A la recherche d'espace et de convivialité, les Français partent en campagne pour leurs vacances

Vous reprendrez bien un petit peu de vert pour les vacances ? Car si cette couleur était partout sur les podiums de la fashion week et sur les murs des influenceurs déco, elle est aussi en train de déteindre sur les loisirs des Français, à commencer sur leurs lieux de villégiature. Depuis l’épidémie de Covid et le confinement qui a cloîtré les urbains en 2020, la campagne a connu un regain d’intérêt.

Pour Saskia Cousin, anthropologue et professeure de sociologie à l’université Paris Nanterre, « La campagne, dont la quiétude faisait peur à certains, est devenue désirable. Mais elle n’a jamais été abandonnée par les classes populaires et celles et ceux qui y avaient des attaches ». Comme nous le rappelle le sociologue Jean Viard, « Quatre millions de Français ont une maison secondaire et parmi eux, certains ont hérité d’anciennes fermes et de maisons de famille. Alors qu’il y a encore quelques années on ne considérait pas forcément la campagne comme une véritable destination de vacances puisqu’on allait chez les grands-parents, aujourd’hui cette vision a un peu changé ».

Une curiosité accrue pour les zones rurales

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon un baromètre Opodo présenté mardi par le cabinet Raffour interactif, les vacanciers en France choisissent en priorité la mer, suivie par les villes touristiques. Les territoires ruraux arrivent en troisième position. Une étude Expedia et Abritel de mai 2024 montrait une augmentation de 60 % des recherches d’hébergements de vacances pour la Loire, l’Ain et la Haute-Vienne, des territoires largement ruraux. Ces destinations à la campagne proposent des locations aux tarifs souvent bien plus abordables que sur le littoral. Les vacanciers y payent en moyenne un prix de location par nuit en juillet-août de 20 à 30 % inférieur pour des logements souvent plus vastes avec des espaces extérieurs aménagés.

En ce mois de mars 2025, les Expedia et Abritel notent une augmentation des requêtes « autour du Val-de-Loire, réputé pour sa campagne et ses châteaux, notamment l’Indre-et-Loire, le Maine-et-Loire ou la Sarthe (+25 %), ou encore la Drôme (+20 %) ». Des données qui corroborent les observations d’Airbnb chez qui « les réservations des séjours à la campagne ont doublé entre 2019 et 2024 » précise Clément Eulry, Directeur France et Belgique. Il souligne qu' « un tiers des hébergements loués sur Airbnb sont en zone rurale et, globalement, ces hébergements obtiennent une meilleure évaluation que ceux situés en zone urbaine. »

Un tourisme qui redessine les territoires

De là à tomber dans le cliché de la campagne peuplé de bons vivants et de paisibles vaches broutant dans leurs champs, il n’y a qu’un pas. « Attention à ne pas idéaliser la campagne, il y a aussi des cons et des gens pas accueillants ! » s’amuse Fabrice Dalongeville, maire de Auger-Saint-Vincent, invité à une conférence de presse du géant américain pour défendre la location saisonnière en zone rurale. Mais selon lui, « même s’il faut faire attention à ne pas survendre un folklore car il n’y a pas une mais des campagnes, Airbnb est l’ami des villages. »

La plateforme permet ainsi d’accueillir davantage de visiteurs dans des zones peu couvertes par des établissements hôteliers, d’assurer un marketing qu’elles ne peuvent pas financer et de maintenir ainsi un certain dynamisme dans de petites communes. Lesquelles - surtout si elles sont à proximité de grandes villes - peuvent « mettre en avant leurs atouts et développer des offres de loisirs comme des parcs et des lacs aménagés ou encore une offre culturelle autour de personnalités locales ou de musées et de savoir-faire » analyse Bertrand Réaud, sociologue des loisirs.

Des modes d’hébergements insolites et immersifs

Mais que recherchent donc les Français dans leurs villages ? L’espace, mais aussi la convivialité. « La campagne c’est la possibilité de se retrouver en famille pour ne rien faire d’autre qu’être ensemble, se promener, se retrouver : une quête d’immobilité, de ressourcement. c’est la définition même des vacances : pouvoir profiter du temps libre, libéré » explique Saskia Cousin. Et ce temps suspendu se déroule désormais aussi dans des nouveaux hébergements, spécifiquement créés pour les touristes de passage : roulottes, cabanes dans les arbres ou capsules transparentes, le « glamping » est protéiforme.

Arnaud Doin lui, a monté son projet de Country-Lodge en 2017 dans le Perche, à deux heures de route de la capitale. Ce Parisien passionné par la campagne explique qu’il voulait « Rappeler aux citadins que l’œuf sort d’une poule, qu’un poulet c’est pas des nuggets et que caresser une chèvre c’est plus agréable que caresser la barre du métro ! » Il a donc conçu un ensemble de cabanes en bois en pleine nature où les couples comme les familles peuvent venir se ressourcer au calme et au contact des animaux de la ferme. Le concept est un succès et un deuxième lodge doit ouvrir en 2026 à Nogent-le-Rotrou en Eure-et-Loir mais cette fois-ci « à 300 mètres de la vie du village ». Car pour Arnaud Doin, « cette initiative est tournée vers l’extérieur pour inciter les touristes à consommer chez les petits commerçants, aller à la rencontre des artisans et de la nature environnante ».

Tout le contraire de certaines structures où le visiteur évolue dans un environnement très aménagé. « Center parcs a été pensé comme une formule qui permet de réunion 3 générations, c’est ce qui a fait son succès à une époque ou les hôtels n’étaient absolument pas adaptés aux familles, rappelle Saskia Cousin, mais comme son nom l’indique, ce n’est pas la campagne ». Et de rappeler que « La première motivation du départ en vacances des Français est "se reposer, la deuxième, c’est "se retrouver" ». C’est exactement ce que permet la campagne ».