Contraception : Une pilule pour homme sans hormones, et si c’était pour bientôt ?
Pilule•Des chercheurs américains ont mis au point un composé prometteur qui pourrait, à terme, permettre d’élaborer une contraception masculine efficace, réversible et sans hormones
Anissa Boumediene
L'essentiel
- Une équipe de chercheurs américains pourrait avoir trouvé la solution pour mettre au point une contraception masculine efficace et sans hormone.
- Ils ont élaboré un composé qui affecte la mobilité des spermatozoïdes, permettant une action contraceptive.
- A terme, cela pourrait ouvrir la voie à une contraception masculine efficace, sûre et réversible.
C’est un vieux serpent de mer. Un espoir maintes fois déçu. Après de nombreuses tentatives, la pilule pour homme n’existe toujours pas à ce jour. Laissant au sein des couples hétérosexuels la charge contraceptive reposer quasi exclusivement sur les femmes, nombreuses à se demander si la pilule pour hommes arrivera enfin un jour. Eh bien ce jour pourrait être plus proche qu’on ne le croit !
Selon une étude publiée il y a quelques jours dans la revue scientifique Science, une équipe de chercheurs du Baylor College of Medicine aux Etats-Unis pourrait avoir trouvé l’élément clé pour mettre au point un contraceptif masculin efficace. Avantage de leur découverte : il s’agirait d’un contraceptif sûr, réversible et surtout, sans hormone. Et si bientôt, c’étaient ces messieurs qui supportaient la charge contraceptive dans le couple ?
Cibler la mobilité des spermatozoïdes, sans hormones
Pour mener leurs travaux, les scientifiques de Baylor ont étudié sur des souris une nouvelle approche non hormonale spécifique du sperme. « Bien que les chercheurs aient étudié plusieurs stratégies pour développer des contraceptifs masculins, nous n’avons toujours pas de pilule contraceptive pour les hommes, a déclaré l’un des auteurs de l’étude, le Dr Martin Matzuk, directeur du Center for Drug Discovery et président du Département de pathologie et d’immunologie de Baylor. Dans cette étude, nous nous sommes concentrés sur une nouvelle approche : l’identification d’une petite molécule qui inhiberait la sérine/thréonine kinase 33 (STK33), une protéine spécifiquement nécessaire à la fertilité chez les hommes et les souris ».
Et si l’équipe de chercheurs a ciblé cette protéine, c’est parce que de précédentes études scientifiques ont montré que la STK33 est, chez l’homme comme chez la souris, spécifiquement nécessaire à la formation de spermatozoïdes fonctionnels. En inactivant ce gène STK33 chez le rongeur, les scientifiques ont observé que cela rendait les souris mâles stériles en raison de spermatozoïdes anormaux et dotés d’une faible motilité.
Chez les hommes, il est démontré qu’une mutation du même gène STK33 entraîne les mêmes défauts de motilité des spermatozoïdes, une anomalie appelée asthénozoospermie, liée à l’infertilité masculine. « Le STK33 est donc considéré comme une cible viable avec des problèmes de sécurité minimes pour la contraception chez les hommes », se réjouit le Dr Matzuk.
Elaborer une contraception réversible
En plus de ne pas recourir aux hormones, l’autre avantage de cette découverte, c’est qu’elle ouvrirait la voie à une contraception réversible. A condition de trouver le moyen pratique de cibler ce gène chez l’homme, pour élaborer un contraceptif efficace et sûr.
« Des inhibiteurs de STK33 ont été décrits, mais aucun n’est spécifique à STK33 ou n’est assez puissant pour perturber chimiquement la fonction de STK33 dans les organismes vivants », a rappelé le coauteur de l’étude. Son équipe a ainsi « utilisé la technologie de chimie codée par l’ADN », a détaillé le Dr Angela Ku, la première auteure de l’étude et scientifique au sein du laboratoire du Dr Matzuk.
Les chercheurs ont ainsi découvert de puissants inhibiteurs spécifiques de STK33, à partir desquels ils ont réussi à générer des versions modifiées pour les rendre plus stables, puissants et sélectifs. « Parmi ces versions modifiées, le composé CDD-2807 s’est avéré le plus efficace », a déclaré le Dr Ku. Un composé testé avec succès sur une douzaine de souris mâles durant vingt et un jours. Résultat : à faible dose, le composé CDD-2807 a traversé efficacement la barrière hématotesticulaire [une barrière sanguine étanche qui protège les cellules qui produisent les spermatozoïdes] et réduit la motilité et le nombre de spermatozoïdes ainsi que la fertilité des souris.
« Nous avons été ravis de constater que les souris ne présentaient aucun signe de toxicité lié au traitement au CDD-2807, que le composé ne s’accumulait pas dans le cerveau et n’altérait pas la taille des testicules », s’est félicitée le Dr Courtney Michelle Sutton, coautrice de l’étude. De plus, « il est important de noter que l’effet contraceptif était réversible, a-t-elle souligné. Après une période sans traitement, les souris ont retrouvé la motilité et le nombre de spermatozoïdes et étaient à nouveau fertiles ».
Pour l’heure, il ne s’agit toutefois que de travaux préliminaires, et l’étape des essais cliniques sur l’homme et encore très loin. « Au cours des prochaines années, notre objectif est d’évaluer davantage cet inhibiteur STK33 et des composés similaires au CDD-2807 chez les primates, a précisé le Dr Matzuk, afin de déterminer leur efficacité en tant que contraceptifs masculins réversibles ».
Des tentatives et des réticences
Ce n’est pas la première fois que les scientifiques tentent de mettre au point une contraception masculine. En 2016, l’essai a même failli être transformé. Une équipe de chercheurs de l’université d’Edimbourg en Ecosse avait mené des essais sur un échantillon de 320 hommes, et obtenu des résultats très prometteurs avec leur pilule contraceptive masculine, à base de progestérone, qui avait affiché une efficacité de 96 %, similaire à la contraception hormonale féminine.
Problème, une partie des participants avait préféré abandonner l’étude en raison d’effets secondaires jugés indésirables : acné, douleurs, sensation de panique, dysfonctionnements érectiles, palpitations et hypertension avaient alors été rapportées par certains d’entre eux. Des effets pourtant majoritairement relatés par les femmes sous pilule.
Pour l’heure, les méthodes de contraception masculine efficaces sont la vasectomie qui, bien qu’elle soit réversible dans certains cas, doit être considérée comme définitive, et le port du préservatif. La méthode du retrait, plébiscitée par de nombreux hommes, n’est en revanche pas efficace pour prévenir les grossesses non désirées. Et ne protège évidemment pas des infections sexuellement transmissibles.
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