« Dark feminine energy », l’arme fatale des nouvelles femmes fatales ?
BAD GIRL•Cette nouvelle tendance mélange des éléments de développement personnel, de féminisme et de spiritualité20 Minutes avec agences
Megan Fox, Angelina Jolie, ou encore Alexa Demie (Maddy Perez dans la série Euphoria) seraient les représentantes les plus célèbres de cette tendance. Parce qu’elles sont « badass », envoûtantes, mystérieuses, et s’habillent de manière sombre. Objectif affiché ? Acquérir une confiance en soi d’acier. Et l’idée n’est pas pour déplaire, le hashtag « dark feminine energy » cumule déjà plus d’un milliard de vues sur TikTok.
Devenir une femme ferme, presque sans émotions
La femme « dark » doit adopter certains comportements. Par exemple, il est conseillé de ne jamais montrer une once d’émotion aux autres. « S’ils peuvent avoir une réaction de vous, ils deviennent les maîtres », indique un post. « Ne pleurez pas. Pas de longs textes. Ne révélez jamais vos faiblesses », conseille une autre internaute. Les émotions, ou du moins leur expression, sont interdites chez la femme « sombre », car en se montrant « trop émotive », elle pourrait perdre en crédibilité.
Paraître négligée ou naturelle est également à bannir. « Elle prend bien soin d’elle, mentalement et physiquement : son maquillage, ses soins de la peau, son style vestimentaire, son régime alimentaire, sa routine sportive », explique@awwlexis, une coach en développement personnel et suivie par plus de 200.000 personnes sur TikTok. Acquérir cette aura mystérieuse passe avant tout par une apparence irréprochable.
Mais en dehors de l’aspect esthétique, il existe une myriade de codes pour embrasser cette aura féminine mystique.
« Ne jamais montrer à un homme qu’on l’aime bien », « entrer dans n’importe quelle pièce avec assurance », « répondre aux insultes par un simple ok »… Et c’est là que la tendance devient problématique. Car derrière un discours « Girl power », le mouvement du « dark feminine energy » propage un discours hétéronormé et pas si féministe que ça. Si certains des conseils paraissent positifs, ils se centrent énormément sur la recherche d’attention masculine. Car oui, la plupart des vidéos encouragent les femmes à mettre les hommes à leurs pieds, en usant de leurs charmes. Mais la tendance impose certaines normes à respecter pour prendre confiance en soi. Si bien que tout le monde n’est pas fan du dark feminine energy.
Un prisme trop masculin
Certains remettent en question l’utilité d’incorporer le regard masculin dans ce mouvement. C’est le cas d’Anna Neza, une TikTokeuse originaire du Canada, qui a partagé son mécontentement dans une vidéo. Dans celle-ci, la jeune femme aborde la « dark feminine energy » et son opposé la « light feminine energy » (qui embrasse une partie plus douce de la féminité). Pour l’internaute, ces deux tendances sont aussi malsaines l’une que l’autre car elles « puisent dans une sorte de féminité dont les hommes tirent profit à la fin ».
David Voas, démographe et sociologue des religions à l’UCL, voit la « dark feminine energy » comme une forme de « spiritualité alternative ». Il explique dans un entretien pour Vice : « les femmes tentent toujours de négocier la meilleure voie à suivre dans une société qui reste dominée par les hommes ». Même s’il reconnaît que l’énergie féminine sombre a son lot de côtés positifs, ce mouvement englobe beaucoup d’idées problématiques : « Je soupçonne que le message 'soyez une sorcière, n’ayez pas peur d’être une garce' séduit les femmes qui se sentent souvent impuissantes face au monde qui les entoure ».
La « dark feminine energy » est aussi devenue pour les coachs personnels un nouveau moyen de commercialiser leurs conseils et de vendre leurs livres. Certains vont même jusqu’à proposer des masterclass payantes. Comme le mouvement du « sigma male », l’argument du développement personnel est utilisé pour convaincre les internautes qu’adopter une nouvelle manière d’être leur donnerait accès à tout ce qu’ils veulent. A tort le plus souvent.
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