Toulouse: Une enquête taxe la préfecture de «maltraitance» envers les étrangers
SOCIETE•Les militants de la Ligue des droits de l'Homme de Toulouse ont enquêté durant six mois dans la file d'attente de la préfecture, devant le bureau des étrangers. Leur constat est sévère...Hélène Ménal
Une mère avec son bébé de trois mois qui fait le pied de grue sous la pluie, un homme de 67 ans qui se demande s’il tiendra physiquement jusqu’à son tour. Deux exemples de galère dans la file d’attente de la préfecture à Toulouse où, le matin, les étrangers (pas les migrants de la dernière vague reçus l’après-midi) essaient d’accéder aux guichets, soit pour déposer une demande de naturalisation, soit pour renouveler un titre de séjour.
De janvier à juin 2016, 40 observateurs de la Ligue des droits de l’Homme (LDH31), ou d’associations partenaires, se sont pressés contre les barrières avec un questionnaire. Ils ont obtenu 475 témoignages, dépiautés notamment avec le professeur en sociologie Daniel Welzer-Lang. Et le bilan de l’opération dévoilé ce mardi est sévère. Pour la LDH, qui précise qu’elle ne vise pas le personnel de la préfecture « stressé par la politique du chiffre » mais le système, l’accueil des étrangers relève carrément de la « maltraitance ».
Arbitraire et pointillisme
La LDH pointe notamment « l’arbitraire ». « Une famille qui passera à deux guichets différents n’aura pas la même réponse », souligne Daniel Welzer-Lang. Sans compter un pointillisme qui fait que parfois pour l’oubli d’un simple document, le rendez-vous pour une demande de naturalisation peut être repoussé d’un an. De deux même pour cette Guinéenne qui avait apporté une photocopie plutôt qu’un original.
Enfin, « le système fabrique lui-même des sans-papiers » relève l’étude : pour le renouvellement d’un titre, on ne peut pas prendre rendez-vous plus de deux mois avant la date d’expiration, mais en général la première date de rendez-vous sur le site Internet est dans trois mois.
Le défenseur de droits saisi
Face a ces constats, la LDH exige une amélioration de l’accueil physique. Au moins un auvent dehors, ainsi qu’une file spéciale pour les femmes enceintes et personne âgées. Elle exige le respect de « délais décent » et la suspension du label «Qualipref 2.0 » censé témoigner de la bonne réception des usagers. Pour le reste, elle demande la saisine du défenseur des droits.
Ce dernier va d’ailleurs également être saisi par la préfecture qui naturellement s’inscrit en faux contre les allégations de la DLH. Elle dénonce un rapport « à charge ». Elle rappelle que le service des étrangers reçoit 110.000 personnes chaque année et délivre plus de 53.000 titres. L’échantillon de la LDH représenterait donc 0,4 % des personnes reçues. Une rencontre entre les deux « parties » était prévue ce mardi après-midi.