil de signatures est atteint, ou que l’interlocuteur répond à la pétition, nous envoyons un e-mail informant les signataires de la situation.


Ahausecours: Est-ce que signer une pétition sur un simple site en ligne peut vraiment faire bouger les choses? Comment? Un exemple?
Oui, cela fait vraiment bouger les choses. Il y a quelques semaines Benoît Coulon, escrimeur amateur et fan de handisport a lancé une pétition sur Change.org appelant France Télévisions à donner plus de visibilité aux Jeux Paralympiques. Comme beaucoup de fans et d’athlètes, il était choqué par l’écart entre les 16 heures de direct par jour pour les JO et l’absence de direct ou de programmes à heure de grande écoute pour les Paralympiques. Plus de 15 000 personnes ont signé sa pétition en moins d’une semaine, ce qui a conduit France Télévisions à répondre directement en ajoutant des programmes sur les Jeux Paralympiques en milieu de journée. Ce résultat a été salué par les sportifs et les associations qui dénoncent depuis des années le manque de visibilité du handisport.

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Lancé en 2007 par deux étudiants américains avant d’arriver en France, Change.org fait partie de ces sites comme Avaaz qui ont modernisé la pétition. Aujourd’hui, plus besoin de sortir de stylo, elle peut se signer en ligne.

A l’occasion de la «Social Good Week» qui débute ce mardi, Benjamin des Gachons, directeur des campagnes France de Change.org, sera l’invité de la rédaction de 20 Minutes ce mardi, dès 14h.