Maternité : Si t’as pas ton épisode de « Bliss », t’as raté ta carrière de maman influenceuse ?
podcast•En l’espace de six ans, « Bliss », le podcast de Clémentine Galey, est devenu un tel phénomène que beaucoup « d’Instamum » veulent y déposer leurs histoires de maternitéLaure Beaudonnet, Clio Weickert
L'essentiel
- Créé en 2018 par Clémentine Galey, « Bliss » est un podcast autour de la « maternité sans filtre ».
- Cumulant plus de 70 millions d’écoutes en six ans, il est devenu un tel phénomène que beaucoup d’influenceuses veulent y participer.
- « Mon podcast offre une autre façon de communiquer sur soi, c’est moins mégalo parce que, a priori, c’est moi qui suis venue les chercher », explique Clémentine Galey à 20 Minutes.
«Devinez où je vais ? », interroge une influenceuse sur Instagram en commentaire d’une photo d’un train en direction de Paris. « On vous prépare une surprise », écrit une autre, en légende d’un selfie avec Clémentine Galey, la célèbre « maman » de « Bliss » (béatitude, en anglais). Les stories pour teaser son passage au micro de ce podcast aux plus de 70 millions d’écoutes cumulées depuis 2018, sont courantes chez les « Instamums » (comprendre, influenceuses Instagram spécialisées dans la maternité).
Derrière ce blockbuster radiophonique : Clémentine Galey, mère de deux enfants qui a quitté sa carrière à la télévision pour se consacrer entièrement à son podcast, devenu une bibliothèque collaborative puissante sur la maternité.
Au fil des années, le rouleau compresseur « Bliss Stories » a installé sa marque. Il est devenu un spectacle, un film sur grand écran – accessible à partir de ce vendredi en VOD sur son site –, un festival… Plus rien n’arrête le podcast de Clémentine Galey, au point de crouler sous les demandes. A croire qu’une Instamum est à la ramasse si elle n’a pas son épisode.
« Elles veulent toutes avoir leur épisode de "Bliss" »
« Je réponds à un dixième des demandes d’influenceuses. Elles veulent toutes avoir leur épisode de "Bliss" », observe Clémentine Galey. Ce lien avec le monde de l’influence, elle le tisse depuis les débuts, en alternant des témoignages entre des « Instamums et des girls next door » (des Madames Tout-le-Monde). « Très naturellement, je suis allée vers les filles que je suivais moi-même, qui parlaient de maternité et de parentalité de manière un peu différente. J’aime bien la fantaisie, les engagements et les femmes avec de la trempe », dit-elle.
Des « mumpreneuses » (mamans et entrepreneuses) influentes sur les réseaux sociaux, à l’image d’Alison Cavaillé-Jouannet, « cloudiies » sur Insta. Fondatrice de Tajinebanane, une marque de vêtements pour allaitement, elle a témoigné au micro de « Bliss » en 2020. « Au-delà d’être une meuf avec un fort tempérament, elle a un vrai parcours de mère de famille recomposée et sa marque a fait avancer la société sur la représentation des mères allaitantes. Son histoire d’entrepreneuriat est intrinsèquement liée à sa maternité », explique Clémentine Galey.
De même, l’histoire d’Astrid Puig a tapé dans l’œil de la star du podcast. Influenceuse lifestyle et mariée à un skateboarder professionnel, elle a été contactée par les équipes de « Bliss » dans le cadre d’un partenariat avec une célèbre marque de poussettes. La jeune mère a longuement hésité à parler au micro de Clémentine Galey. « Je ne me voyais pas raconter tout un épisode sur mon IMG (interruption médicale de grossesse), mais l’épisode était tourné vers les voyages et j’étais motivée à l’idée de montrer qu’on peut faire des choses avec des enfants, même s’il faut évidemment des moyens », explique-t-elle.
« C’est un levier des deux côtés »
Son épisode lui a donné une énorme visibilité. « Après la diffusion, j’ai pris plus de 2.000 followers en l’espace de deux jours. A mon échelle, c’est énorme », souligne Astrid Puig. Grâce à « Bliss », elle a passé le cap des 10.000 abonnés, ce qui lui a permis de développer de nouveaux partenariats. « C’est un levier des deux côtés. Un levier pour « Bliss », d’attirer une certaine population, en interviewant des célébrités ou des influenceuses très connues. Pas forcément avec moi, parce que je n’avais pas beaucoup de followers », sourit-elle.
A l’inverse, Kenza El Glaoui, puissante blogueuse et influenceuse lifestyle, ne pense pas avoir contribué à faire gonfler la communauté du podcast avec ses plus de 200.000 followers. « En 2020, Clémentine Galey n’avait pas besoin de moi. Mon témoignage lui plaisait. Je venais d’accoucher. Pour la petite histoire, j’ai perdu ma mère et dans la foulée je suis tombée enceinte. Je parlais souvent de ma maternité sur les réseaux sociaux », confie-t-elle. Elle ajoute : « Je pense véritablement qu’on est toutes logées à la même enseigne à partir du moment où on passe derrière son micro. »
Clémentine Galey confirme. La question des followers n’est plus un sujet pour elle. « Limite, moins il y en a, mieux je me porte. Même si Instagram a été – et est toujours —, un outil formidable pour faire rayonner tous ces épisodes, aujourd’hui, quand j’interviewe une influenceuse, la communauté Bliss dit : "Ah, encore une influenceuse, nous on préfère les anonymes" », s’étonne-t-elle. Comme si la légitimité des Instamums posait question. « Les influenceuses ont tellement pris de place que ça fatigue un peu les gens, analyse-t-elle. Finalement, on aimerait juste écouter des meufs normales, l’histoire de notre voisine de palier qu’on croise tous les jours mais dont on ne soupçonne pas le vécu… L’empathie est maximale, bien plus qu’envers les influenceuses. »
« Des femmes comme les autres »
Clémentine Galey ne compte pas pour autant arrêter de leur ouvrir son micro. Pour elle, elles ont toute leur place dans son podcast. « Je trouve ça génial que toutes ces femmes prennent le pouvoir sur leur maternité, arrivent à monter des boîtes et élever leurs enfants. Pour moi c’est le résultat d’une formidable évolution », estime-t-elle. Et le format audio les force à plus d’authenticité.
« On peut aller au fond des choses. On a le temps de rentrer dans certains détails, abonde Astrid Puig. Instagram reste un média où le temps d’attention sur chaque post est restreint ». « Quand tu parles de toi sur Instagram, c’est ta vitrine personnelle, tu y racontes ce que tu veux y raconter, tout est minutieusement sélectionné, note Clémentine Galey. Mon podcast offre une autre façon de communiquer sur soi, c’est moins mégalo parce qu’a priori c’est moi qui suis venue les chercher. »
La puissance du micro de « Bliss », c’est de donner la même place à toutes les paroles sur la maternité. Star ou anonyme, « créatrice de contenus ou pas, on est juste des femmes comme les autres dans ces moments-là. Des femmes qui portons la vie avec les mêmes anxiétés, ça remet un peu tout à l’endroit, conclut Kenza El Glaoui. Peut-être que ma fille écoutera et elle en saura plus sur mes ressentis à cette époque. »