Toulouse: Ils patrouillent au pied des immeubles pour assurer la tranquillité et leur arme c'est «la parole»
SOCIETE•Pour lutter contre les incivilités et le trafic de drogue dans les halls des résidences sociales du Mirail, des médiateurs de tranquillité résidentielle recrutés par deux bailleurs sociaux occupent le terrain depuis six moisBéatrice Colin
L'essentiel
- La SA Les Chalets et Patrimoine Languedocienne, deux bailleurs sociaux qui logent près de 20.000 personnes au Mirail, ont créé le Groupement interquartiers de tranquillité et de sûreté il y a six mois.
- Une trentaine de personnes a été embauchée pour assurer la tranquillité des résidences, en réduisant les incivilités grâce à leur présence quotidienne au pied des immeubles.
- Ce dispositif, qui existe uniquement en région parisienne, a déjà des effets selon les représentants des bailleurs HLM qui ont investi 2,4 millions d’euros.
Au pied de la résidence « Jean-Gilles », un petit parc arboré accueille en ce mercredi après-midi des familles venues profiter de l’espace de jeux. A quelques mètres de là, à l’angle de deux immeubles, un trio de jeunes attend les clients.
Lorsqu’ils voient débarquer les membres du Groupement interquartiers de tranquillité et de sûreté (GITeS), ils ne cachent pas leur agacement. « Vous touchez pas à mes affaires », ose l’un d’entre eux à l’attention d’un agent avant de disparaître dans une allée du quartier de la Reynerie.
Ces dernières années, le trafic de drogue a gangrené les bas d’immeubles du Grand Mirail. S’il se faisait autrefois à l’abri des regards, il occupe aujourd’hui les cages d’escalier à la vue de tous, perturbant la vie des habitants.
C’est ce qui a poussé deux bailleurs sociaux à créer il y a six mois le GITeS, inspiré de ce qui existe déjà en région parisienne. La SA des Chalets et Patrimoine Languedocienne, qui gèrent pas loin de 5.000 logements sur ce secteur, ont décidé d’investir. Ils ont embauché une trentaine de personnes, parmi lesquelles 25 se trouvent sur le terrain de 16h à 2h du matin.
Pas des cow-boys
Anciens pompiers ou policiers, parfois passés par la sécurité privée, ces agents de tranquillité résidentielle « ne sont pas des cow-boys, ni une milice privée », assure Rémi Vincent, le directeur général du GITeS. « Ils sont là pour faire une veille technique si un ascenseur ne fonctionne plus par exemple, mais surtout pour faire cesser le tapage s’il y en a, ou les regroupements qui créent des nuisances. Nos armes sont la parole et la dissuasion », assure le responsable alors que trois de ses agents équipés de gilets pare-balles vérifient les recoins des coursives de la résidence pour s’assurer que rien d’illicite n’y est caché.
« Chacun est bien dans son domaine, les faits délictuels relèvent de la police, c’est un autre travail. Ce qui n’empêche pas les forces de l’ordre d’intervenir lorsque les membres du GITeS sont agressés », a rappelé lundi, lors d’un bilan, Marc Tschiggfrey, le directeur de cabinet du préfet de la Haute-Garonne.
Baisse de 20 % des réclamations
Car si la plupart de leurs déambulations se déroulent dans le calme, il arrive parfois que l’accueil soit moins courtois. A Jean-Gilles il y a quelques semaines, un agent s’est retrouvé seul au milieu de motos qui lui tournaient autour.
La pelouse de l’espace vert voisin en garde encore aujourd’hui les stigmates. Au total, en six mois, ils ont été victimes de 58 agressions verbales et 26 agressions physiques. Sollicitée par les agents de tranquillité, l’intervention des forces de l’ordre a conduit à l’interpellation de 24 personnes.
« Il y a eu une période compliquée, mais elle n’a pas duré. On échange avec les médiateurs et les associations de quartier et aujourd’hui de nombreux habitants nous connaissent », explique un ancien gendarme qui a intégré l’équipe.
« De notre côté, nous avons enregistré une baisse de 20 % des réclamations pour les troubles de voisinage », confirme Pascal Barbottin, le directeur général de Patrimoine. Avec les Chalets, ils injectent 2,4 millions d’euros chaque année sur ce dispositif et viennent de mettre en place un service téléphonique pour signaler les troubles dans les immeubles du vendredi au samedi du 18h à minuit.
Sentiment d’abandon des habitants
« Il y a pas mal de gens qui ne le connaissent pas encore, mais cela ne peut être que bénéfique parce que depuis des années les locataires ont le sentiment d’être abandonnés », relève de son côté Silvia Garcia du collectif des habitants du Tintoret.
Elle qui a vécu trente ans au Mirail a vu la situation se dégrader à vive allure ces dernières années. Elle espère, sans vraiment y croire, que cela pourra être endigué. « Toulouse est devenue une plaque tournante de la drogue, il y a une tension plus forte qu’il y a quelques années et le sentiment d’abandon est très fort. Il faut que chaque institution prenne ses responsabilités, cette réponse des bailleurs est bienvenue », affirme l’adjoint à la sécurité, Olivier Arsac. Alors que les policiers municipaux ne sont présents dans ces quartiers populaires que jusqu’à 14h, d’ici quelques semaines ils y patrouilleront à nouveau de manière permanente a assuré l’élu.