L'incroyable métamorphose de l'accusé
JUSTICE•A l’ouverture de son procès en appel, Jacques Viguier s’est montré loquace et combatif...A Toulouse, Hélène Ménal
L'homme courbé au regard fuyant est maintenant droit sur sa chaise et la tête haute. L'accusé impassible et abruti de médicaments est devenu incisif, bavard à souhait. Entre le procès d'avril dernier devant les assises de la Haute-Garonne, qui s'est conclu par son acquittement, et le procès en appel qui s'est ouvert lundi devant les assises du Tarn, Jacques Viguier s'est littéralement métamorphosé.
Le professeur de droit revient devant les jurés dix ans jour pour jour après avoir signalé la disparition de sa femme Susi, volatilisée le 27 février 2000 du domicile conjugal et dont on n'a retrouvé depuis ni la trace, ni le corps. À quitte ou double, le professeur de droit doit démontrer qu'il ne l'a pas tuée. Et, bien plus fort qu'à Toulouse, il clame toujours son innocence. «Cette horreur dont on m'accuse, j'en suis encore choqué aujourd'hui», a-t-il lancé en préambule. «On juge un acte mais aussi et surtout une personne. Nous avons envie de savoir qui vous êtes», l'a gentiment invité à répondre le président, Jacques Richiardi.
Cinéphile sans fard
Et il ne s'est pas fait prier. Les jurés en savent désormais davantage sur l'homme. Ils connaissent même tout sur l'enfant rentré en sixième à 9 ans, son «manque absolu de ne pas avoir eu des frères et sœurs». Tout aussi du jeune homme brillant et sportif mais timide avec les filles, troisième du concours national de l'agrégation à 32 ans. Tout sur le détenu enfin, qui lors des neuf mois passés en préventive à Saint-Michel, en aidait d'autres à lire leurs courriers juridiques. Jacques Viguier se dévoile plus que jamais, il parle même des troubles maniaco-dépressifs que les psychiatres ont diagnostiqués chez lui en 2005. Il est intarissable sur son amour pour le cinéma, d'ailleurs davantage pour les westerns que pour Hitchcock.
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Le président ne pose pas de questions anodines. Il teste sa mémoire que l'on dit «phénoménale», le flatte à l'occasion. En tout cas, il le met à l'aise. Par contraste avec le nouveau Jacques Viguier, ses deux nouveaux avocats, Jacques Lévy et Éric Dupond-Moretti, semblent muets comme des carpes. Mais le retour au front de l'accusé n'effraye pas pour autant ceux qui croient en sa culpabilité. «Enfin, c'est le vrai Jacques Viguier ! se réjouit Guy Debuisson, le défenseur des sœurs de Susi. Cette fois, il ne pourra pas faire semblant de ne pas comprendre les questions qu'on lui pose.» Ce mardi, l'accusé sera interrogé sur sa vie conjugale.