Stage de seconde : Pourquoi ça n’a pas marché avec les entreprises ?
état des lieux•Retour sur les raisons de cet échec et quelques pistes pour redonner du souffle à l’initiativeYoussef Zein
L'essentiel
- De nombreux élèves de seconde n’ont pas trouvé d’entreprise pour les accueillir en stage du 17 au 28 juin.
- Ces difficultés sont souvent liées à des problèmes logistiques (transport, accompagnement), ainsi qu’à un manque de communication entre les écoles et les entreprises.
- Pour améliorer la situation, des solutions sont proposées comme la mise en place de partenariats durables entre écoles et entreprises, un label « entreprises accueillantes » ou encore un crédit d’impôt pour les entreprises accueillant des stagiaires.
Va-t-on voir émerger la première génération de lycéens sans emploi ? Il y a deux semaines, le président du SNES-FSU, principal syndicat d’enseignants du secondaire, déclarait au micro d’Europe 1 que plus de la moitié des élèves de seconde n’avaient pas trouvé de stage d’observation. Alors que le temps presse, ce passage en entreprise devant se tenir du 17 au 28 juin.
Accélérez votre recherche d'emploi avec 20 Minutes & JobpassPourtant, ce n’est pas faute d’enthousiasme ou de volontariat des entreprises : « Quand Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation, nous a présenté le projet en novembre 2023, nous étions convaincus de la pertinence du projet », déclare Stéphane Heit, vice-président en charge de la formation et de l’éducation de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), avant d’ajouter que « les entreprises qui ne sont pas entrées dans le dispositif ne le pouvaient tout simplement pas ». Car s’il y a des offres de stages non pourvues d’un côté (39.000 sur le site 1jeune1solution lancé en février dernier) et des lycéens en galère de l’autre, le manque de bonne volonté des entreprises – ou des élèves – n’est pas la seule cause à pointer.
Des difficultés d’ordre logistique
Pour pouvoir postuler en entreprise, le mieux à faire est souvent de s’y rendre. Et là-dessus, c’est loin d’être gagné pour tout le monde. Si la desserte des écoles n’est pas un souci, toutes les régions de France ne peuvent pas se targuer d’avoir un service de transports en commun aussi fourni et dense que la RATP.
Si bien que dans un rapport datant de l’automne dernier, l’OCDE pointait la France comme l’un des pays riches les plus frappés par les inégalités territoriales. « Peu d’élèves de cet âge ont le permis. Il existe de vraies inégalités à l’accès aux entreprises, liées à la provenance du candidat, qu’il vive en zone urbaine ou périurbaine », constate le cadre de la CPME.
Pour ne pas reproduire la débâcle de 2024, il préconise « de mettre autour de la table les entreprises mais aussi les acteurs publics tels que les régions, pour préparer au mieux le transport des stagiaires. »
Enfin, il déplore un manque de moyen pour l’accompagnement des jeunes. Les TPE et PME (représentant près de 99 % du réseau d’entreprises français) étant, par définition, des entreprises de petite taille, toutes ne disposent pas d’un service RH et de capacités logistiques pour garantir un bon suivi de leur stagiaire. « Les entreprises ont la tête dans le guidon, et des collaborateurs déjà bien chargés. Une entreprise a tout intérêt à donner une image positive de sa politique RSE et attribuer la photocopieuse à un jeune, c’est écœurant. De l’accompagnement humain est nécessaire, si l’on souhaite l’intéresser » observe Stéphane Heit.
L’art de la communication
Si le ministère de l’Education nationale faisait état il y a encore deux semaines de plus de 39.000 stages vacants, certaines structures n’ont pas eu ce souci. Parmi elles, le groupe Actual (partenaire de notre rubrique Vie Pro), qui a ouvert 300 postes de stagiaires de seconde. Tous ont été pourvus et plus de 700 demandes ont été reçues. Leur secret ? Une grande campagne de communication et une bonne connaissance des espaces en ligne fréquentés par les jeunes. Une stratégie que l’on retrouve dans d’autres agences d’intérim, qui ont fait des réseaux sociaux le fer de lance de leur communication digitale. François Pinte, secrétaire général du groupe Actual, détaille la stratégie en question : « On a utilisé Instagram, puis TikTok pour les toucher. Pour communiquer, il faut composer avec leurs outils. »
Des leviers à activer
Une clé pour mieux garantir la bonne tenue de ces stages serait, d’après Stéphane Heit, la mise en place de « partenariats éducatifs durables entre écoles et entreprises. » Il invite les deux institutions à travailler main dans la main. De tels échanges sont fréquents dans le cadre des filières professionnelles. Mais il n’en est rien pour les filières générales et technologiques. Étant comme Stéphane Heit favorable à cette découverte anticipée du monde professionnel, François Pinte met en cause les exigences des jeunes dans leurs vœux. Pour lui, ils devraient faire plus preuve de souplesse dans leurs choix et ne pas uniquement les tourner vers des domaines spécifiques. Car « ce qui intéresse les entreprises, c’est d’avoir des jeunes motivés et prêts à faire du porte à porte. »
Enfin, Stéphane Heit propose des idées pour inciter davantage les entreprises à s’investir dans le recrutement de stagiaires. Parmi elles, un label « pour les entreprises accueillantes pour les stagiaires ». Il permettrait ainsi de « valoriser leur engagement auprès des jeunes ». Aussi, pourquoi pas « un crédit d’impôt pour les entreprises, au vu des efforts mobilisés au cours de ces deux semaines ».
Si François Pinte encourage toujours les jeunes à postuler, « tant qu’on peut signer des conventions de stage », le timing semble serré pour ces lycéens « sans emploi ». Le tir paraît loupé pour cette année. Des ajustements doivent être faits d’ici l’année prochaine, sans quoi les secondes vont à nouveau passer le mois de juin sur les bancs du lycée.
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