Coronavirus à Toulouse : Ils cuisinent ou livrent des petits plats aux sans-abri et donnent « du sens au confinement »
SOLIDARITE•A Toulouse, grâce au mouvement #PourEux, des citoyens ordinaires confinés cuisinent « maison » pour les sans-abri et leur livrent les repas à vélo, au hasard de leur routeHélène Ménal
L'essentiel
- Né à Paris au début de confinement, le mouvement citoyen #PourEux cuisine et livre des repas chauds aux sans-abri.
- A Toulouse, il a pris comme une traînée de poudre grâce à des habitants qui confinent utile et donne un sens à l’inactivité forcée.
- Ils viennent suppléer les associations classiques, empêchées de fonctionner normalement.
- Cuisiniers, livreurs, chacun ses recettes solidaires, chacun son parcours de distribution.
«Ils galéraient déjà avant, maintenant ils galèrent au carré ». Thierry, un quinquagénaire toulousain en « activité partielle », parle des sans-abri, confinés en plein air, sans plus personne pour leur glisser la pièce. Avant, il les croisait près de sa supérette de la Côte Pavée. Maintenant, il leur livre à vélo des petits plats « maison », souvent encore chauds et aussi improbables que du porc mariné à la coriandre ou des légumes rôtis avec leur poudre de noisette.
Thierry fait partie des livreurs anonymes du mouvement #PourEux, né à Paris au début du confinement et qui connaît dans la Ville rose une adhésion fulgurante. « Depuis le 6 avril nous avons livré plus de 700 repas, 300 pour la seule journée de mercredi, et formés 90 livreurs », assure Allison Reber, à la fois community manager et cuisinière dans cet élan qui consiste à transformer le temps libre forcé en solidarité. A suppléer aussi les bénévoles empêchés des associations plus classiques en difficulté logistique.
Œufs de Pâques et croquettes pour chiens
Le principe est simple : les volontaires cuisinent chez eux – si possible « seuls en prenant toutes les précautions sanitaires » – puis ils proposent leurs plats en remplissant un simple formulaire. Un livreur du réseau se signale. Dûment masqué, il passe prendre le panier, et pédale, pédale, jusqu’à trouver à qui le donner. Allison Reber serait bien incapable de dresser un profil des cuisiniers ou livreurs. Elle ne connaît que les prénoms dans ce système sans lourdeur ni conformisme. Elle sait juste que tout le monde est aux petits soins, glissant dans les colis des messages d’encouragement ou dessins d’enfants, Œufs de Pâques ou croquettes pour chien.
Stéphanie, artiste confinée dans son atelier, cuisine #PourEux, ceux qu’elle croisait « parfois sans les voir », comme pour elle. C’est-à-dire végan, équilibré, avec des « produits locaux » (la poudre de noisette, c’est elle) et elle pense toujours au dessert, madeleines, cookies ou compotes. « J’aime cette ambiance générale de solidarité, ça me parle, et j’avais envie d’en être, de donner un sens à mon confinement », explique-t-elle.
« Chaleur humaine réciproque »
L’artiste prend aussi parfois la casquette de livreuse. Passée la surprise, la méfiance du premier contact, elle emmagasine « la chaleur humaine réciproque » qu’elle échange avec des bénéficiaires « touchés ».
Thierry aussi a fait l’expérience de cette « frilosité de départ » qui s’estompe petit à petit. En une semaine, il s’est spécialisé dans les raids cyclistes longue distance, évitant les « spots » encore ravitaillés par les associations. « Mon job, c’est de livrer, hors de question de gaspiller des repas ». Il a compris qu’il valait mieux marauder aux heures creuses, avant que les sans-abri ne rejoignent leurs foyers d’un soir. Il découvre aussi avec effroi un monde qu’il soupçonnait à peine, « où la violence augmente avec le confinement ». Et où l’on préfère manger des bananes que croquer des pommes. « Parce qu’on n’a pas toujours la dentition qu’il faut »…