Des emplois verts pour tous dans moins de 10 ans, c’est possible ?
responsable(s)•Le 6 mars prochain, le festival Talents for the planet organise une table ronde portant sur l’accès à l’emploi vert ou engagé pour tous.Youssef Zein
L'essentiel
- Le salon Talents for the planet, prévu le 6 mars à Paris, se présente comme le premier salon grand public qui a pour vocation d’accélérer la transition écologique et sociétale autour des métiers.
- Une table ronde d’experts y sera organisée autour du thème « En 2030, des métiers verts ou engagés pour tous ! »
- Dans cette transition, où le secteur industriel à une place énorme à jouer, (presque) toutes les professions sont éligibles.
- Néanmoins, cette transformation suppose des changements structurels, notamment dans l’agriculture mais aussi… chez les actionnaires
En 2030, un ouvrier d’usine pourra-t-il avoir un métier aussi vert et engagé qu’un agriculteur bio ? Par vert ou engagé, il faut comprendre comme impliqué volontairement dans les préoccupations sociales et environnementales, les deux versants de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Cette transition du monde de l’emploi vers un modèle plus responsable pour la lutte contre le dérèglement climatique semble désormais indispensable. Mais reste à savoir comment, et si tous les métiers embarqueront à bord. Des enjeux au cœur du salon Talents for the planet, qui se tiendra le 6 mars à Paris. L’événement y consacre d’ailleurs une table ronde au sujet « « En 2030, des métiers verts ou engagés pour tous ! » , dont les invités nous offrent un avant-goût.
Du gris au vert
De nombreuses questions persistent quant aux emplois de demain. Est-ce que tous auront leur place dans cette transition ? La dimension verte et engagée est-elle l’apanage de certains emplois de bureau ? Est-ce certains métiers actuels doivent disparaître sur l'autel du bilan carbone ? Au contraire, comme le souligne Pierre Gilbert, cofondateur de Sator (une entreprise spécialisée dans les formations à la transition écologique) et participant à la conférence, « les emplois verts de demain seront pour beaucoup les emplois traditionnels d’aujourd’hui ».
Il estime que tous les secteurs ont un rôle à jouer : « Nous visons à créer 1 million d’emplois verts en France. Cela dépasse largement les secteurs traditionnellement associés à l’écologie. » Pour ce faire, les entreprises doivent mettre en place des mesures RSE à leur échelle, parmi lesquelles on peut compter l’approvisionnement en énergie d’origine renouvelable, l’emploi d’emballages en matière recyclables, l'utilisation de produits de seconde main ou encore la dématérialisation des outils de travail (en évitant l’emploi abusif de mails). Pour aller plus loin, Sator propose des masterclasses pour réviser la comptabilité d’entreprise ou encore son rapport à l’énergie.
L’industrie au cœur du débat
Dans cette phase de transformation, l’industrie joue un rôle clé. En France, le secteur fait travailler 3,6 millions d'actifs et représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre, selon la CCI Paris Ile-de-France. Produire plus vert, c’est justement l’un des objectifs affichés par le gouvernement avec l’adoption en octobre 2023 de la loi sur l’industrie verte. Gabriel Attal a récemment exprimé, le 30 janvier 2024 à l’Assemblée nationale, sa volonté de poursuivre dans cette voie avec un nouveau projet de loi. « La clé réside dans la réindustrialisation écologique du pays, » explique Pierre Gilbert. « Le chômage massif que nous connaissons aujourd’hui est en grande partie dû à la désindustrialisation. Il est nécessaire de rapatrier nos capacités de production en respectant les normes environnementales actuelles, » ajoute-t-il.
Selon Fabien Sécherre, porte-parole de jobs_that_make_sense (un site spécialisé dans la recherche d’emploi à impact), également invité à la table-ronde, les secteurs les plus impactés seront « l’agroalimentaire, l’industrie, ainsi que tout ce qui concerne les déplacements doux et la fabrication de vélos. » En somme, peu de domaines échappent à l’engagement en faveur de l’environnement, à l’exception notable de l’industrie pétrolière, dont la viabilité environnementale n’est, d’après lui, « plus tenable ».
Des modèles à réformer
Atteindre cet objectif d’emplois verts pour tous nécessitera des changements structurels significatifs. Parmi eux, une transformation de l’agriculture s’avère incontournable. Toutefois, comme le rappelle Fabien Sécherre, « les agriculteurs ne sont pas contre le progrès environnemental et comprennent la nécessité de changer notre modèle de production. C’est une question de survie pour eux. Si la réponse à la crise consiste à noyer les terres sous les pesticides et à faire disparaître les abeilles, alors nous signons l’arrêt de mort de l’agriculture. Mais ignorer leurs préoccupations ne mènera nulle part non plus. »
Autre grande problématique à aborder, et plus inattendue, la logique spéculative des actionnaires, qui, selon Pierre Gilbert, ne pousse pas les conseils d’administration à prendre en compte les enjeux environnementaux. « En moyenne, une action ne reste que deux jours et demi sur le marché. Nous devrions revoir le système d’actionnariat en offrant des avantages aux actionnaires fidèles, pour les impliquer davantage dans la transition écologique. Actuellement, les conseils d’administration semblent peu concernés par le sujet. » 2030 apparaît, selon nos intervenants, comme un objectif difficilement tenable. Néanmoins, d’autres pistes pour offrir des emplois durables et engagés pour tous seront abordées lors de la table ronde du 6 mars au festival Talents for the planet et nul doute que certaines feront leur bout de chemin dans le débat public.
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