Coronavirus à Toulouse : Labos saturés, temps d’attente décuplés… la politique du test à l’épreuve de la réalité
DEPISTAGE•Face à la hausse des « cas contacts » et à l’affluence dans les laboratoires et « drive » de dépistage, les délais s’allongent dans la Ville roseBéatrice Colin
L'essentiel
- A Toulouse, le virus circule de plus en plus et le taux de positivité augmente.
- De fait, le nombre de personnes à tester augmente, avec plus de 25.000 prélèvements réalisés la semaine dernière en Haute-Garonne.
- Les laboratoires ont du mal à rendre les analyses en moins de 48h et les temps de rendez-vous dépassent souvent les deux jours, voire largement plus.
A Toulouse, le coronavirus circule. Un peu trop ces derniers jours. Avec la hausse des cas positifs, de manière exponentielle, les « cas contacts » sont devenus légion. Et malgré les annonces de résultats en quarante-huit heures pour ces dépistages prioritaires, on est loin du compte.
Pour un test PCR réalisé après 3 h 30 d’attente, samedi matin au « drive piéton » des allées Jules-Guesde, il a fallu attendre 72 heures pour avoir un résultat. Mais parfois ils mettent plus de temps encore à tomber dans les boîtes mail des personnes testées.
Sans compter que le week-end, un seul « drive » sans rendez-vous est ouvert, celui de Purpan étant difficilement joignable et les laboratoires privés de l’agglomération n’ayant plus de créneaux disponibles avant plusieurs jours. La semaine dernière plus de 25.000 tests ont été réalisés en Haute-Garonne contre 9.913 un mois plus tôt sur la même période.
Drive Purpan difficilement joignable
Une surchauffe malgré l’ouverture de nouveaux centres de dépistage comme celui de l’Université Paul-Sabatier. « Il y a un vrai problème d’organisation. Si c’est pour avoir les résultats des tests cinq jours après ça n’a aucun sens », reconnaît François Chollet, l’élu référent à la mairie de Toulouse, partenaire des centres de dépistages déployés sur la voie publique pour tous et sans rendez-vous.
A Purpan, le « drive » est confronté à une autre difficulté. « Notre principal problème c’est la prise de rendez-vous téléphonique. Nous manquons de monde pour décrocher mais nous devrions avoir des renforts de personnel administratif pour y remédier. Après nous avons les capacités pour réaliser les analyses », explique Jacques Izopet, chef du service de biologie et du service de virologie du CHU de Toulouse.
Au mois de juillet, ses équipes ont analysé chaque jour 1.000 à 1.500 tests PCR. Là, elles sont passées à un niveau de 2.000 à 2.500 par jour. Car le labo du CHU ne se charge pas uniquement des quelque 250 prélèvements réalisés chaque jour au « drive test » de Purpan et des 300 collectés à l’Université Paul-Sabatier. Il désengorge aussi les laboratoires privés, dont certains frôlent l’embolie.
« Fin juillet il y avait une très grosse tension avec jusqu’à trois ou quatre jours d’attente pour pouvoir réaliser les prélèvements. On a mis en place les « drives », cela a permis de soulager les prélèvements », explique Richard Fabre, président de l’Union régionale des professionnels de santé biologistes d’Occitanie.
Richard Fabre, président de l’Union régionale des professionnels de santé biologistes d’Occitanie reconnaît qu’il « y a une saturation ». « Il y a deux « drives » ouverts le week-end, allées Jules-Guesde et à Purpan. C’est compliqué de faire plus, il faut que nos équipes se reposent et le week-end est aussi un moment où nous en profitons pour récupérer le retard sur le plateau technique et réaliser les analyses. Là il y a un goulot d’étranglement et il est clair que la situation n’est pas satisfaisante », reconnaît ce responsable.
« La vague c’est nous biologistes qui nous la prenons »
Mais pas question d’endosser seuls cette situation. « En un mois, nous avons multiplié par trois l’offre d’analyses, on éponge comme on peut, on ne s’est pas effondré non plus. Ce que nous n’avions pas prévu c’est une affluence pareille. On essaie de rendre les résultats dans les 48h à 72H, la plupart du temps on y arrive. Aujourd’hui, la vague, c’est nous qui nous la prenons pour éviter que les hôpitaux se la prennent après », soutient-il.
Il arrive aussi que des grains de sable viennent se glisser dans les rouages. Il suffit qu’un laboratoire manque de réactifs à cause d’une livrasion annulée et la machine se grippe. « Des gens nous menacent de nous faire un procès parce qu’ils ont loupé leur avion à cause des retards dans les tests. On bosse comme des fous et tout le monde est mécontent », regrette Richard Fabre qui assure que les labos recrutent à tour de bras.
Pour lui, la stratégie de tester tout le monde reste la bonne pour « écrêter la vague ». « Dépister les asymptomatiques qui sont en train de répandre le virus c’est une bonne solution. Après on pourrait prélever le double, mais on fait quoi des tubes », pondère toutefois le biologiste. Lui a investi dans des machines qu’il attend pour passer à plus de 3.000 tubes analysés par jour.
Jacques Izopet est plus critique. Pour le virologue du CHU, cette politique gouvernementale du test pour tous, sans ordonnance ni symptômes, est contre-productive. « L’intérêt est avant tout de tracer et d’isoler, si les résultats des tests arrivent trop tard, vous n’avez pas la possibilité d’isoler. Il est nécessaire de prioriser les analyses des personnes symptomatiques ou des cas contacts », insiste le Pr Izopet.
Reste à savoir si cela sera encore suffisant quand on voit les délais actuels sur l’agglomération toulousaine pour prendre un rendez-vous ou les files d’attente qui s’allongent de jour en jour dans les « drives » déployés sur la voie publique.