Toulouse : Les justiciables restent cléments avec leurs avocats malgré le report des audiences
GREVE•A Toulouse, de nombreuses audiences sont reportées en raison de la grève des avocats. Mais ces derniers assurent que leurs clients justiciables se montrent plutôt indulgents jusqu’iciHélène Ménal
L'essentiel
- A Toulouse, la grève des avocats contre la réforme des retraites est particulièrement suivie, entraînant la désertion des audiences.
- Et si certains clients prennent la mouche, les robes noires affirment qu’ils se montrent en majorité compréhensifs.
- Ils sont parfois même prêts à inverser les rôles en défendant leur avocat.
«J’ai une expertise dans dix jours et mon client m’a bien fait comprendre que si je n’étais pas là, il y irait sans moi ». La dernière plaidoirie de Raphaël Darribère, avocat à Toulouse, remonte à « avant Noël ». Comme ses confrères, il est en grève contre la réforme des retraites depuis maintenant six semaines et se contente, quelle que soit l’affaire, de potasser les dossiers tout en recevant ses clients au cabinet.
Et si certains ont donc du mal digérer une éventuelle défection, d’autres se montrent plutôt souples. Comme cet homme, « extrait de la maison d’arrêt de Montauban » pour un acte d’instruction et qui a tenu en personne devant le juge à appuyer, « par solidarité », sa demande d’ajournement.
Jeunes avocats et clients fragiles
Depuis le début du mouvement, 56 % des audiences correctionnelles ont été renvoyées selon des chiffres publiés ce lundi par La Dépêche du Midi. On imagine des victimes ou des suspects, trépignant d’impatience, sinon désabusés. Pas du tout, affirme Manuel Furet, le bâtonnier de Toulouse. « Quand nous expliquons la situation, la grande majorité de nos clients entend nos arguments, beaucoup n’approuvent pas la réforme des retraites, explique-t-il. Et, vu les délais que nous subissons habituellement, on ne peut pas vraiment dire que c’est le mouvement des avocats qui grippe la justice ».
« Même chez les clients détenus, il y a de la compréhension, un soutien même, témoigne une robe noire qui manifestait ce lundi sur les marches du Palais de justice. La réforme va toucher les jeunes avocats qui acceptent l’aide juridictionnelle et défendent les plus fragiles. Ils comprennent que si nous ne pouvons plus le faire parce que nos charges explosent, ils seront eux aussi lésés ».
« Des résultats parfois surprenants »
Même ressenti « d’indulgence » chez cette autre avocate, de la vieille école. Elle ne reçoit d’ailleurs pas seulement des encouragements de ses clients. Un agent du service pénitentiaire d’insertion et de probation d’une grande prison française, où elle doit voir un client ce mardi, a glissé, l’air de rien, tout le mal qu’il pense de la réforme dans sa signature électronique.
Pas sûr même que certains justiciables n’y trouvent pas leur compte. « Nous ne laissons tomber personne, rappelle Manuel Furet, et quand nous n’obtenons pas d’ajournement nous plaidons souvent à trois. » Cette « grève du zèle » a pour but de faire traîner les audiences en longueur. « Et trois cerveaux valent mieux qu’un, assure le bâtonnier, nous obtenons des résultats surprenants, notamment en comparution immédiate et dans le droit des étrangers. »