Toulouse : Comment détecter les mauvaises odeurs de la station d'épuration de Ginestous ?
JURY DE NEZ•Des riverains volontaires pour détecter les différentes odeurs en provenance de la station d’épuration de Ginestous, à Toulouse, viennent d’être formés pour différencier une odeur rance d’une autre sulfuréeBéatrice Colin
L'essentiel
- Source de nuisances olfactives dans l’agglomération toulousaine, la station d’épuration des eaux usées de Ginestous a lancé un plan de réductions des odeurs.
- Parmi les actions, elle vient de mettre en place un jury de nez, des riverains volontaires pour déclarer les effluves qu’ils sentent régulièrement en provenance du site de 20 hectares.
- Entre odeurs de poisson pourri, d’humus et de chou fermenté, les habitants ont été formés à identifier les différentes fragrances, pas toujours agréables en provenance de Ginestous.
Lorsqu’il s’attable les soirs d’été chez lui pour l’apéro, ce Toulousain a parfois dans le nez des odeurs d’œufs pourris, d’autres jours cela ressemble plutôt à du chou fermenté, une chose est sûre ça sent rarement la rose du côté de Ginestous. Depuis des années, la station d'épuration qui traite la grande majorité des eaux usées de la métropole toulousaine est pointée du doigt pour les mauvaises odeurs qui en proviennent.
Pour tenter de réduire ces nuisances olfactives, Asteo, filiale de Suez qui gère ces 20 hectares installés en bord de périphérique pour le compte de Toulouse Métropole, s’est lancé dans un vaste plan de réduction des odeurs pour un montant de 10 millions d’euros et qui doit s’achever l’an prochain. Cela passe par la couverture de certains ouvrages ou la mise en place de système de désodorisation dans d’autres.
Deux soirées de formation
Mais les effluves n’ont pas pour autant disparu et ces bouquets loin d’être fleuris titillent encore régulièrement les narines des habitants du coin. Pour mieux les identifier, et compléter les capteurs existants de molécules concentrés dans l’air, un jury de nez de riverains vient d’être constitué. « Je passe tous les jours devant la station à vélo pour me rendre au travail et je sens régulièrement une odeur très forte », explique un jeune homme, présent lors d’une des deux soirées de stage. Mercredi et jeudi dernier, durant trois heures, une vingtaine de volontaires ont appris à quoi pouvaient correspondre certaines fragrances issues des différents procédés de traitement.
« Une odeur est un indicateur de dysfonctionnement. Elle peut être rance, acre, aillé, piquante ou encore fétide. Dans des conditions anaérobies, c’est-à-dire sans oxygène, on va avoir des odeurs désagréables. L’acide acétique sent le vinaigre, l’hydrogène sulfuré a une odeur typique d’œuf pourri, c’est un composé qui pose problème. Le méthyle mercaptan répandra une odeur de choux », détaille Caroline Bouchet, ingénieure chez Suez, une des deux spécialistes de la société chargée de donner des indicateurs ou futurs détecteurs humains.
Une ronde des odeurs
Pas question pour les riverains d’apprendre le catalogue de tous les gaz produits sur place. Pour les aider à déterminer ce qu’ils sentent au jour le jour, une ronde des odeurs a été mise au point afin de « définir un langage commun ».
Et c’est loin d’être aisé. Pour tester ces nez, des sticks d’odeurs variés ont circulé entre les volontaires. Pour l’un d’entre eux, cela sentait une odeur de chlore, quand d’autres avaient du mal à la définir. Et surprise dans l’assemblée quand les formatrices ont révélé qu’il s’agissait de « senteurs » de matière fécale.
Lorsqu’ils sentiront des nuisances, chacun des riverains présents pour déclarer sur un site dédié à quoi cela lui fait penser, que ce soit du pop-corn, du solvant ou des légumes fermentés. « Nos agents sont aussi formés, mais ils ne sont pas toujours présents à l’instant T, certaines odeurs sont portées par le vent aussi. Ces retours vont nous permettre d’identifier les problèmes et améliorer l’exploitation », insiste Loïc Depoutre, responsable « Domaine Usines » au sein du service assainissement d’Eau de Toulouse Métropole.
Pour aider les narines à s’imprégner des différentes molécules qui émanent des installations, rien de mieux qu’une visite à pied pour compléter cette formation. Entre deux installations, les participants s’arrêtent, le nez en l’air. L’un d’eux s’exclame, « ah, cette odeur-là on l’a souvent ». Une brise transportant des effluves forts, entre urine et poisson pourri, entoure alors le petit groupe. Raté. « Ça, c’est la compostière de déchets verts, qui se trouve juste à côté, ça ne vient pas de la station », assure un des agents de Ginestous.