Le travail en freelance, le virage « cool » de l’autoentrepreneuriat ?

      Le travail en freelance, le virage « cool » de l’autoentrepreneuriat ?

      LibertéAu-delà des évolutions technologiques et juridiques, si le travail indépendant a connu une ascension fulgurante, c’est aussi parce qu’il colle à de nombreuses attentes professionnelles des jeunes
      Youssef Zein

      Youssef Zein

      L'essentiel

      • Le nombre total d’auto-entrepreneurs a augmenté de plus d’1 million en 15 ans
      • Les évolutions du marché du travail ont été propices à un tel développement
      • Cette explosion s’explique aussi par l’intérêt de la jeunesse pour cette forme de travail

      Ils sont free, ils ont tout compris ? Le 20 et 21 novembre 2023, le premier festival dédié au freelance et au solopreneuriat en France, Freeup, se tiendra au Ground Control à Paris. L’événement proposera une variété d’ateliers, des interventions d’influenceurs freelances et des DJ sets. À première vue, il peut sembler étonnant qu’un simple statut juridique bénéficie d’une célébration aussi marquée. Cyril Thiriet, co-fondateur du festival, explique : « On voulait réunir les gens en cassant les codes. Les salariés ont des afterworks et des séminaires, mais pas les freelances. On avait très peu de moyens de se rencontrer. » Traditionnellement, le monde du travail a été habitué à des salons et des colloques sobres, mais pas à des festivals aussi élaborés en termes de communication et de visuels. En quelques années seulement, l’auto-entrepreneuriat a acquis une image suffisamment séduisante pour justifier de tels événements.

      « Le statut juridique d’entrepreneur regroupe freelance comme solopreneur. Le freelancing n’est pas nouveau, il vient de nos amis Outre-Atlantique, mais son arrivée chez nous est récente. Le soloprenariat est beaucoup plus jeune et a été porté par les influenceurs », explique Nicolas Renou, co-fondateur du festival Freeup avant d’ajouter que « la différence va se jouer sur le fait que le freelance est un prestataire, tandis que le solopreneur va vendre ses propres produits et services ».

      Camille Maillard, directrice Community de la plateforme de freelances Malt, souligne qu’ « il y a encore 15 ans, la notion de freelance était assez différente. Dans beaucoup de cas, c’était celui qui n’avait pas trouvé de job en CDI. Au fil des années, c’est devenu un choix séduisant. Ça n’est plus un rôle subi comme ça a pu être le cas autrefois. Le freelance, ça n’est pas un rebranding de l’auto-entrepreneuriat ou un simple statut juridique, c’est un choix de vie. »

      Un attrait lié aux évolutions du marché du travail

      « On ne pouvait pas se passer d’équipes marketing et de développement. Aujourd’hui, les outils numériques nous le permettent », explique Grégoire Bois, fondateur de la communauté de coworking Cowop et acteur du festival. Une accessibilité qui a permis à cette forme de se développer puisqu’en 2020, Eurostat comptait plus d’1 million de freelances français, soit une croissance de 92 % depuis la création du statut autoentrepreneur en 2008. Ce nombre devrait atteindre les 1,5 million d’ici 5 ans.

      Selon Camille Maillard, cette progression fulgurante trouve en partie ses racines dans les évolutions structurelles du marché du travail : « Faire appel à un freelance est très intéressant, pour des prestations ponctuelles ou un soutien récurrent de l'activité. Désormais, certaines boîtes font de moins en moins de différences entre salariés et indépendants. Ces derniers font pleinement partie de la vie d'entreprise. » Les freelances seraient donc intégrés sans être protégés ? Le phénomène peut questionner quand un freelance de façade peut cacher un salarié déguisé.

      Néanmoins, cela peut s’expliquer par un autre mouvement à observer. Les jeunes sont de plus en plus frileux au sujet du CDI, considéré comme une camisole. À ce sujet, Camille Maillard ajoute que « les jeunes ont un rapport nouveau au travail. Ils n'ont plus la même relation à la hiérarchie ni au cadre de travail. Ils sont de plus en plus en quête de sens, et préfèrent avoir un client qu'un patron. »  La crise du coronavirus a également joué un rôle dans l’explosion du nombre d’indépendants : « Le Covid a rendu les activités digitales plus sérieuses. On a compris qu’on pouvait faire beaucoup de choses depuis chez soi, en autonomie », ajoute Flavie Prévot, vice-présidente du collectif de freelances Fleet.

      Un style de vie séduisant

      Selon une étude de 2023 de l’Apec, la moitié des jeunes aspire à des évolutions du salariat, s’inspirant des avantages du travail freelance. Flavie Prévot, dont la communication emprunte aux codes des influenceurs, explique que « le freelancing est un style de vie. Sur bien des points, c’est en rupture avec les codes d’entreprise. »

      De même, le festival Freeup, par son organisation et sa communication, se veut séduisant : « Ce monde-là est axé sur l’innovation et parle énormément à la jeunesse. L’événement qui le représente devait aller en ce sens », déclare Hind Elidrissi, fondatrice de la néoassurance pour freelances Wemind. Flavie Prévot, ajoute que « pour parler au milieu des indépendants, le fond comme la forme des initiatives doivent suivre ».

      Cependant, la vie d’autoentrepreneur est loin d’être de tout repos. Au cours de leurs interventions, des influenceurs présents au festival comptent bien témoigner pour casser le cliché du freelancer qui a la vie douce. D’après Grégoire Bois, fondateur de la plateforme de coworking Cowop et acteur du festival : « les intervenants vont rétablir la vérité sur la vie de freelance et viendront démystifier l’image de l’indépendant qui travaille les pieds dans le sable. Ces travailleurs ont certes beaucoup plus de flexibilité qu’un salarié classique, mais elles s’accompagnent de nombreuses contraintes puisqu’ils vendent leur temps. » Les travailleurs séduits par cet idéal d’indépendance doivent donc rester conscients que leur liberté se paiera, souvent, au prix de précieuses heures.


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