Réparateur, un métier d’avenir qui peine à trouver des bras
sav•Portée par la loi Agec de 2020 et son bonus, qui incite les Français à faire réparer leurs équipements plutôt qu’à les remplacer, la filière est promise à un bel avenir. Elle peine pourtant à recruterYoussef Zein
L'essentiel
- Le secteur de la réparation fait face à une pénurie de main-d’œuvre selon Pôle emploi en 2023. Il faut rendre le métier plus attractif, le féminiser et développer l’offre de formation.
- Des initiatives sont prises par des entreprises pour former et recruter des réparateurs
- Le métier devient essentiel avec la prise de conscience écologique. Si les candidats sont au rendez-vous, Il a le potentiel d’être un des métiers clés de la décennie.
Le secteur de la réparation nous ferait-il le coup de la panne ? Depuis la loi Agec (loi antigaspillage pour une économie circulaire) votée en 2020, le législateur encourage les consommateurs à faire réparer leurs produits auprès de réparateurs labellisés, dans une logique verte. Néanmoins, en 2023 Pôle emploi recensait 29.900 projets de recrutement existants pour ce profil, parmi lesquels 68 % étaient jugés difficiles. Un manque de techniciens irréparable ? D’après l’éco-organisme Ecosystem, trois principaux défis se posent à la filière : rendre le métier attractif, notamment auprès des jeunes, féminiser la profession et faire croître l’offre de formation sur tout le territoire.
Responsable des formations Opérations et du CFA technique Fnac Darty, Fabrice Attelann analyse les sources de la pénurie : « Cette problématique date au moins d’il y a 10 ans. L’Education nationale ne propose plus de diplôme en bac pro des techniciens en électroménager. Aussi, de plus en plus de jeunes privilégient les filières longues plutôt que celles professionnalisantes. Ils tiennent à leur équilibre entre la vie professionnelle et personnelle, et la réparation implique de se réveiller très tôt. » Fabrice Attelann n’est pas dupe quant à l’image de la profession auprès des femmes, qu’il regrette : « Il n’y a aujourd’hui aucune raison objective pour que les femmes ne travaillent pas dans les filières techniques. Elles font face à beaucoup d’a priori à déconstruire. » Enfin, il reconnaît que l’équilibre vie professionnelle – vie personnelle tant convoitée par les jeunes ne leur rend pas le métier séduisant : « On est sur un métier où il faut se lever tôt. Dans cette profession, le temps peut paraître long et les attentes des clients sont hautes. » A noter qu’en moyenne en 2024, selon talent.com, un réparateur en début de carrière touche 22.500€ brut par an, tandis que les plus expérimentés gagnent jusqu’à 31.775€ brut par an.
Des grands plans de recrutement côté électroménager
A l’image de Darty et son service de formation de réparateurs, des boîtes prennent des initiatives à leur échelle. D’après Aurélie Fircowicz, directrice associée de Murfy, une société de services de réparation en électroménager, une partie des difficultés est liée à l’image que traîne la profession : « C’est un métier qui n’est plus valorisé. Pourtant, les réparateurs sont essentiels, à l’image des autres artisans. » En ce sens, Murfy a lancé de grands projets de recrutement et créé une école pour former ses effectifs il y a six ans : « Nous avons formé environ 200 réparateurs en 2023, et on fera de même cette année. La formation est financée par France Travail et se déroule sur 6 mois. Elle aboutit souvent à un CDI. On recrute toutes les personnes curieuses qui aiment réparer et comprendre les appareils. On accueille des gens qui veulent faire un métier utile », indique la directrice associée.
Le textile en première ligne
La société Mondial Tissu, spécialisée dans la vente de textile, a fraîchement ajouté une corde de réparation à son arc : « La conjoncture actuelle a déclenché une prise de conscience sur le gaspillage textile. Nous proposons désormais un service de réparation des vêtements avec le bonus Refashion, ainsi que des ateliers couture pour apprendre aux gens à réparer les leurs. Dans cette même logique de réparabilité, nous avons créé un service de réparation de machines à coudre dans tous les magasins », commente Marine Nagel-Lacroix, directrice marketing du groupe. Mais côté recrutement, c’est le même son de cloche que dans l’électroménager. Le groupe multiplie alors les plans d’embauche, d’après Samuel Goillon, directeur Achats, flux et e-commerce : « On joue sur différents leviers. Sur le recrutement, on va chercher du côté des réparateurs indépendants. Sinon, nous avons un partenariat avec la société Singer qui nous permet d’envoyer les gens en formation. » Dans ce contexte économique d’inflation et de prise de conscience verte, réparateur a le potentiel d’être un des métiers clés de la décennie, pourvu que les gens veuillent bien postuler.
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