Coronavirus à Toulouse : Au CHU, on se prépare à recevoir « la vague » de malades
EPIDEMIE•Relativement épargné par les cas confirmés de coronavirus jusqu’à ce vendredi, le CHU de Toulouse annonce une forte accélération du nombre de malades et se prépare à « une vague importante »Nicolas Stival
L'essentiel
- Ce vendredi, l’ancienne région Midi-Pyrénées est encore moins touchée que d’autres parties de la France par le coronavirus.
- Le CHU de Toulouse enregistre toutefois une augmentation importante du nombre de cas et se prépare à la propagation à venir de l'épidémie.
Mercredi, une première personne est décédée du coronavirus au CHU de Toulouse : une femme de 84 ans, à la santé déjà fragile, selon les responsables hospitaliers de la Ville rose. Ce vendredi matin, huit patientes et patients, âgés de 41 à 80 ans mais à la moyenne d’âge d’une soixantaine d’années, étaient hospitalisés en réanimation pour cause de Covid-19. Cinq autres malades se trouvaient en soins intensifs et 17 en hospitalisation classique.
Même si, au sein de la grande région Occitanie, Midi-Pyrénées est en cette fin de semaine moins touchée que son voisin du Languedoc-Roussillon, l’épidémie se propage rapidement. « On sent clairement une accélération ces derniers jours et dans les dernières 24 heures », constate ce vendredi après-midi Pierre Delobel, chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Toulouse.
Des patients en détresse respiratoire de plus en plus nombreux
« La situation se tend, poursuit Vincent Bounes, directeur du Samu de la Haute-Garonne. D’ordinaire, 30 patients sont accueillis chaque jour au CHU pour détresse respiratoire. Là, on va atteindre deux ou trois fois ce total. »
Directeur général du CHU, Marc Penaud l’assure : « Les hospitaliers sont extraordinaires. Tout le monde se prépare à subir cette vague sur la durée avec une mobilisation exceptionnelle. » Les responsables administratifs ont quitté leur bureau pour rejoindre leurs équipes. Et les médecins toulousains ont eu plus de temps de se préparer que leurs collègues italiens, espagnols ou bien de la région Grand-Est.
Et si l’hôpital continuera bien sûr d’accueillir les urgences hors coronavirus, les interventions chirurgicales non essentielles ont été déprogrammées. « Aujourd’hui, nous avons 400 lits dédiés au Covid-19, répartis à 50-50 environ entre Purpan et Rangueil, développe Marc Penaud. Cette capacité peut être étendue à 740 la semaine prochaine. En réanimation, nous disposons de 83 lits en temps normal et nous pouvons passer rapidement à 195 et à plus de 300 patients ventilés avec respirateur. »
56 centres dédiés en Haute-Garonne d’ici lundi
Le CHU travaille en liaison avec l’ensemble de la filière médicale de Midi-Pyrénées. « Avec le secteur privé du bassin toulousain, il y a au moins une centaine de lits de réanimation supplémentaires facilement mobilisables », assure Vincent Bounes. D’ici lundi, en Haute-Garonne, 56 centres dédiés (dont 15 à Toulouse) pourront recevoir les personnes présentant des symptômes du coronavirus. Au sein du CHU, « 1.000 personnels » d’autres services sont formés depuis une quinzaine de jours à affronter l’épidémie.
Selon la direction, de nombreux médecins retraités ou membres de professions paramédicales ont proposé leur aide dans la région. Ils doivent être contactés via une application spécialisée. Des étudiants en médecine ont rejoint les standards téléphoniques du numéro dédié au Covid-19 et du 15. « Cela fait 60 personnes qui répondent, ce doit être le plus gros total en France », lance Vincent Bounes.
Des stocks de masques « pour au moins 15 jours, trois semaines »
Qu’en est-il des équipements, alors que la rareté des masques irrite la population ? « On bénéficie depuis quelques jours d’une mobilisation très large des pouvoirs publics et d’entreprises privées qui nous donnent des masques chirurgicaux et FFP2, répond Marc Penaud. Nous aurons les stocks nécessaires pour garantir la protection des patients et du personnel pour au moins 15 jours, trois semaines. Les gants ne sont pas un sujet de préoccupation. Il y a d’autres matériels dont on surveille les stocks et la production : les lunettes de protection et les surblouses. »
Maintenant, il reste la grande inconnue : le nombre de malades nécessitant une hospitalisation à venir. « On redoute une vague conséquente, peut-être écrêtée et moindre que dans d’autres régions, mais on s’attend à ce qu’elle soit importante », indique Pierre Delobel. Les mesures de confinement pourraient produire leurs effets « d’ici deux ou trois semaines » avant « une inflexion de la courbe courant avril », espère-t-il.
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Sauf que rien n’est sûr, comme le reconnaît le spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, qui cite une étude menée par les épidémiologistes de l’Inserm avec une hypothèse médiane (un malade infecte 2,2 autres personnes en moyenne) et haute (il infecte un peu plus de trois personnes en moyenne). Dans le premier cas, le CHU devrait encaisser le choc. Dans le second, la donne sera nettement plus compliquée.
« Pour un patient en réanimation, il y en aura trois en hôpital traditionnel. Au-delà de 300 ou 400 patients en réanimation, on peut se retrouver saturés. » A Toulouse comme dans la plupart des régions du monde, le combat contre le Covid-19 commence à peine.