Confinement à Toulouse : Des chefs aux fourneaux pour les sans-abri, voici l’étonnante (et durable) aventure des Belles gamelles
SOLIDARITE•Au fil de la crise sanitaire, des restaurateurs, producteurs et fournisseurs toulousains ont créé une étonnante chaîne de solidarité pour nourrir les plus précaires. Et l’aventure des Belles gamelles ne s’arrêtera pas avec le déconfinementHélène Ménal
L'essentiel
- Les Belles gamelles sont nées dans l’arrière-cuisine d’un restaurant confiné.
- Six mois plus tard, les chefs toulousains cuisinent toujours des plats de gourmets pour les sans-abri.
- L’association s’est installée dans le paysage social et compte remplir les gamelles bien au-delà de la crise sanitaire.
«Ce n’est pas du jambon-fromage, ce qui serait déjà très bien. C’est du serrano-gorgonzola-mascarpone ». Ce mardi, en prenant livraison de deux caisses, une centaine de sandwichs en tout, Mathieu et Stéphane, responsables des maraudes du Samu social pour la Croix Rouge, savent déjà que les yeux vont briller deux fois : une fois quand leurs bénéficiaires sans-abri vont les voir arriver avec leur chasuble orange fluo, « et une deuxième quand ils vont goûter ».
C’est le petit miracle, il en faut bien, des confinements successifs à Toulouse. Dans les rues, les squats, les chambres hôtels sans cuisine réquisitionnées, les plus précaires mangent des petits plats gourmands ou des sandwichs élaborés. Ces repas, imaginés et préparés par des chefs, remplissent les estomacs et « réchauffent aussi les âmes », comme le dit joliment Thomas Couderette, le coprésident de Ressources solidaires, l’une des associations qui a pris l’habitude de se fournir auprès des Belles Gamelles.
Finie la popote dans l’arrière-cuisine
Cette idée solidaire est née « dans l’arrière-cuisine d’un restaurant », rappelle Simon Carlier, son président. Quand, au moment du premier confinement, il s’est retrouvé désœuvré avec ses collègues restaurateurs, des produits à écouler sur les bras. Du jour au lendemain, avec l’aide de 200 bénévoles et mobilisant une flotte de camions frigorifiques devenus superflus, 35 chefs toulousains se sont mis à cuisiner tous les jours, « sans trop réfléchir », pour le personnel soignant. Puis rapidement, le champ d’action s’est élargi aux personnes en grande précarité.
Un reconfinement plus tard, les Belles gamelles ont pris leurs quartiers au Marché d’Intérêt national (MIN) de Toulouse, le « Rungis » local, au plus près des grossistes, dont beaucoup trouvent un débouché utile à leurs surplus. Dans cette tambouille, tout s’est affiné. Les bénévoles sont toujours là. Le chef salarié, Pierre Plagnet, et ses deux commis veillent sur la carte, en fonction de l’approvisionnement, et s’apprêtent à accueillir des migrants à la semaine pour les former au métier. Un chef bénévole vient tous les jours imaginer le menu.
Appel aux dons
Entre générosité, qualité alimentaire et lutte contre le gaspillage, Les Belles gamelles réunissent tous les ingrédients, elles cochent absolument toutes les cases. Elles ont conquis non seulement les associations mais aussi l’administration et les collectivités locales, métropole, région et département. Et le déconfinement n’éteindra pas les fourneaux.
« Plus question que ça s’arrête », affirme Simon Carlier. D’autant que la crise sociale n’en est qu’à ses débuts. « Nous avons aussi besoin d'argent et de la générosité des habitants », insiste Pierre Plagnet, penché ce mardi sur une recette à rallonge : un curry de lentilles poireau et cumin avec du mulet sauce vierge et mangue… « Les lentilles, on en trouve rarement dans les surplus. Alors on les a achetées », précise-t-il.