350 ans après sa mort, Nicolas Fouquet nous donne encore des leçons de management
le patron•Quels secrets cet homme du XVIIe siècle, ministre des finances de Louis XIV, peut-il nous livrer pour motiver les collaborateurs ?People at Work
«Quo non ascendet » (jusqu’où ne montera-t-il pas ?), la devise de la famille Fouquet n’aurait pas mieux été choisie, tant l’un de ses fils prodigue, Nicolas, témoigne d’une ascension fulgurante.
Des milliers d'offres d'emplois à portée de clicIssu de la grande bourgeoisie d’affaires, Nicolas Fouquet est remarqué par Richelieu pour la finesse et la rapidité de son intelligence, sa capacité à embrasser des problèmes complexes, sa souplesse de caractère et son goût du compromis, il devient conseiller au parlement de Metz à seize ans, maître des requêtes à vingt, procureur du roi à trente-cinq.
Durant les insurrections de la Fronde (1648-1653), Fouquet est fidèle au roi de France et à son premier ministre Mazarin. En récompense, il est nommé surintendant des Finances. Bénéficiant d’un réseau familial et professionnel conséquent, il parvient chaque jour à trouver les fonds nécessaires aux besoins de l’administration et de la guerre. Chaque emprunt négocié pour le compte du roi est garanti sur la fortune personnelle de Fouquet et lui laisse, comme c’était l’usage, une bonne part de bénéfice. Il consacre cette nouvelle fortune à la réalisation d’un projet magistral, le château de Vaux-le-Vicomte, pour lequel il va se révéler un manager talentueux. »
Découvrez le métier d'ouvrier paysagisteVaux-le-Vicomte : un concentré des principes clés pour savoir tirer le meilleur d’une équipe
Fouquet cherche à capitaliser ses acquis pour son château – le « Palais des Arts » – base future du luxe à la française. Si le cap est clairement défini, il doit recruter et motiver des collaborateurs alliant expérience et ouverture d’esprit. En pilote de projet, Fouquet charge son intendant François Vatel de superviser l’action sur le terrain et de lui communiquer un véritable reporting. Il accorde ainsi une véritable autonomie à ses équipes tout en restant ferme sur les principes essentiels : respect du budget, importance de l’innovation, travail transversal… Le premier sollicité est Louis Le Vau. « Architecte du roi », c’est un expert confirmé ayant déjà édifié de nombreux hôtels particuliers parisiens.
Pour Fouquet, son expertise est un atout clé dans la réussite du projet. Il a une réelle expérience dans le pilotage de projets complexes, sait garder une vision globale, laisse les détails à ses collaborateurs et est inflexible sur le délai de livraison. Fouquet tient donc l’homme de la situation pour matérialiser ses hautes exigences dans un lieu fonctionnel, somptueux et inspirant. À Vaux-le-Vicomte, l’architecte n’hésite pas à solliciter ses collègues et à proposer des solutions alternatives notamment au niveau des matériaux. Il délègue à ses équipes (Gittard et Villedo) les détails de la construction mais conserve la vision d’ensemble et la cohérence du projet, notamment son chef-d’œuvre, la coupole ovale.
Charles Le Brun se voit confier la décoration exceptionnelle du château. Peintre, il a une expérience internationale, ayant passé trois années en Italie. Haut potentiel repéré par Fouquet, il conçoit pour Vaux une décoration impressionnante autour de la figure du dieu Soleil. Tous les décors, sujets allégoriques ou mythologiques, doivent assurer le rayonnement du maître des lieux. Entrepreneur avisé, il monte avec Fouquet une manufacture de tapisserie à Maincy, recrutant les meilleurs experts flamands, optimisant les process et assurant la transmission des techniques et savoirs via un rapport personnifié maître/apprenti.
André Le Nôtre est un homme de terrain, jardinier royal. Alors que sa charge est essentiellement occupée à l’entretien des espaces, Fouquet lui confie la mission de repenser totalement le rapport de l’homme à la nature. Pour ses jardins, il veut la création d’espaces se renouvelant sans cesse, surprenant maîtres, hôtes et visiteurs. La création des « jardins à la française » prend sa source à Vaux où Le Nôtre donne un nouveau sens de la perspective et de la symétrie dont la majorité des jardins européens s’inspirèrent par la suite. Les fontaines jouent dans ces espaces, donnant vie à l’ensemble.
Une performance individuelle, technique et humaine au profit du projet collectif
Fouquet est fébrile et dort à peine. Il a décidé d’exposer le 17 août 1661 à la Cour et au roi toutes les réalisations de ses collaborateurs lors d’une grande fête inaugurale à Vaux-le-Vicomte. Si les aspects organisationnels sont confiés à son bras droit Vatel, Fouquet est l’hôte, le manager de tant de talents.
À l’arrivée du cortège royal, toute l’équipe est présente sur le perron du château de Vaux-le-Vicomte. Fouquet assure la promotion de ses collaborateurs auprès de son supérieur hiérarchique. Il n’hésite pas à mettre en valeur les talents, les compétences et l’expertise des 3 L (Le Vau, Le Brun et Le Nôtre) en concevant avec beaucoup de modernité une mise en scène visant à les faire briller aux yeux de son chef, Louis XIV. Il veille ainsi à ce que ses principaux collaborateurs soient repérés comme des personnes à fort potentiel à l’issue de cet événement. Fait rarissime à cette époque où les courtisans tirent la couverture à eux, Fouquet permet une identification de l’expertise de chacun.
Louis XIV traverse le château par le vestibule et le salon, entièrement transparents. La visite débute par les jardins : parterres, statues, cascades, eaux jaillissantes… Le roi admire cet art nouveau du paysage. Deux cents jets d’eau, cinquante fontaines bordent le grand canal. Aucun bâtiment royal ne peut rivaliser en termes de luxe, d’arts et d’innovations avec Vaux-le-Vicomte, pas même le Palais-Royal, le Luxembourg, ou les châteaux de Saint-Cloud et de Fontainebleau. Après avoir goûté des mets exquis et abondants, la Cour assiste pour la première fois à une pièce, « Les Fâcheux de Molière ». Une innovation : une de plus ! C’est une comédie-ballet, genre qui fera fureur lors des spectacles et des fêtes de Versailles. Après cette représentation, succède un somptueux feu d’artifice. Le parc s’illumine de girandoles qui forment des chiffres et des fleurs de lys. Nobles et courtisans sont ravis, émerveillés par tant de nouveautés.
François Vatel, Louis Le Vau, Charles Le Brun et André Le Nôtre ont développé une coopération fructueuse et créé ensemble des innovations techniques, architecturales, paysagères et gastronomiques. Désireux de surpasser l’œuvre de son intendant, Louis XIV lancera en 1668 le chantier de Versailles en donnant les commandes à l’équipe managée à Vaux-le-Vicomte. Avec le roi soleil comme ambassadeur, le luxe français initié par Fouquet devient la norme dans toutes les cours d’Europe : une excellence et une image qui perdurent de nos jours.
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