Coronavirus à Lille : Clients et patrons de bars refusent de se coucher avec les poules

EPIDEMIE Depuis lundi, il n’est plus possible de faire la fête dans les bars après 22 heures dans la métropole de Lille en raison de l’épidémie de coronavirus

Mikaël Libert
Les patrons de bars de Lille manifestent contre la fermeture à 22h — 20 Minutes
  • En raison du coronavirus, l’agglomération lilloise a été placée en zone d’alerte renforcée. En conséquence, les bars doivent fermer à 22 heures.
  • Les patrons des établissements concernés ont manifesté mardi soir. Il y avait environ 200 manifestants, dont des clients.

La fête est finie. Depuis lundi, les bars lillois ont l’obligation de fermer leurs portes entre 22 heures et 6 heures du matin. La mesure a été prise par arrêté préfectoral pour une durée de 15 jours (reconductible) après que la métropole a été classée en zone d’alerte renforcée en raison d’un spectaculaire rebond de l’épidémie de coronavirus. Une directive vécue comme une punition par les patrons de bars et leurs clients, d’autant que les restaurateurs, eux, ne sont pas concernés. Une manifestation a d’ailleurs été organisée, mardi soir, dans le centre-ville de Lille.

Dans un bar brasserie de la rue Pierre-Mauroy, à deux pas de la place du Concert, quelques clients habitués profitent de leur dernière bière en terrasse avant l’heure fatidique. Pour le patron, les nouvelles directives du préfet n’ont pas changé grand-chose à sa façon de travailler, son établissement fermant habituellement avant la deadline imposée à cause du coronavirus.

La question des fêtes dans les apparts

Alors que l’horloge du beffroi de la chambre de commerce marque tout juste 22 heures, des grappes de jeunes commencent à arriver pour se regrouper au pied d’un immeuble de la rue. Ils sont ainsi plusieurs dizaines à s’y engouffrer, chargés de sacs qui font bling-bling. L’un porte même une bonne grosse enceinte. Quand on demande à l’un d’eux ce qu’ils comptent faire, il nous envoie paître, refusant de nous répondre par souci de discrétion. Une démanche qui ne nous étonne pas davantage, puisque la recrudescence des chouilles privées est l’un des principaux arguments des patrons de bistrots pour contester la fermeture de leurs établissements à 22 heures.

Argument que l’on retrouve d’ailleurs inscrit en noir sur blanc sur les pancartes brandies par les 200 manifestants rassemblés dès 22h30 sur la place du Général-de-Gaulle : « Encadrés dans les bars, entassés dans les apparts ». « Depuis le 2 juin, date de réouverture de nos établissements, nous protégeons nos employés et nos clients avec des mesures strictes », lance Guillaume Delbarre, patron du Privilège et membre du collectif « Main dans la main pour sauver nos professions. »

Pour les professionnels présents à la manif, la fermeture à 22 heures est perçue comme une punition « parce qu’une minorité ne respecte pas les mesures sanitaires », assure Guillaume Delbarre. Lui-même a reçu une mise en demeure avant fermeture administrative au cours du week-end de la Braderie parce que, selon lui, un de ses serveurs portait mal son masque. « Il faut arrêter de nous stigmatiser, les futurs clusters, c’est dans les fêtes privées qu’ils vont se développer », déplore-t-il.

« Laissez-nous bosser, on ne veut pas crever »

Avec la fermeture à 0h30, les professionnels assuraient encore pouvoir s’en sortir. Mais 22 heures, c’est la goutte d’eau. Sur ce point, mais pas pour les mêmes raisons, ils sont d’ailleurs rejoints par la maire de Lille, Martine Aubry, qui jugeait que cette mesure était une « ineptie ». « Déjà qu’on nous avait promis zéro dépense, sauf que l’on attend toujours les aides. Laissez-nous bosser, on ne veut pas crever », demande Guillaume Delbarre.

Un « patron de boîte du Pas-de-Calais », comme il se présente lui-même, s’adresse à son tour à la foule : « Depuis sept mois, on ne s’est pas battus et vous voyez le résultat, nous sommes toujours fermés, crie-t-il. Ne faites pas comme nous ! » Conseil qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd puisque les patrons de bars ont prévu de se retrouver de nouveau sur la Grand’place dans une semaine si leur demande n’aboutissait pas.