Le prénom Dylan peut-il faire un retour d’outre-90' ?
RINGardos ?•En France, le prénom Dylan reste un marqueur social négatif
Benjamin Chapon
L'essentiel
- «Être dans le vent, c’est avoir un destin de feuille morte », disait le poète. Vraiment ? Aujourd’hui, les tendances vont et (re)viennent à un rythme ahurissant.
- Pour s’y retrouver, 20 Minutes vous propose une série d’articles sur des retours de hype insolites et de plongées inattendues dans le ringard.
- Aujourd’hui, nous observons l’étonnant retour de hype du prénom Dylan.
«Bonjour, Dylan Juin*, chargé de clientèle, que puis-je pour vous ? » Ben, changer de prénom déjà. La vie n’est pas facile pour les Dylan. Si le prénom a connu un boum éphémère au début des années 1990, il reste aujourd’hui cruellement marqué. « Apolline a une mention au bac, pas Dylan », écrivait ainsi Baptiste Coulmont, sociologue spécialiste des prénoms, dans une étude de 2014 qui démontrait le classisme – ou racisme social – à l’œuvre contre les Dylan, Kevin, et autres Jennifer… Les prénoms issus des séries américaines des années 1990 sont des marqueurs sociaux très identifiés, et comme les fils et filles de parents de classes populaires ont moins de chance de réussite dans leurs études que ceux des classes supérieures, Dylan s’en sort tout juste au rattrapage…
« A l’école, tout allait bien, témoigne Dylan Juin. Dans mon équipe de foot au collège, on était deux Dylan. J’avais plus de blagues sur mon nom de famille. Mais arrivé en école de commerce, j’ai senti le mépris de classe qui se cristallisait autour de mon prénom. »
Le monopole du bon goût selon les Jean-Michel Grosbourge
Outre les résultats au bac, des études ont montré que les Dylan avaient beaucoup moins de chance, à CV identique, de décrocher un emploi que les Arthur. Après le décès de Luke Perry, interprète immortel du Dylan de Beverly Hills, le quotidien La Voix du Nord avait écrit un article sur le « bond » des prénoms Dylan au milieu des années 1990, notamment dans le Nord et le Pas-de-Calais, avec le succès de la série. Sur les réseaux sociaux du quotidien avaient alors plu moqueries et quolibets contre les Dylan qui se taguaient benoîtement.
« Longtemps, les prénoms naissaient dans les classes sociales supérieures et étaient ensuite adoptés par les classes populaires, raconte Baptiste Coulmont. Et puis, notamment avec l’arrivée des prénoms anglo-saxons, il y a eu une autonomisation culturelle des classes populaires qui se sont mises à donner leurs propres prénoms. Et cette autonomie de choix a été assez mal supportée par une bourgeoisie convaincue d’avoir le monopole du bon goût. La blague sur les Kevin, les Dylan ou les Jennifer, qui dénote d’un vrai racisme social, est très commune dans certains milieux convaincus de mieux savoir quels prénoms sont beaux ou non… »
La légende de Dylan
« Les gens que je rencontre sont souvent persuadés que je m’appelle comme ça à cause du Dylan de Beverly Hills, raconte Dylan Robert*, libraire de 40 ans. Mais pas du tout ! En fait mes parents se sont rencontrés à un concert de Bob Dylan. Je sens bien les jugements et les a priori. Comme je suis libraire parisien, passionné de jazz et un peu précieux, voir snob, les gens sont un peu perdus, ils s’imaginent que je viens d’un milieu populaire… Mais quand je raconte l’histoire de mon prénom, ils sont soulagés ! »
L’histoire du prénom, c’est l’autre tendance qui vient plonger les Dylan dans la ringardise. « Aujourd’hui, il y a une grande diversité des prénoms, et chacun doit avoir sa petite légende, son anecdote, rigole Marilyne, assistante maternelle depuis vingt ans. Il y a une course à l’originalité. » Baptiste Coulmont abonde : « Au fur et à mesure du XXe puis du XXIe siècle, il y a aussi eu une grande diversification des prénoms. Au début du XXe siècle, une fille sur cinq s’appelait Marie. Aujourd’hui, Louise, le prénom féminin le plus donné, n’est porté que par une petite fille sur 150. » Alors les pauvres Dylan souffrent d’un complexe de non-originalité, fatalement.
La revanche de Dylan
Pourtant, à l’ouest, se lève peut-être une nouvelle ère pour les Dylan. Dans son pays d’origine, les Etats-Unis, le prénom Dylan connaît un regain de popularité considérable. Une récente étude affirme même que Dylan – qui a toujours été un prénom populaire – sera le prénom le plus donné en 2024… Dylan surfe ainsi sur une tendance de fond aux Etats-Unis : la mode des prénoms mixtes. 17 % des bébés nés en 2023 en ont reçu un. C’est deux fois plus qu’en 2003. Et la tendance s’accélère…
Si les observateurs ne sont pas d’accord sur le pourquoi de cette tendance aux prénoms mixtes, ils notent qu’elle touche toutes les couches de la société américaine et concerne surtout les prénoms donnés en majorité à des garçons. Ainsi, les Dylan sont, à 83 % des hommes aux Etats-Unis. Mais de plus en plus de petites filles ont désormais ce prénom. Ce qui tend à le rendre de plus en plus cool, selon les principales intéressées.
Particulièrement poreuse aux tendances sociétales venues des Etats-Unis, la France pourrait très bien succomber à la nouvelle mode des Dylan. Ce qui constituerait une belle revanche… A moins que ce ne soit les prénoms mixtes bien de chez nous qui connaissent un retour de hype, pour une nouvelle génération de Dominique, Claude et Yannick…
* Les noms de famille ont été changés