L’avenir de la publicité se trouve peut-être à quelques stations de RER de la Ville lumière. Lundi 13 novembre 2023, la deuxième promotion du programme IIN fera sa rentrée. Initié par l’AACC (Association des agences-conseils en communication), le projet vise à mettre le pied à l’étrier à 15 jeunes de 18 à 25 ans en réorientation, tous issus de quartiers prioritaires de Paris et sa couronne. Cette intégration au monde de la pub se fera en deux temps, avec quatre mois de formation puis quatre mois en entreprise où les sélectionnés occuperont entre autres des postes de concepteur rédacteur, de directeur artistique ou encore de motion designer.

Une initiative possible grâce à la collaboration de plusieurs acteurs. Parmi eux : l’association Les Déterminés, chargée du repérage de ces talents en devenir, l’Afdas (opérateur de compétences des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, des télécommunications, du sport, du tourisme, des loisirs et du divertissement), l’école de marketing Oreegami ainsi qu'un groupe d’agences membres de l’AACC qui prendront les jeunes sous leur aile. « J’ai toujours été marqué par le fait que l’industrie reproduisait des schémas et des profils identiques. J’ai pu réaliser l’avance qu’avaient les Anglo-Saxons sur la diversité et l’inclusion dans ce milieu. Si la publicité veut parler à l’ensemble de la société, il faut des personnalités variées en agence », explique Gilles Fichteberg, président de la délégation publicité de l’AACC et à l’initiative du projet.

Une porte d’entrée dans le milieu restreint de la publicité

Pour ces jeunes créatifs dans l’âme, ce projet a paru comme une aubaine : « Une amie a participé à la première édition du programme. Je faisais déjà de la photo et de la vidéo en autodidacte, mais je veux désormais me professionnaliser là-dedans » confie Leslie, candidate. Morrientas, participant au programme, qu’il a connu via Pôle emploi, y voit une porte d’entrée vers un milieu très fermé : « J’avais une formation de graphiste qui ne m’a pas trop plu. La pub ne m’intéressait pas spécialement, mais j’étais attiré par la création de contenu et la publicité est un bon terrain de jeu. J’allais pouvoir mettre à profit tout ce que j’ai appris durant la formation et pouvoir avoir une expérience professionnelle. » Gilles Fichteberg ajoute que « ces jeunes-là ont une vision du monde unique de par leur culture, leur vie au quotidien. Ce genre de profil, on n’en a pas beaucoup en agences ».

Il reste à savoir si les agences recevront avec autant d’enthousiasme cette promotion. Ces profils, très atypiques, ont un parcours différent des recrues plus classiques que l’on rencontre dans cet univers.

Un moyen de régénérer le milieu de la pub

Dans la première moitié de 2022, la multinationale Publicis, leader de la pub en France, a vu ses frais de personnel atteindre 3,89 milliards d’euros, soit une augmentation avoisinant les 14 %.

Une hausse symptomatique des difficultés de recrutement des agences selon Caroline Fontaine, déléguée générale de l’AACC : « On observe une baisse générale de l’activité. Toutes les entreprises, sans exception, expliquent qu’elles ont du mal à recruter des jeunes talents. Il y a énormément de clichés qui persistent sur le travail en agence. Beaucoup imaginent que les agences poussent encore à la surconsommation des clients. La vérité, c’est que les conditions de travail chez nous ont quand même beaucoup évolué. Le programme IIN vient notamment travailler ce point. Ces candidats font des pas de côté hypercréatifs, le monde de la pub a besoin de ces profils ».

Le programme pourrait donc mettre un coup de neuf à l’industrie, quand on sait qu’en mai 2023, l’IREP (Institut de Recherches et d’Etudes Publicitaires) observait un net ralentissement des recettes de la pub par rapport à l’exercice 2022. Gilles Fichteberg ajoute que « ces jeunes sont connectés à d’autres manières de raconter des histoires et sont moins formatés. Ils ont une fraîcheur et une spontanéité que l’on ne retrouve pas forcément chez les recrues plus traditionnelles. Le Bassin parisien ne manque pas de talents, mais de ressources ». Ces nouveaux venus dans le monde de la pub ont donc certainement trouvé le bon spot.