Pourquoi est-on souvent allergique au pollen et à certains fruits ?

Pourquoi sommes-nous souvent allergiques en même temps au pollen et à certains fruits ?

ça gratteAlors que le printemps marque le retour des pollens, de nombreuses personnes allergiques aux pollens le sont aussi à certains fruits, comme la pomme
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • C’est le printemps, saison qui marque le retour des pollens, au grand dam des allergiques.
  • Et parmi les allergiques aux pollens, beaucoup sont aussi allergiques à certains fruits comme la pomme ou la noisette.
  • Il s’agit d’allergies croisées, qui sont très fréquentes.

Sortez les mouchoirs ! Alors que le printemps est enfin de retour et que la météo s’est radoucie, cette saison du renouveau de la nature marque aussi le retour des pollens, au grand dam des allergiques. Et parmi eux, beaucoup ont aussi la gorge qui gratte dès qu’il mange une pomme ou une poire. Un phénomène a plusieurs noms : le syndrome pollen-aliments, le syndrome d’allergie orale ou, plus souvent employé, les allergies croisées.

En clair, c’est lorsqu’une personne allergique à certains pollens de plantes développent en parallèle une allergie à un ou plusieurs aliments, en particulier des fruits. Mais pourquoi une personne allergique au pollen de bouleau a plus de risques d’être allergique à la pomme ? Ces allergies croisées sont-elles graves ? Et peut-on s’en débarrasser ?

Un allergène majeur commun

Mélanie, 34 ans, est allergique au pollen de bouleau. « C’est apparu au début de l’adolescence, vers 12 ou 13 ans. Et quelques années plus tard, au début de la vingtaine, j’ai remarqué que manger certains aliments provoquait chez moi des symptômes semblables à l’allergie : quand je mange une pomme, je ressens des picotements sur les lèvres et dans la gorge, et ça me gratte le palais. Et c’est pareil avec la poire ou encore les noisettes », décrit la jeune femme.

Et elle est loin d’être la seule dans ce cas. « Parmi les allergies croisées pollen-aliments, celle aux pollens de bouleau et aux pommes est la plus fréquente », confirme le Dr Madeleine Epstein, allergologue. Pourquoi ? « Un allergène est une protéine, répond-elle. Or, on retrouve dans le bouleau et la pomme une protéine très similaire, qui constitue, parmi d’autres, l’allergène majeur du bouleau. Une similarité qui s’explique : la structure protéique du pollen de bouleau est très proche des allergènes de la pomme, mais aussi de la noisette, développe l’allergologue. Le bouleau appartient aux Bétulacées, une famille d’arbres à laquelle appartient aussi le noisetier d’ailleurs ».

« C’est pénible »

Hélène, 52 ans, elle, a « la bouche en feu » dès qu’elle mange une tranche de melon. « Moi qui adore le melon charentais, dès que j’en mange, j’ai les lèvres qui me brûlent, ça me gratte le palais et le nez aussi, et j’ai la bouche qui gonfle un peu. C’est pénible. Je suis longtemps restée sans savoir à quoi cette réaction était due, puis une consultation chez l’allergologue a permis de voir que j’étais allergique au melon et au pollen d’ambroisie. Et apparemment, melon et ambroisie causent fréquemment des allergies croisées ».

Après le bouleau et la pomme, « on retrouve parmi les allergies croisées les graminées et le melon », ajoute le Dr Epstein. Ou encore le cyprès et la pêche, le bouleau et la poire et la pêche. Il arrive fréquemment que ces allergies croisées soient découvertes lorsque les patients consultent pour une allergie au pollen. L’occasion de mentionner les éventuelles réactions allergiques développées en consommant certains fruits. Même si de plus en plus d’allergologues le demandent, comme les allergies croisées sont fréquentes. « Des allergies croisées qui n’associent que du végétal, rappelle l’allergologue. On ne développe pas d’allergie croisée pollens-œuf par exemple ».

« Je ne peux plus croquer dans une pomme »

Le plus souvent, une allergie alimentaire liée à un pollen cause des symptômes bénins. « Les patients ont la bouche voire la langue qui enfle et ils peuvent avoir des petits raclements et démangeaisons dans la gorge, indique le Dr Epstein. J’ai vu quelques patients qui avec des symptômes extra-oraux, comme une conjonctivite ou le nez qui se bouche. Mais il est très rare que cela entraîne un œdème laryngé. En revanche, on observe depuis quelques années l’apparition de répercussions digestives, avec des douleurs au ventre après avoir mangé certains fruits ».

Heureusement, Mélanie n’a jamais eu de réaction respiratoire grave en mangeant une pomme ou une poire, « mais c’est suffisamment incommodant pour m’empêcher de consommer ces fruits crus, déplore la jeune femme. Je ne peux plus croquer dans une pomme. Quand j’en mange, c’est cuit au four ou en compote ». En effet, « quand les patients nous disent cela, cela confirme vraiment l’allergie croisée, indique le Dr Epstein. Le plus souvent, les allergènes du fruit sont thermosensibles : la cuisson dénature la protéine qui perd son allergénicité ».

Une fois l’allergie croisée identifiée, il existe des solutions pour pouvoir remanger les fruits en question. Mais pas n’importe comment. « Il faut être prudent, et passer par une prise en charge encadrée par un allergologue, qui peut proposer une réintroduction progressive de l’aliment en cause, détaille le Dr Epstein. On établit un protocole qui doit, chez les patients aux réactions les plus fortes, être réalisé à l’hôpital ». Un protocole qu’a suivi Mélanie, qui a redécouvert le plaisir de manger une pomme crue. « J’ai consulté parce que manger des pommes et des poires crues me manquait. J’ai commencé par un tout petit morceau, pour réhabituer mon corps. Et après plusieurs mois, j’ai enfin pu remanger mes fruits préférés sans avoir la gorge et le palais qui grattent. Je suis ravie ! »