VIDEO. Déconfinement à Toulouse : Masqués, mais sereins, les voyageurs de l'aéroport « heureux » de rentrer
REPORTAGE•Ce n'est pas la peur de l'avion qui prédomine à l'aéroport de Toulouse-Blagnac, plus celle de ne pas voir le trafic redécoller malgré toutes les mesures de sécurité sanitaire priseBéatrice Colin
L'essentiel
- A l’aéroport de Toulouse-Blagnac, seuls deux allers-retours quotidiens avec l’aéroport Paris-Charles de Gaulle fonctionnent.
- Les règles sanitaires sont suivies par les passagers, plus sereins qu’apeurés.
- Au sein de l’aérogare déserté, tout est mis en place pour tenter de regagner la confiance des passagers.
Dans l’aéroport déserté de Toulouse-Blagnac, où les rideaux des commerces sont tous tirés, Angélique a pris place sur un des sièges vides du hall d’arrivée. Devant elle, le panneau d’affichage annonce l’unique vol de la matinée pour 11h40, à l’heure prévue.
Masquée, cette habitante de Pau a fait le déplacement mercredi matin pour récupérer un ami. « Il devait rentrer il y a un mois des Antilles, il a dû se débrouiller par ses propres moyens pour rentrer et trouver un avion, il est content d’y être enfin parvenu », explique la jeune femme, lorsque les voyageurs commencent à sortir de la zone de débarquement au compte-gouttes.
1 % de l’activité habituelle
Pas de bousculade, ni de stress. Il faut dire que sur ce vol Air France en provenance de Charles-de-Gaulle, seul un siège sur deux était occupé pour raison d’épidémie de coronavirus. « En fait il y a peu de monde. Je prends régulièrement des vols et je ne vois pas trop la différence, on doit juste s’adapter aux nouvelles mesures », relève avec philosophie Werner qui prenait son premier vol depuis deux mois. Ce Belge est venu à Toulouse pour signer un contrat, la visioconférence ayant parfois ses limites.
Si Ana, une jeune Toulousaine avoue avoir eu « un peu d’appréhension d’être trop proche des gens », le fait que l’avion soit rempli à moitié l’a rassurée. « On a reçu un SMS nous indiquant qu’il fallait arriver à l’aéroport avec du gel et un masque et on nous avait prévenus qu’il y allait y avoir un test de température, donc ça ne m’a fait ni chaud ni froid, j’étais prévenu », dit Florence, alors qu’un sourire se dessine derrière son masque.
Des mesures barrières démultipliés dans l’aérogare qui accueille chaque jour seulement deux vols en provenance de Charles-de-Gaulle, soit 1 % de son activité habituelle.
Regagner la confiance des passagers
« C’est le début d’une reconquête et pour y parvenir, c’est avant tout une histoire de confiance que nous devons écrire entre nos clients et nos salariés. Les transports ne repartiront que si cette confiance est là sinon les passagers ne seront pas enclins à reprendre l’avion », insiste Alain de la Meslière, directeur des opérations de l’aéroport de Toulouse-Blaganc (ATB).
Pour qu’ils soient rassurés, des affichages sont déployés partout dans l’aérogare, les bornes en libre-service ont été condamnées, des plexiglas sont apparus et l’air intérieur est renouvelé plus fréquemment. Aux postes de filtrage, les barquettes ne servent qu’une fois avant de passer au désinfectant, du gel hydroalcoolique est à disposition un peu partout et des repères au sol ont vu le jour. « Ceux qui arrivent sans masque, on leur fournit. Hier, cela a dû représenter 5 % des passagers, c’est un réflexe qui est en train d’être acquis », enchaîne le responsable, content de revoir des passagers.
Pauline et Antoine ont le leur en tissu. Ces deux jeunes actifs avaient réservé leur billet depuis trois semaines, « avant de connaître le plan de déconfinement ». Et ils sont décontractés, loin d’être angoissés par le fait de s’être retrouvés dans un espace confiné durant une heure et demie. « Cela fait deux mois que nous sommes confinés à Paris, il y a une certaine confiance, on a eu le temps de se préparer. Et puis, les gens sont civilisés et respectent les gestes barrières », raconte le jeune couple, heureux de venir se reconfiner dans une maison familiale à Toulouse.
Rapatriement et déplacements justifiés
Après être descendus de l’appareil au fur et à mesure du personnel navigant, ils sont passés sans se faire contrôler par la police pour savoir s’ils avaient bien la fameuse attestation de déplacement dérogatoire à plus de 100 km. « Ils font ça de manière aléatoire, c’est intelligent pour ne pas créer d’embouteillages », relève Antoine.
Annie, une sexagénaire de retour de Guadeloupe, y a eu droit. Et c’était la première fois depuis son long périple entamé la veille. Partie de Pointe-à-Pitre, cette Audoise est passée par la Guyane avant d’atterrir à Charles-de-Gaule. Une solution alternative trouvée après deux mois à patienter. « J’aurai dû revenir le 17 mars avec Air Caraïbes. J’ai dû repayer un billet Air France », raconte-t-elle. Bronzée et détendue malgré ce long voyage, « je l’ai pris cool », reconnaît celle qui devait encore prendre un train dans la foulée.
Comme elle, ils étaient nombreux à venir de loin. Des Antilles, de Tokyo ou encore Madrid. Et c’est encore le gros des troupes des voyageurs. « Dans les avions qui arrivent et qui partent, ce sont souvent des rapatriements de tous les pays du monde. Les déplacements, y compris pour motif professionnel, doivent encore être dûment justifiés. C’est ce qui limite le nombre de déplacements. Au mois de juin, on peut espérer une activité plus soutenue, peut-être à 10 % du trafic. Ce sera une reprise très progressive », avance prudemment Alain de la Meslière qui rappelle que l’année dernière encore près de 10 millions de passagers ont transité par Toulouse-Blagnac. Alors, après avoir eu seulement un vol aller-retour durant plus d’un mois, le fait d’en compter désormais deux depuis lundi est une petite victoire.
« C’est minimum 90 % de baisse d’activités pour nous", Youssef, un chauffeur de taxi de l’aéroport »
Loin d’être suffisant pour les chauffeurs de taxi qui attendent en vain les clients. « La plupart des avions sont vides à cause du Covid. Mais depuis le déconfinement il n’y a plus personne qui prend le taxi. Les familles viennent les chercher maintenant qu’elles peuvent. C’est minimum 90 % de baisse d’activité pour nous. C’est simple, en général on a environ 120 avions par jour, là on est à deux », déplore Youssef. Avec ses collègues, il attend des mesures de la part du gouvernement, au-delà des prêts déjà consentis. Et comme tout le monde, il espère qu’un vaccin verra bientôt le jour.