MODELa tendance du look « beauf » : pourquoi le ringard ne l’est plus ?

Claquettes, chemisette, bob… Comment la panoplie du beauf gagne la garde-robe des branchés

MODEAutrefois méprisé de tous, le look ringard-beauf continue d’être LA grande tendance de l’été
Lisa Sfartman

Lisa Sfartman

L'essentiel

  • Les tendances autrefois dictées par l’aristocratie viennent aujourd’hui « de la rue »
  • La jeunesse joue avec les codes populaires et remet au goût du jour des pièces ringardisées pendant des années.
  • Le look « beauf au camping » s’invite aujourd’hui sur les défilés des plus grandes marques de luxe.

Le bob, la chemisette, les claquettes ou les Crocs… ces vêtements détestés de tous s’imposent depuis quelque temps dans les placards des plus branchés. On ne pensait jamais les voir sur les podiums et pourtant… les marques et maisons de luxe s’emparent de pièces populaires et ringardisées pour les réinventer et les décliner dans tous les styles. Dior collabore avec Birkenstock (ces sandales longtemps comparées aux chaussures orthopédiques, oui…), Louis Vuitton et Fendi accessoirisent leurs mannequins de bob ou de bananes, le sabot de jardin devient une pièce mainstream grâce à Givenchy ou Aigle (en version plus accessible). Mais pourquoi la panoplie du beauf moquée pendant des années est-elle si en vogue ?

Cette tendance vient de la jeune génération qui est suivie de près par les marques car « la jeunesse initie les mouvements de mode, de contestation, cherche à s’approprier le pouvoir. Aujourd’hui le cool est dans la rue, sur les réseaux sociaux… la fashion sphère, elle regarde ce qu’il se passe chez les jeunes et s’en inspire » explique Vincent Grégoire, directeur Consumer Trends & Insights pour l’agence de conseil en stratégie business Nelly Rodi, « la Gen Z est prête à tout pour se faire remarquer et se fout du « qu’en-dira-t-on ».

La tendance vient de la rue

Cette génération s’inspire aujourd’hui des personnes les plus influentes des réseaux sociaux, à savoir les Kendall Jenner, rappeurs et autres joueurs de foot. Ces personnalités représentatives de la culture « jeune » ont renoué avec des looks 'ringards' comme les claquettes-chaussettes. « Ce sont les nouvelles icônes d’aujourd’hui et elles n’ont pas le look d’une pop star. On a perdu cette idée de l’élégance attribuée à la célébrité. Avec ces personnalités au look décontracté et l’avènement du streetwear dans les années 2016, on s’attache plus que jamais au confort », explique Dinah Sultan, directrice des styles chez Peclers, une agence de conseil en stratégie créative et tendance prospective.

Pénélope Blanckaert, consultante créative en mode vintage et contemporaine, affirme que le Covid et les confinements ont accentué la tendance à vouloir se sentir bien dans ses vêtements. « Quand on a goûté au confort, les escarpins et jupes crayons, on n’en veut plus ».

L’habit ne fait (vraiment) pas le moine

Mais la tendance cache aussi une explication plus sociologique. « Les gens cherchent à se recentrer sur des choses simples, on a de plus en plus un retour ‘aux essentiels’… on a envie d’être moins superficiels, on est séduit par la seconde main, les frip et Emmaüs où on retrouve toutes sortes de chemisettes, bob et claquettes » confie Pénélope Blanckaert. Le regard « beauf » sur des produits comme le bob ou la banane est « un héritage très français mais qui s’essouffle grâce au vintage » pense Dinah Sultan. « Ce sont des pièces qui ont fait leurs preuves ! Le bob protège très bien la tête, on transpire moins dans une chemisette grâce à son côté aérien » explique Dinah Sultan.

Cet engouement pour le vintage, « c’est aussi une façon d’accéder à des pièces uniques, avec des matières parfois de meilleures qualités, des pièces plus originales… », explique Vincent Grégoire. Le vêtement n’a plus le même rôle statuaire qu’auparavant, la beauté et le style sont bien plus subjectifs et on ne peut plus estimer qu’un vêtement correspond à une classe sociale. Aujourd’hui, le streetwear est roi et le confort, même ringard, semble l’emporter sur l’esthétique.