Avec la crise immobilière, les apprentis notaires galèrent à trouver un stage
formation•Si on évoque quelques difficultés à l’Institut national des formations notariales (INFN), son président assure que l’avenir professionnel des étudiants n’est pas compromisGuillaume Carlin
L'essentiel
- -22 % en un an. 875.000 transactions immobilières ont été actées l’an dernier dans l’ancien, contre 1.115.000 en 2022, selon la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim).
- Au même titre que les autres professionnels de l’immobilier, les notaires font les frais de cette baisse d’activité. Hors ruptures conventionnelles, il y aurait eu près de 1.000 licenciements en 2023 dans les offices notariaux en France.
- Résultat, les élèves en école de notariat ont davantage de difficultés à trouver un stage, avant même de parler d’embauche.
Quand la pierre vacille, c’est tous les acteurs de l’immobilier qui tremblent. Les notaires inclus. La baisse du nombre de ventes d’appartements et de maisons a un effet majeur sur l’activité des études notariales. Ces officiers ministériels réalisent plus de la moitié (57 %) de leur produit grâce aux actes immobiliers. Par ricochet, ce sont les notaires en devenir, les apprentis, qui peinent à trouver des stages. « Je reçois au moins une demande par semaine. Je ne sais pas comment ils vont faire, les jeunes ; je ne lis même plus les mails qu’ils m’envoient », témoigne Sophie*, notaire en banlieue parisienne, frappée de plein fouet par le retournement du marché. « Non seulement je ne peux pas prendre de stagiaire, en dehors des stages d’observation, mais je ne suis pas loin de licencier. C’est encore pire dans les grandes études. Je tiens, mais c’est chaud. »
Des élèves qui s’éloignent des villes pour trouver un stage
« On a eu plus de difficultés [à trouver des stages] », concède Mustapha Mekki, directeur général de l’Institut national des formations notariales (INFN). Cette école, qui dépend du Conseil supérieur du notariat (CSN) et sous la tutelle du ministère de la Justice, propose des formations de collaborateurs en BTS ou des diplômes de notaires en bac+7. Assortis, à chaque fois, d’une alternance ou de périodes de stage.
« Les études notariales qui font beaucoup d’immobilier ont moins de stages à proposer que celles qui traitent majoritairement des affaires familiales [succession, divorce…] », reprend le directeur de l’INFN. Bien que, « dès l’instant où il y a une crise, le CSN peut aider en subventionnant certains professionnels, précise Mustapha Mekki. Et puis, on fait jouer nos carnets d’adresses pour ne pas que les étudiants soient laissés sur le carreau ». Il faut dire aussi que les étudiants sont « intelligents », selon leur directeur, en choisissant des stages dans des études plus éloignées des villes. « C’est plus formateur, ils touchent à tout », précise l’INFN, dans une profession qui reste tout de même très urbaine.
A la sortie de l’école, Mustapha Mekki assure que les étudiants n'ont « quasiment aucune difficulté » à trouver du travail, y compris les collaborateurs avec un BTS. « Les notaires savent s’adapter, il y a une grande diversité d’activités. Les délais sont peut-être un peu plus longs », observe-t-il. Pour la promo 2022, l’école avance, sur la base d’un échantillon d’élèves, que 94 % des employeurs ont conservé le stagiaire en entreprise après l’obtention du Diplôme supérieur de notariat.
« Après, ça reprend vite »
Y a-t-il trop ou pas assez de notaires, en fin de compte ? Dans un avis daté de juillet 2023, l’autorité de la concurrence recommandait l’installation de 600 nouveaux notaires en deux ans et une extension des zones de libre implantation pour une meilleure répartition sur le territoire. En réponse, la présidente du CSN, Me Sophie Sabot-Barcet, s’étonnait « d’une proposition chiffrée trop élevée », précisant que la profession « a intégré, depuis 2017, plus de 78 % de notaires supplémentaires répartis dans 51 % d’offices en plus sur tout le territoire. » Elle enfonçait même le clou : « Il existe en moyenne un notaire tous les 8 kilomètres. » Et les plus jeunes sont bien souvent les plus exposés à une bascule du marché du logement. En effet, si l’immobilier représente 57 % des produits notariés, ce chiffre passe à 65 % pour les cabinets ouverts après 2017. Chez Sophie, qui s’est lancée il y a cinq ans en Ile-de-France, en 2023 on était plutôt sur quatre actes immobiliers pour un acte familial. Bref, la pierre pèse lourd dans son bilan. Mais la notaire a déjà connu des périodes de vache maigre par le passé : « Avec la crise de 2008, ça a licencié à tour de bras. Dans l’étude où je bossais, on est passé de 180 à 120 salariés. Après, ça reprend vite », relativise-t-elle. En espérant que les personnes licenciées et les apprentis en galère n’auront pas à patienter trop longtemps.
*Le prénom a été changé.