Le domaine "glamour" de Marie-Antoinette

Le domaine "glamour" de Marie-Antoinette

Ouvert depuis le 1er juillet, cet espace rassemble des lieux déjà connus du public et d’autres accessibles aux visites pour la première fois

 En comparaison avec le test des « bagages perdus malgré soi », ma mission du jour est on ne peut plus agréable : visiter la nouvelle attraction de Versailles, le domaine de Marie-Antoinette. Ouvert depuis le 1er juillet, cet espace rassemble des lieux déjà connus du public (le petit Trianon, le temple de l’amour, le hameau…) et d’autres accessibles aux visites pour la première fois (le pavillon français, le belvédère, la chapelle et le petit théâtre).
Le film de Sofia Coppola bien en tête, je m’apprête donc à faire une plongée glamour dans l’Histoire de France, marchant dans les pas de la reine, le comte de Fersen en tête… Je ne suis pas venue à Versailles depuis ma tendre enfance et à peine arrivée, la beauté des lieux me coupe le souffle. Afin de commencer mon immersion dans la peau de Marie-Antoinette – les petits trains futuristes qui transportent les cohues de touristes ne sont guère d’époque – , je me dirige à pied vers le domaine, au bout du grand canal sur la droite. La reine elle-même faisait souvent ce trajet et mettait, dit-on, une demi-heure. Je pense avoir été un peu plus longue (la pause panini à la « Buvette du dauphin » y est peut-être pour quelque chose…). Peu importe, mon imagination a déjà troqué mes baskets et mon pantacourt contre une robe de soie volumineuse, dont les bruissements accompagnent mon entrée dans le domaine.

Le prix de la visite me ramène un peu à la réalité :
9 euros, auxquels s’ajoutent 7,50 pour les services d’une conférencière. Mais je suis prête à tout pour voyager dans le temps et donc, j’opte pour la totale. Il est 13h30 et la visite commence : notre groupe pénètre dans le petit Trianon. La conférencière casse d’emblée le mythe : ce manoir de campagne n’a pas été construit pour Marie-antoinette mais pour la marquise de Pompadour, la favorite du roi Louis XV. Celle-ci est morte avant de le voir achevé (en 1768) et c’est madame Du Barry, la seconde maîtresse du roi, qui a profité des lieux jusqu’à la mort de ce dernier (en 1774). Selon notre guide, « Marie-Antoinette a alors mis ses pieds dans les pantoufles de la Du Barry ». Heureusement pour mes illusions, une biographe se trouve dans notre groupe et semble avoir une vision beaucoup plus romantique des lieux. Alors que notre conférencière - dont l’âge et le look sont aux antipodes de ceux de Kirsten Dust dans le film de Coppola – affirme que la reine ne dormait jamais au Trianon, cette dernière soutient que si. Les deux historiennes tombent toutefois d’accord sur un point : Marie-Antoinette souhaitait ici s’affranchir de l’Etiquette et ne voulait pas que les gens se lèvent à son arrivée. L’image d’une reine effrontée se reforme dans mon esprit. Un peu plus coincée toutefois qu’on le laisse entendre puisqu’elle aurait fait retirer deux tableaux olé olé de la salle à manger.

Après avoir découvert le salon à la harpe – où la chanson « Il pleut, il pleut bergère » a été conçue… le glamour est décidemment loin – et le boudoir aux glaces mouvantes - petite fantaisie de la reine - la guide sort une clé magique pour nous faire une visite VIP de quelques pièces cachées. A la barbe des autres visiteurs, nous accédons au deuxième étage, là où Louis XV avait ses appartements. Non content de pénétrer dans ces lieux défendus, notre groupe devient totalement indiscipliné, ouvrant ça et là les portes et s’engouffrant dans les couloirs obscurs… Après rappel à l’ordre, la conférencière accepte de nous conduire dans un autre lieu d’ordinaire inaccessible : le petit théâtre. Même si l’intérieur est visible pour tous depuis le hall, nous avons le privilège d’entrer et de nous asseoir sur les petits bancs destinés au public (les originaux ont été vendus à la Révolution, mais peu importe, c’est comme si on y était). J’essaie d’oublier mes comparses et me voilà transportée en 1785, en train d’admirer Marie-Antoinette jouant Rosine dans le Barbier de Séville. Une interprétation qui avait choqué à l’époque, une reine n’ayant pas le droit de monter sur les planches, encore moins pour y interpréter une jeune orpheline éprise.

Il est 15h30 et la visite guidée prend fin. J’achève le tour du domaine avec la biographe, bien plus enthousiaste que notre conférencière. Son degré d’identification avec la reine est bien plus poussé que le sien et le mien compris : elle se prénomme Elisabeth, comme la sœur du roi Louis XVI dont elle écrit la biographie, et est née le même jour que Marie-Antoinette, le 2 novembre. Elle me confie qu’il lui est arrivé de pleurer en se retrouvant seule, le soir, au petit Trianon. « Quand je pense à ce que cette femme a subi… », s’indigne-t-elle. Et de me raconter le sort réservé à son fils (Louis XVII) à la prison du Temple : torturé, laissé dans la vermine, saoulé jusqu’à ce que mort s’en suive ; les accusations d’inceste dont elle a dû répondre à son procès ; la vue du corps démembré de sa fidèle amie, la princesse de Lamballe, infligée par les révolutionnaires ; et puis l’échafaud. Sur ce récit poignant, nous continuons notre visite vers la grotte, où l’on prête des rencontres amoureuses à la reine : la biographe s’enflamme à nouveau : « Mais enfin, ce n’était pas un endroit propice aux galipettes. Marie-Antoinette a eu beaucoup de soupirants mais elle n’a sans doute jamais trompé son mari, qu’elle respectait beaucoup ». Et le comte de Fersen alors ? « Elle était folle amoureuse mais pas lui. Il l’adorait mais il ne s’est jamais rien passé. » Sur ces révélations troublantes, nous poursuivons notre chemin jusqu’au hameau, petit havre de paix et de nature. Walt Disney a dû s’en inspirer pour Blanche-Neige, c’est sûr… Boiseries, toits en chaume, petit potager fleuri, laiterie… Les sept nains ne sont pas loin. Mais l’heure de rompre le charme approche et je vais bientôt devoir retrouver mes habits contemporains. La biographe, elle, doit regagner son centre de recherche et la correspondance d’Elisabeth. Nous nous quittons comme deux personnes qui ont désormais une amie en commun. Je reprends le chemin du château de Versailles, m’octroyant une nouvelle pause à la «Buvette du Dauphin», pour une glace cette fois. Le présent reprend ses droits.

Bilan de l’expérience : la visite guidée n’est pas absolument nécessaire, mais si vous n’avez pas de biographe passionnée sous la main, anticipez : repassez-vous en boucle le film de Sofia Coppola (une fois sorti en DVD) et plongez-vous dans la biographie de Simone Bertière, Marie-Antoinette l’Insoumise. L’immersion sera alors totale.

Catherine Fournier