Le DVD revient à la mode et pas que pour les vieux cinéphiles
Ringardos ?•Les jeunes redécouvrent les supports physiques qu’ils consomment sous diverses formes pour toutes sortes de raisons
Caroline Vié
L'essentiel
- «Être dans le vent, c’est avoir un destin de feuille morte », disait le poète. Vraiment ? Aujourd’hui, les tendances vont et (re) viennent à un rythme ahurissant.
- Pour s’y retrouver, 20 Minutes vous propose une série d’articles sur des retours de hype insolites et d’inattendues plongées dans le ringard.
- Aujourd’hui, nous essayons de comprendre pourquoi le DVD se refuse obstinément à mourir.
«C’est ringard le DVD ! déclare Timothée 16 ans. Pourquoi s’embêter (il utilise un terme scatologique plus imagé) avec des disques alors qu’on peut tout avoir sur les plateformes et en télécharg… » Là, on le coupe car on ne veut pas entendre parler de pratiques illégales qui spolient les créateurs. Alors, Timothée, laisse-nous t’expliquer pourquoi le support physique (DVD ou Blu-ray) ce n’est pas ringard. C’est même furieusement à la mode comme bon nombre de collectionneurs de tous âges en témoignent pour 20 Minutes.
Hélène, 34 ans, conseillère chez JM vidéo où on trouve plus de 50.000 titres, voit arriver une clientèle de toutes les tranches d’âge et de toutes les couches socio professionnelles dans ce vidéoclub parisien. La boutique existe depuis quarante-deux ans et propose également de la location et de la vente par correspondance disponible dans toute la France. « On assiste à un retour du vintage, dit-elle. Les clients apprécient le fait de choisir un film sans être influencé par les algorithmes des plateformes, de se laisser surprendre par une affiche ou un dos de jaquette, un peu comme si on était dans une librairie ». Ce rituel compte pour les fidèles au support physique, des cinéphiles qui prennent aussi plaisir à parler de cinéma avec Hélène ou d’autres clients.
Pour être entouré de culture
« Ce besoin de posséder vient aussi de mon passé, de mon éveil au cinéma qui s’est largement fait au moment des vidéoclubs où on touchait le film avant de le choisir et de l’emporter chez soi », confirme Mehdi Omaïs, créateur de contenus cinéphiles. Mehdi Omaïs possède environ 2.000 disques et continue d’en acheter. Il défend DVD et Blu-ray avec une passion communicative qui ne l’empêche ni d’être abonné aux plateformes ni de fréquenter assidûment les salles de cinéma.
« « Le DVD, le BLU-ray et tout support matériel plus généralement sont vitaux pour moi. D’abord parce que j’aime vivre entouré de culture et de création. Mais surtout parce que je ne veux pas être tributaire du bon vouloir des plateformes ou de chaînes de télévision quand j’ai envie de voir ou de revoir un film ». »
Pour partager sa passion
Mehdi Omaïs est à la tête d’une belle collection mais il est largement devancé par Gilles Gressard, dramaturge en activité et journaliste de cinéma retraité, avec ses 24.000 disques, répertoriés grâce à un logiciel. « Pour un cinéphile comme moi, le support physique a été une innovation merveilleuse, confie le septuagénaire. Et aujourd’hui encore, cela me donne la possibilité de conserver l’histoire du cinéma à portée de main sans avoir à me soucier de recevoir Internet dans la cave où j’ai installé ma salle de projection. »
Cet amoureux du 7e art partage sa collection sur grand écran avec ses proches. « Quand on me dit que le DVD est devenu ringard, cela me fait rigoler car c’est pour moi un moyen de continuer à transmettre ma cinéphilie. Ma nièce de 17 ans n’a pas trouvé "ringard" de venir découvrir dans des conditions de qualité exceptionnelles des classiques du cinéma dont elle avait besoin pour ses cours. »
Pour conserver des raretés
Que ce soit pour des histoires de droits d’auteur ou parce que les cinéastes les ont modifiées, certaines œuvres ne sont plus disponibles dans leur version d’origine voire plus accessibles du tout. « Le support physique, c’est génial !, insiste Jenny, 35 printemps. J’en ai découvert le potentiel grâce à mes parents qui possèdent une grosse collection d’environ 5.000 DVD et Blu-Ray. Pour ma part, je n’en achète pas mais je leur en emprunte souvent, surtout les raretés ». Elle évoque notamment La Guerre des étoiles que George Lucas a remaniée et qui n’existe plus que dans sa nouvelle version Un nouvel espoir quand on désire se le procurer.
Malik, 22 ans, s’est fait une belle collection de DVD d’horreur et de science-fiction : « Je suis ce qu’on appelle un "public de niche". Beaucoup de films ne sont pas trouvables en France. Je les achète donc à l’étranger pour pouvoir les regarder avec mes potes. On partage les frais car c’est un peu cher mais on s’éclate bien ».
Pour l’amour de la collection
Les professionnels ne sont pas les seuls à aimer les DVD. « On peut dire que je suis atteinte de collectionnite, déclare Lara, 29 ans. DVD et Blu-ray font partie de ma folie douce qui inclut aussi figurines et photos. Mon entourage se moque parfois de moi mais quand je leur sors d’un seul coup d’un seul le film qu’ils ont envie de voir, ils reconnaissent que ma collection n’est pas que le fait d’une maniaque accrochée au passé : elle rend service. » Elle est fière de la bibliothèque où ses 3.508 disques sont soigneusement rangés par ordre alphabétique.
« Les invités la regardent avec la même curiosité admirative que celle qu’ils réservent à mes figurines Harry Potter ou mes poupées Disney, insiste Laura. C’est un plaisir de leur montrer mes possessions et mon conjoint est très compréhensif même s’il trouve que tout cela prend beaucoup de place… »
Pour se faire des potes (mais pas que)
Et si « Viens voir mes DVD » était le nouveau « Viens voir mes estampes japonaises » ? Franck, 25 ans, étudiant en cinéma, attire ses conquêtes potentielles dans son studio en leur parlant de ses 200 disques classés par réalisateur. « C’est un bon moyen de briser la glace, confie-t-il. Ça ne me permet pas toujours de conclure mais cela m’a donné l’occasion de forger des amitiés avec des fans de cinéma, passionnés comme moi ».
Franck a aussi une autre raison, plus sérieuse, d’être attaché au support physique. « On regarde aussi les bonus très utiles pour les étudiants. Maintenant même ma famille apprécie d’en apprendre davantage sur le cinéma. C’est cool pour tout le monde ! » Le travail des éditeurs qui réunissent interviews ou commentaires des équipes et des analyses de critiques ou historiens du cinéma renforce l’attractivité du DVD.
Pour consommer autrement
Certes, les DVD peuvent paraître encombrants mais les louer constitue une bonne solution. « On voit de plus en plus de jeunes dans les rayons de JM Vidéo, précise Hélène. Je ne crois que ce seulement en raison de nos tarifs étudiants. Les jeunes se soucient de l’environnement pour lequel la location est une excellente alternative. » Et quid du téléchargement dont parlait Timothée au début de cet article ? « Les cinéphiles en reviennent pour des raisons éthiques mais aussi parce qu’ils ne trouvent pas certains titres. Le fait de pouvoir se faire conseiller a également son importance », insiste Hélène. Le retour des vidéoclubs, qu’on croyait morts, n’est peut-être pas si lointain.
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