Le panettone s'incruste au repas de noël des Français

Plus fort que la bûche ? Le panettone s'impose sur la table de fête des Français

remontadaDepuis plusieurs années, la traditionnelle bûche s’affiche aux côtés de ce gâteau de Noël italien
Claire Frayssinet

Claire Frayssinet

L'essentiel

  • Le panettone est un gâteau d’origine milanaise servi traditionnellement à la période de Noël.
  • Il s’agit d’une brioche au levain naturel agrémentée de fruits confits (raisins, écorces d’orange…) ou de pépites de chocolat.
  • Cantonné à l’origine au nord de l’Italie, le panettone a conquis toute la botte avant de passer la frontière est d’être devenu pratiquement un incontournable sur les tables de fête des Français.

On l’attend tous les ans en fin d’année. Et quand sa silhouette dodue fait son apparition, on ne peut réprimer notre plaisir. Et non, il ne s’agit pas du Père Noël, mais du panettone, cette spécialité pâtissière du nord de l’Italie qui a conquis les Français depuis plusieurs années. Cette déferlante s’observe partout dès le mois de novembre : dans les rayons des supermarchés, dans les boulangeries-pâtisseries traditionnelles et jusque dans les chalets des marchés de Noël. Mais qu’est-ce qui donne autant envie aux Français de croquer dans cette brioche milanaise ?

Sur le papier, la recette du panettone a l’air aussi simple et accessible que celle du gâteau au yaourt : il suffit de mélanger du beurre, des œufs, de la farine, de l’eau et de la pâte aromatique à base d’agrumes, des fruits confits, du malt et de la levure mère. Mais la réalité découragerait le plus vaillant des pâtissiers du dimanche.

Prendre soin de la levure comme d’un bébé

« Il faut 3 jours pour fabriquer un panettone. Et en plus, il faut en respecter des températures extrêmement précises à chaque étape de la fabrication », explique Francesco Vescio, chef pâtissier à la pasticceria Simona, une pâtisserie italienne située au centre de Paris. Son acolyte, la cheffe Anna Dal Maistro précise le processus : « le premier jour, on prend soin de la levure mère comme d’un bébé ! On la nourrit et on la douche plusieurs fois par jour pour qu’elle prenne des forces. On commence aussi à préparer la pâte. A ce stade, la température ne doit surtout pas dépasser les 24°C pour que la pousse ne débute pas. Le deuxième jour, on ajoute à la pâte les ingrédients aromatiques tels que les fruits confits sous une température oscillant entre 28 et 30°C pour que la pousse puisse débuter. Si tout va bien, sa taille sera multipliée par trois ! C’est aussi le jour de la pirlatura, un geste très précis qui consiste à façonner les pâtons avant de les mettre dans les moules en carton dans lesquels les panettones vont être cuits ». Après une heure de cuisson le troisième jour, les panettones doivent sécher la tête en bas pour éviter qu’ils ne deviennent tout raplapla.

Simona Vignolo Pezziardi, fondatrice de la Pasticceria Simona, est entourée de sa fille et des chefs Anna Dal Maistro et Francesco Vescio pour proposer des panettones traditionnels dans l'unique pâtisserie italienne de Paris.
Simona Vignolo Pezziardi, fondatrice de la Pasticceria Simona, est entourée de sa fille et des chefs Anna Dal Maistro et Francesco Vescio pour proposer des panettones traditionnels dans l'unique pâtisserie italienne de Paris. - C.F.

De nombreux chefs pâtissiers et épiceries fines proposent désormais eux aussi un panettone au même titre que la traditionnelle bûche de Noël. Fauchon, Pierre Hermé, Benoît Castel… Tous veulent leur part du gâteau. C’est aussi le cas du célèbre chocolatier belge Pierre Marcolini qui, grâce à ses origines italiennes, a toujours fêté Noël avec un panettone au centre de la table. « Cette spécialité fait partie de ma culture depuis que je suis né, nous raconte le chef. D’ailleurs je me souviens qu’enfant, c’est avec le panettone qu’on nous faisait découvrir l’alcool, en trempant un morceau dans du vin ! » En cette fin, d’année, il s’est associé à l’un des maîtres italiens du panettone, Iginio Massari, un célèbre pâtissier basé à Brescia en Lombardie. « J’ai fait le choix de la collaboration car on ne s’improvise pas pâtissier, il y a des expertises et des savoir-faire pointus à respecter » justifie Pierre Marcolini, qui fournit le chef en chocolat pour cette création exclusive. Comment reconnaître un panettone de qualité selon lui ? « Il doit être hyperalvéole et surtout se déchirer nettement, ne pas s’étirer comme un croissant quand on le découpe à la main ».

Le chocolatier belge Pierre Marcolini s'est associé avec Iginio Massari, un grand nom du panettone italien, pour proposer une version chocolatée de cette brioche.
Le chocolatier belge Pierre Marcolini s'est associé avec Iginio Massari, un grand nom du panettone italien, pour proposer une version chocolatée de cette brioche. - Pierre Marcolini

En parallèle de la production de panettones artisanaux, ce sont surtout dans les supermarchés qui profitent de l’effervescence autour de ce produit, avec une offre industrielle meilleur marché, entre 5 et 15 euros quand il faut plutôt compter 20 à 40 euros pour un panettone de pâtisserie. « On assiste à une croissance des ventes en hypermarchés et supermarchés de 15 % entre 2020 et 2022 », explique Claire Luquet, directrice de la marque Casino qui précise que « les Panettones classiques représentent 54 % des ventes en volume, suivi par les formats mini (14 %) tandis que ceux au chocolat ne représentent que 6 % du volume des ventes. »

Le panettone est devenu un gâteau si prisé que certains le proposent toute l’année. C’est le cas du chef Christophe Louie qui vient d’ouvrir une boutique dans le 3e arrondissement de Paris presque entièrement dédié à cette spécialité italienne. En ce mois de décembre, la production tourne à plein régime avec 150 panettones qui sortent du four chaque jour. Au choix : fruits confits, chocolat ou même rooibos de Noël dans le cadre d’une collaboration avec l’enseigne de thé Dammann Frères. Mais pour convaincre les Français de consommer cette brioche toute l’année, il s’affranchit de la tradition : « les panettones salés à base de câpres, anchois et olives ou encore à la tomate séchée et à l’origan sont délicieux en apéritif. Dès janvier, je vais proposer un panettone Cacio et Pepe (fromage et poivre). J’imagine aussi des versions sucrées avec des recettes qui changent en fonction des saisons. Comme le chocolat-piment pour la Saint-Valentin, ou encore une recette que j’ai déjà expérimentée à base de physalis, fruit de la passion et chocolat au lait ». Une chose est sûre, les Français n’ont pas fini de prendre de la brioche…

Quelle est l’origine du panettone ?

Plusieurs légendes circulent sur l’origine du panettone mais toutes sont d’accord sur un point : c’est à Milan que cette spécialité a vu le jour. « Il y a quand même une version qui semble la plus probable, raconte Simona Vignolo Pezziardi, la fondatrice de la pasticceria Simona à Paris. C’est celle de Toni, un garçon de cuisine à la cour de Ludovic Sforza à Milan en 1495, qui a oublié un gâteau dans le four. Pour réparer son erreur, il sert aux nobles un gâteau qu’il avait préparé pour lui-même à base de pain auquel il avait ajouté du beurre, du sucre, des fruits confits et des raisins secs. Le succès fut au rendez-vous pour le « el pan de Toni » en dialecte milanais.