L’Arménie est une terre promise pour les marcheurs en quête d’authenticité et de vieilles pierres
Caucase•Éternellement malmenée par ses puissants voisins, la première nation chrétienne de l’Histoire reste bel et bien debout, à l’image de ses monastères, solides et splendides au détour des sentiers de montagneJean-Claude Urbain pour 20 Minutes
Avec ses neiges immaculées scintillant au soleil torride du plateau arménien, l’Ararat a tout pour susciter la dévotion. C’est la montagne sacrée par excellence. La toute première nommée par les textes bibliques. Celle où se serait échoué Noé, le patriarche choisi par Dieu pour renouveler le genre humain. Culminant à 5.137 mètres, son imposante silhouette semble flotter au-dessus d’Erevan, la capitale. On pourrait presque la toucher du doigt. Mais la frontière avec la Turquie fait barrage depuis 1920. Une plaie vive pour les Arméniens, qui forment le premier peuple à avoir adopté le Christianisme, au tout début du IVe siècle.
L’Église apostolique arménienne est le symbole vivant d’une très vieille nation. Ses limites actuelles ne représentent que 8 % de son territoire ancestral, qui s’étendait de la mer Caspienne à la Méditerranée sous le règne de Tigrane le Grand, au Ier siècle av. JC. Carrefour stratégique entre Orient et Occident, l’Arménie n’a ensuite cessé d’être démembrée par ses voisins expansionnistes. Romains, Perses, Byzantins, Arabes et Mongols, puis Ottomans et Russes, l’ont tour à tour occupé, dépouillé, saccagé. Après deux mille ans de calamités, son existence tient du miracle ! Elle n’est libre que depuis 1991 et la dissolution de l’Union soviétique.
La seule constante dans cette histoire tourmentée est la présence hypnotique du mont Ararat. Faute de pouvoir en gravir les pentes, on l’admire à Erevan, depuis le sommet de l’escalier monumental appelé la Cascade. Ce panorama à couper le souffle est un point de départ idéal pour une visite pédestre de ce pays complexe, mais accueillant et fier de son patrimoine, riche de monastères paléochrétiens, de villages figés dans le temps et de chemins escarpés. Sous l’impulsion de l’agence Saberatours, et de sa nouvelle marque Miravita, l’authenticité de ce pays sort peu à peu de l’anonymat.
Hors des sentiers battus
Au début du XXe siècle, Erevan, qui n’était qu’une petite ville de province, ne comptait guère plus de 30.000 habitants. Capitale de l’Arménie contemporaine après avoir été celle de l’Arménie soviétique, elle en abrite aujourd’hui plus d’un million. Une évolution spectaculaire qui explique pourquoi cette ville, étonnamment sûre et dynamique, porte toujours l’empreinte de l’esthétique russe. Son visage actuel est l’œuvre de l’urbaniste Alexandre Tamanian, dont le style néo-arménien marie cette influence soviétique, dite constructiviste, aux codes de l’architecture médiévale.
En s’éloignant de la capitale, un réseau routier récemment rénové conduit les visiteurs vers des paysages à la beauté insoupçonnée. Pour les amateurs de randonnée, l’Arménie est une terre promise. Ses sentiers balisés serpentent de plateaux d’altitude en forêts denses, peuplées de lynx, d’ours et de loups. Le col de Sevan est la voie royale vers la « Petite Suisse d’Arménie », dont Dilijan défend les couleurs chaleureuses. Cette ville aux maisons de bois a donné son nom à un parc national où l’arrière-saison pare la forêt de mille feux. C’est Voské Achoun, « l’Automne d’or », qui invite à explorer un patrimoine confidentiel, réservé aux marcheurs.
Vingt-quatre mille monuments culturels, essentiellement religieux, constituent le véritable trésor historique et artistique de l’Arménie. Le plan cruciforme précédé d’un narthex couvert de pierres tombales et coiffé d’un dôme en pointe est typique de ses églises médiévales. Souvent bâtis en basalte dans des sites dérobés, dissimulés aux envahisseurs et propices au recueillement, ces édifices se dressent encore dans toute leur splendeur. Il n’en va pas de même en Anatolie turque, où les lieux de culte arméniens servent, dans le meilleur des cas de mosquées, mais plus souvent de granges, quand ils n’ont pas été détruits.
L’espoir d’un renouveau
Au début de la Genèse, le passage du Déluge raconte comment Dieu, courroucé par la corruption des humains, s’en débarrassa en inondant le monde. Il faut croire que la leçon n’a pas été retenue. La région du Caucase reste minée de conflits inextricables, dont la prise du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan est le dernier épisode en date. Un chapitre encore plus tragique, qui enferme l’Arménie et la Turquie dans l’aigreur, peut se résumer en un mot : « génocide ». Les autorités turques récusent ce terme. La répression ottomane de 1915 relève pourtant de l’extermination systématique. Plus d'un million d’Arméniens furent emportés par cette vague de violence aveugle !
Les survivants du massacre ont été contraints de s’exiler vers tous les continents. De nos jours, environ dix millions d’Arméniens sont éparpillés dans la diaspora alors que seulement trois millions et demi demeurent au pays. Dans cette démocratie qui vit toujours en autarcie, l’économie est soutenue par les transferts de fonds de ces expatriés qui, de Los Angeles à Moscou, de Beyrouth à Marseille, se distinguent souvent par leur esprit d’innovation. Le scientifique Garo Armen, qui a bâti son succès dans les biotechnologies, est un de ces Arméniens de la diaspora qui œuvrent à doter leur pays de nouvelles forces vives.
En balade dans le canyon de Debed, les randonneurs qui choisissent de séjourner au nouveau Concept Hotel by COAF participent, eux aussi, au développement de l’Arménie. Une partie du coût de leur séjour est, en effet, investie dans les programmes éducatifs de la Fondation Children of Armenia créée par Garo Armen. Une des initiatives phares de cette ONG est le Smart Center de Debed, un centre éducatif moderne qui offre des programmes linguistiques, artistiques et technologiques aux enfants des villages environnants. En fleurissant à travers le pays, ces structures veulent permettre à la nouvelle génération d’Arméniens d’atteindre des sommets étincelants, comme leur illustre ancêtre Noé sur le mont Ararat.
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