Toulouse : Les paniers suspendus fleurissent, symboles d’une nouvelle solidarité (désintéressée et anonyme)
PAUVRETE•Au détour de la crise sanitaire, des paniers alimentaires « suspendus » surgissent sur les trottoirs de Toulouse. Une solidarité « système D », souple et anonymeHélène Ménal
L'essentiel
- Après le café ou la baguette « suspendus », des paniers alimentaires en libre-service ont fait leur apparition à Toulouse.
- Qui veut donne, qui veut se sert, c’est anonyme et simple.
- Cette nouvelle forme de solidarité est là pour contrer les effets d’une interminable crise sanitaire.
Désormais, quand Daniel et son épouse font leurs courses, il y a une place dans leur cabas pour les « paniers suspendus ». Ils savent que dans leur rue Négreneys, entre cité et zone pavillonnaire, ils vont croiser sur le chemin du retour une de ces étagères à cagettes en bois recyclé qui fleurissent sur les trottoirs de Toulouse et symbolisent une nouvelle forme de solidarité.
Leur fonctionnement est simplissime : qui veut dépose ce qu’il souhaite – denrées ou produits d’hygiène – et qui en a besoin se sert. « C’est 100 % altruiste, 100 % désintéressé, 100 % anonyme », résume Nadia Burgade, chargé de projets à la Maison des citoyens 31, l’une des quatre associations* à l’origine de cette initiative d’entraide. Un projet dicté par « l’urgence de la crise sanitaire », et l’inquiétude de voir chaque jour grossir les rangs des personnes en précarité alimentaire, avec « des étudiants, des intermittents » par exemple.
Peu importe qui se sert
Les paniers suspendus ne s’embarrassent pas de bureaucratie : si des demandes d’autorisation pour poser les étagères sont instruites par la mairie, les structures solidaires continuent en attendant d’apparaître, rue Bayard ou à Saint-Aubin pas plus tard que ce mercredi ou encore, logiquement, devant la Chouette Coop de Marengo où deux beaux croissants soigneusement emballés ont inauguré les cagettes.
Pas de problème de paternité non plus : « Nous nous inspirons de l’expérience rennaise du premier confinement et de ces Italiens qui descendaient des paniers depuis les fenêtres de leurs immeubles », explique Nadia Burgade. L’initiative enfin ne se soucie pas du « qu’en-dira-t-on ». « Il y a des gens qui nous demandent si on est sûrs que les paniers profitent à ceux qui en ont besoin, raconte l’animatrice. On répond "non, mais on s’en fiche" ».
Une solidarité discrète
Daniel avoue qu’il jette un coup d’œil à l’étagère quand il passe devant en voiture « par curiosité, pour voir si les paniers sont vides ». Mais il redouterait de croiser un jour un bénéficiaire. « Non seulement, ça ne m’intéresse pas, mais ça pourrait avoir un côté voyeur ou malsain », estime le retraité. Habitué du système associatif, il est persuadé que ces paniers profitent à des habitants du quartier qui pourraient hésiter à se montrer dans d’autres structures de dons. Il aime l’idée de pouvoir donner sans contrainte de créneaux horaires et le symbole des jeunes de club de prévention Toulouse Nord qui ont construit les étagères.
Pour l’instant, des bénévoles rechargent les cagettes pour amorcer la pompe solidaire. « Mais n’importe qui peut rejoindre la communauté des suspendus anonymes et déposer des dons toute la journée jusqu’à 17h30 », insiste Nadia Burgade. Les « suspendus » rêvent secrètement de sorties scolaires transformées en tournées de dons ou d’entreprises bienfaitrices imaginant des étagères toujours écolos mais plus robustes.
* Avec le GAF, la Fabrique solidaire et le Club de prévention Toulouse Nord