Est-ce que le « Made in Europe » rime avec bonne qualité de vêtements ?
MODE•« Made in Italy », « Portugal » ou « France » évoquent souvent une garantie de qualité et une production éthique, mais « 20 Minutes » a fait appel à une experte pour nuancer cet a prioriLéa Zacsongo-Joseph
L'essentiel
- L’Europe fournit des normes et règlements sur les conditions de travail qui garantissent en principe de meilleures conditions de travail pour la production de vêtements, bien que certaines marques violent ces lois, comme le montrent les cas de Brandy Melville en Italie et de Boohoo en Angleterre.
- Cependant, le lieu de fabrication n’est pas un gage de qualité des vêtements, qui dépend d’autres facteurs comme le savoir-faire et les priorités de la marque.
- « Ce n’est pas parce qu’un produit est fabriqué en Europe qu’il est de bonne qualité », explique Julia Faure experte des pratiques liées à l’industrie textile.
Regardez-vous la provenance de vos vêtements avant de les acheter ? Le « Made in Europe » vous rassure-t-il ? Privilégiez-vous le « fabriqué en Italie », « au Portugal » ou « en France », en pensant y trouver une meilleure qualité ? Ou encore, y voyez-vous un moyen de vous assurer de meilleures conditions de travail pour ceux qui les produisent ? Vous n’êtes pas seuls. En France, 47 % des consommateurs favorisent les produits fabriqués en France parce qu’ils sont perçus comme de meilleure qualité selon Opinionway.
Les marques sont bien conscientes de cette tendance et en profitent, parfois en contournant la loi pour produire clandestinement des vêtements de mauvaise qualité dans des pays réputés pour leur industrie textile. Dernier exemple en date : Brandy Melville.
La sortie du documentaire d’Eva Orner, « Brandy Hellville & the Cult of Fast Fashion » sur HBO, a révélé que la marque exploite la réputation du « Made in Italy » pour produire illégalement à Prato, la plus importante zone textile d’Italie, ses vêtements par des travailleurs issus de l’immigration chinoise. Ainsi, elle bénéfice de la réputation de qualité italienne tout en produisant des articles de fast fashion de mauvaise qualité et en exploitant des travailleurs étrangers sous-payés.
Un scandale qui rappelle celui de la marque de fast fashion Boohoo, dénoncé en 2021 dans le documentaire d’Edouard Perrin et Gilles Bovon, « Fast Fashion – Les dessous de la mode à bas prix ». Boohoo surfait sur le « Made in UK » pour exploiter des travailleurs sous-payés dans des conditions illégales à Leicester.
Alors, produire des vêtements en Europe est-il vraiment un gage de qualité ? Pour répondre à cette question, 20 Minutes a fait appel à Julia Faure, cofondatrice de Loom, une marque de vêtements conçus pour durer et experte des pratiques liées à l’industrie textile et à sa dimension éthique, environnementale et sociologique. Alors, le « Made in Europe » est-il vraiment synonyme de meilleure qualité ou est-ce juste un mythe ?
L’Europe assure des conditions de travail meilleures
« En Europe, il y a des règles qui assurent des conditions de travail, mais certains trichent avec ces règles », explique Julia Faure. Contrairement aux pays asiatiques, où les conditions de travail sont souvent moins exigeantes, l’Europe est censée garantir de meilleures normes.
Cependant, comme mentionné précédemment, des marques comme Brandy Melville et Boohoo enfreignent les lois sur les conditions de travail de leurs employés. « La différence entre la norme et l’exception est essentielle. Il peut y avoir des tricheries et des excès, mais les conditions entre produire dans des pays avec des normes sociales et ceux sans normes sont très différentes », ajoute l’experte des pratiques liées à l’industrie textile.
Les cas de production illégale, révélés dans des documentaires, sont des exceptions qui ont été démasquées grâce à des enquêtes approfondies. Favoriser le « Made in Europe » pour s’assurer de bonnes conditions de travail pour les fabricants est donc fondé, même s’il ne faut pas ignorer ceux qui enfreignent ces lois, comme Brandy Melville en Italie et Boohoo en Angleterre.
Le lieu de fabrication n’a rien à voir avec la qualité
« Ce n’est pas parce qu’un produit est fabriqué en Europe qu’il est de bonne qualité », explique Julia Faure, cofondatrice de Loom, une marque de vêtements conçus pour durer. La qualité est complexe et dépend de nombreux facteurs, souvent invisibles au premier abord. « Par exemple, un t-shirt peut sembler de bonne qualité en magasin, mais rétrécir au lavage s’il n’a pas été préalablement traité. » poursuit l’experte. La qualité des vêtements peut être déterminée par leur durabilité ou leur confort et varie selon les priorités de la marque et du vêtement.
Cependant, la qualité n’a rien à voir avec les conditions de travail et ne dépend pas du lieu de fabrication. « On peut faire des vêtements de bonne qualité avec une main-d’œuvre malheureuse. La qualité d’un vêtement découle de l’expertise d’un pays. Plus un pays produit de textile, plus il a des chances de faire de la bonne qualité », précise-t-elle, en mentionnant le Portugal et l’Italie, réputés pour leurs textiles de qualité et leurs chaussures en cuir premium. Mais tout dépend des priorités de la marque concernée.
« C’est une question de savoir-faire et d’exigence de la marque », conclut Julia Faure. Cette règle s’applique aux marques de luxe, de fast fashion comme aux marques éthiques. Le luxe privilégie le savoir-faire, tandis que l’éthique met l’accent sur une empreinte carbone basse. Cependant, cela ne correspond pas toujours à ce que chacun considère comme un vêtement de qualité, qui peut signifier durabilité, matériaux nobles ou confort. Pour ceux et celles en quête de vêtements de qualité, voici une astuce simple : vérifiez que les valeurs de la marque correspondent aux vôtres en matière de « qualité ». Et surtout, il n’y a pas de secret : il faut y mettre le prix.