Pour un sein dénudé, Instagram supprime le compte d’une artiste peintre

Pour un sein dénudé, Instagram supprime le compte d'une peintre toulousaine sans préavis

CENSUREL’artiste Laina Hadengue s’est vu supprimer son compte Instagram pour avoir posté une peinture représentant une femme au sein dénudé. Elle dénonce la censure des réseaux sociaux…
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • Instagram a supprimé le compte d’une artiste peintre, Laina Hadengue, qui venait de poster un tableau où figue une femme, un sein dénudé.
  • L’artiste Laina Hadengue a décidé de publier une lettre intitulée « Les algorithmes sabordent la culture » pour dénoncer la politique des réseaux sociaux sur la question de la nudité.

Fin décembre, Laura Ghianda, spécialiste des arts italiens, voyait un de ses posts Facebook supprimé. Son sacrilège : avoir publié une représentation de la Vénus de Willendorf, une statuette représentant la déesse de la fécondité, vieille de 30.000 ans.

Une censure critiquée par le Muséum d’Histoire naturelle de Vienne, propriétaire de la statuette, et qui avait poussé le réseau social à reconnaître son erreur, précisant que si sa « politique en matière de publicité ne permet pas la nudité ou la nudité suggérée », il fait « une exception pour les statues, et à ce titre cette annonce aurait dû être approuvée ».

Une politique sur la nudité des réseaux sociaux dont la peintre toulousaine Laina Hadengue vient de faire les frais. Mi-avril, alors qu’elle vient de poster Le fil des jours, son dernier tableau représentant une femme au sein dénudé, Instagram lui supprime intégralement et sans préavis son compte.



L’artiste n’en revient pas. Dans une lettre ouverte publiée mi mai et relayée par Libération, elle a décidé de dénoncer cette censure sous le titre « Les algorithmes sabordent la culture ».

Rappelant que sa peinture symbolise avant tout « l’automne de la vie d’une femme à l’âge de la ménopause et la fin de la fécondité », elle critique les « nouveaux coups de boutoirs donnés à l’expression artistique ».

« Comment lutter contre l’arasement de la pensée, quand les réseaux sociaux rayent de la carte brutalement ceux-là mêmes qui les ont animés et fait prospérer, dès qu’un cheveu voluptueux dépasse… A cause de la susceptibilité bornée et décérébrée des algorithmes, la sublime peinture d’un anonyme de l’école de Fontainebleau Gabrielle d’Estrées et sa sœur serait vilipendée pour son caractère sexuel et incestueux… Quant à la Vénus de Milo… !!», avance l’artiste.

« Lancer l’anathème sur l’art »

La première censure du genre remonte à 2011, lorsqu’un professeur des écoles s’est vu rayé de la planète Facebook pour avoir publié sur sa page le célèbre tableau de Gustave Courbet, L'Origine du monde, représentant un sexe féminin.

Plus récemment, une publicité pour une pièce de théâtre reprenant le tableau d’Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, où Marianne apparaît seins nus, a été temporairement victime des ciseaux de la censure numérique du géant américain.

« Lancer l’anathème de la sorte sur l’art et bannir un créateur des instruments de communication moderne est particulièrement inquiétant pour le devenir et la visibilité des artistes », poursuit Laina Hadengue dans son coup de gueule posté sur Facebook, qui pour le coup n’a pas censuré son œuvre.

L’artiste avait créé son compte Instagram il y a cinq ans et s’en servait pour publier régulièrement ses œuvres. « C’était très précieux pour moi, j’ai fait la Biennale de Venise et des gens me suivaient depuis. C’est comme si on me supprimait mon journal. Ils auraient pu juste supprimer la photo en question », a-t-elle expliqué à 20 Minutes.

En colère, Laina Hadengue se refuse à créer un nouveau compte. Elle veut être « réhabilitée ». « On voit sur Instagram des images plus ou moins pornographiques qui circulent, là c’est une œuvre, de la peinture. C’est une véritable régression », assène-t-elle, toujours dans l’attente d’une réponse du réseau social.