« Les effets positifs de l’IA découleront des usages que les organisations en feront », prévient Salima Benhamou
INTERVIEW•Salima Benhamou, Economiste à France Stratégie, partage le résultat de ses recherches dédié à l’impact de l’IA sur la transformation de l’entreprise et la qualité du travailPeople at Work
Cette semaine de la Qualité de Vie au Travail est l’occasion de s’interroger sur la place de l’Intelligence Artificielle dans nos vies professionnelles. Bonne nouvelle, lorsque la machine est utilisée pour alléger les tâches quotidiennes des salariés, ces derniers se sentent reconnus et trouvent plus de sens et d’utilité dans leur travail. Quatre questions à Salima Benhamou, Économiste à France Stratégie, organisme de recherches sur les grands sujets sociaux, économiques et environnementaux.
Vous avez publié une grande étude dédiée, quelles conclusions en tirez-vous sur la qualité du travail, les métiers et les compétences face à l’IA ?
L’Intelligence Artificielle va transformer en profondeur notre manière de travailler et d’interagir avec les autres, en permettant, par exemple, de se débarrasser de tâches fastidieuses et répétitives et de donner plus de temps à la réalisation de jobs plus complexes. Elle peut aussi favoriser le travail en équipe, donner plus d’autonomie dans le travail, ce qui est favorable à l’apprentissage en continu, et donc à l’innovation. Mais ces effets positifs découleront avant tout des usages que les organisations feront avec cette technologie et des modalités de son déploiement. Attention, si le temps libéré par la machine n’est alloué qu’à la réalisation de tâches complexes, cela peut engendrer des risques d’épuisement cognitif.
Que faut-il faire pour préserver la qualité du travail avec l’IA ?
Il faut trouver le bon équilibre entre le temps libéré par la machine et le temps réservé aux pauses ou aux tâches qui permettent de soulager le cerveau. Il faut des organisations du travail qui favorisent le pouvoir « d’agir » et le développement des capacités d’apprentissage en continu, surtout dans un environnement qui évolue très vite. En fait, la question fondamentale à se poser selon moi est la suivante : quelle conception du travail souhaitons-nous promouvoir face à l’IA ? Cette question concerne tous les métiers. La technologie fera toujours ce qu’on lui demande et créera toujours ce qu’on lui demandera de créer. Le sens et la direction des impacts futurs découlent toujours des intentions humaines et des préférences individuelles ou collectives.
Pour vous, une entreprise plus proche des salariés est propice pour favoriser une « complémentarité responsable entre l’humain et la machine ». Pourquoi ?
Nous avons démontré, et ce quel que soit le secteur d’activité ou le niveau de qualification, que les caractéristiques organisationnelles et managériales de ce modèle augmentent les capacités d’apprentissage des salariés en continu, le développement des compétences, la confiance à l’égard du management et les relations de travail. Ce modèle améliore aussi les conditions de travail, diminue le stress, augmente la satisfaction au travail. Les salariés se sentent aussi mieux reconnus et trouvent plus de sens et d’utilité dans leur travail par rapport à ceux qui évoluent dans des organisations rigides, hiérarchisées, où la répartition des tâches est trop segmentée et qui offrent peu d’autonomie et d’opportunités d’apprentissage. Nous avons aussi montré que la France était en retard dans ce type d’organisation du travail. Il y a donc urgence à transformer les organisations pour tirer parti de l’IA.
Quelles seront, demain, les compétences les plus importantes ?
Avec l’IA, si on souhaite garder la main sur la machine, il faudra des individus capables de remettre en question l’expertise et les décisions de la machine en sachant les contextualiser, et à même d’en formuler d’autres. Faire preuve de jugement critique, comprendre un problème dans sa globalité et sa complexité, travailler en équipe
pluridisciplinaire nécessite d’avoir des compétences techniques et des softs skills, mais pas dans les mêmes proportions, et ce pour l’écrasante majorité des métiers.
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