Couche-tardPourquoi Alain Chabat peut réconcilier la France avec les « late shows »

Pourquoi Alain Chabat peut réconcilier la France avec les « late shows »

Couche-tardTF1 tentera à nouveau d’intégrer un Late Show sur sa grille en novembre. On vous explique en quoi confier les manettes de ce programme à Alain Chabat pourrait conjurer le sort après plusieurs échecs de la chaîne.
Maxime Fettweis

Maxime Fettweis

L'essentiel

  • TF1 lancera son nouveau late show, Le Late avec Alain Chabat, durant la Coupe du monde de football au Qatar.
  • Ce format qui cartonne Etats-Unis n’est jamais parvenu à faire sa place en France. Mais la personnalité de celui qui en tirera les ficelles pourrait bien permettre à cette énième tentative de tirer son épingle du jeu.
  • Alain Chabat a « de nombreuses qualités pour se mettre dans le costume de l’animateur d’un late show à l’américaine sans en trahir l’esprit », estime Marie-France Chambat-Houillon, observatrice des médias.

Usine à cassage de dents pour la télé française, un nouveau « late show » fera prochainement son apparition sur TF1. Ce format inédit, qui cartonne aux États-Unis depuis des décennies, sera programmé tous les jours à partir de 23h. La chaîne a déjà commandé dix épisodes qui seront diffusés durant la Coupe du monde de football au Qatar, soit du 21 novembre au 2 décembre, a-t-on appris dans l’émission C Médiatique sur France 5. Pour le reste, TF1 reste évasif, assurant que plus d’informations seront égrainées une fois la date du programme « annoncée officiellement ».

Annoncée dans une bande-annonce publiée sur les réseaux sociaux, cette énième tentative de s’emparer de la case de la toute fin de soirée sera menée par le comédien Alain Chabat. Comédien… mais aussi trublion, auteur, réalisateur, humoriste, animateur, difficile de poser une seule étiquette sur cet homme multifacette.


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Mais c’est bien lui qui pourrait rabibocher le public français, qui n’a jamais accroché avec ce format, malgré les nombreux essais des chaînes françaises au cours des dernières années. 20 Minutes vous explique pourquoi Alain Chabat est peut-être la personne qui permettra à la télévision française de conjurer le sort.

Une usine à échec en France

Jimmy Fallon, James Corden, Stephen Colbert, Jay Leno, Conan O’Brien, Seth Meyers, Jon Stewart, Trevor Noah ou encore Jimmy Kimmel, affublés d’un costume cravates sur des plateaux plutôt banals, ils sont depuis des années les visages des émissions diffusées aux dernières cases de la journée sur les petits écrans américains. Véritables institutions, ces émissions mettent en scène des invités de prestige emballés dans des répliques tordantes dans de véritables shows agrémentés de sketchs qui accumulent les « likes » sur Internet.

En France, la liste des animateurs s’étant frotté à l’exercice et dont le concept a fini au cimetière des émissions stoppées en plein vol, faute de succès, est longue. Arthur s’est par deux fois frotté à ce type d’échec avec L’émission impossible en 1992 puis Ce soir avec Arthur près de vingt ans plus tard. C’est aussi le cas de Jean-Pierre Foucault avec l’éphémère On vous aura prévenu. Mais TF1 n’est pas seul à ne pas être parvenu à imposer un rendez-vous aussi pérenne que les modèles américains. Paris Première a tenté le coup avec Tôt ou tard (2010), mené par Pierre Lescure, Canal + a misé sur Cyril Hanouna avec le Hanounight Show (2016). Même résultat pour le service public et son Bellatar Show sur les épaules de l’humoriste Yassine Bellatar et diffusé sur France 4. C’est finalement La nuit nous appartient de Mustafa El Atrassi sur NRJ12 qui remportera le plus grand succès avant de disparaître dans la plus grande indifférence après trois saisons.

Ces antécédents ne semblent pas pour autant mettre un stop aux ambitions des chaînes qui multiplient les essais manqués. « En ce moment, la télévision vit une période difficile pour plein de raison alors il ne faut pas s’endormir, l’époque est à la prise de risque », commente Virginie Spies, sémiologue des médias diffusant notamment ses analyses sur TikTok.

« Un art à part entière »

Laissée libre par les échecs à répétition des late show à la française, la case reste toujours à prendre, et les succès outre-Atlantique donnent l’appétit aux chaînes. « C’est un moment-clé de la grilles des programmes des grands network américains et c’est vrai que la télévision française a toujours couru après ce succès », confirme Marie-France Chambat-Houillon, professeure à l’Université Paris-Panthéon Assas et membre membre du Centre d’Analyse et de Recherche Interdisciplinaire sur les Médias (CARISM). Selon elle, le succès américain réside dans l’incarnation de ces émissions. « Le succès aux États-Unis vient du traitement satyrique et humoristique de sujets politiques, dans la tradition du stand up américain, que ces émissions proposent. Le talk show américain est un art à part entière », tranche-t-elle.

Aucun animateur choisi en France n’est parvenu à s’imposer dans ce style, privilégiant généralement un format basé sur le commentaire d’actualité humoristique sur base d’une revue de presse.

Un profil « pluriel »

Si on connaît peu de choses de la version du late show que s’apprête à proposer Alain Chabat, sa seule présence promet déjà quelque chose de plus en phase avec ce qui fait le succès de ce type de programme aux Etats-Unis. « Alain Chabat est un créatif, ce n’est pas un animateur comme Arthur ou Jean-Pierre Foucault », abonde Virginie Spies. « Il a de l’humour et est très pluriel, il a de nombreuses qualités pour se mettre dans le costume de l’animateur d’un late show à l’américaine sans en trahir l’esprit. » D’autant que l’homme de 63 ans est aussi comédien et réalisateur après avoir connu le succès parmi Les Nuls, sur Canal+.

Le talent d’auteur d’Alain Chabat sera aussi un atout indéniable dans le programme dont il s’apprête à tracer les contours. Car le ressort humoristique des late shows américains réside dans une écriture minutieuse dans laquelle s’immisce quelques passages improvisés, notamment avec les invités. « C’est vraiment un travail d’auteur scénaristique », ajoute encore la sémiologue.

Un succès intergénérationnel

En posant une pièce sur Chabat, TF1 veut aussi offrir un visage rassembleur à son programme. Il a déjà fait ses armes dans le groupe aux manettes du Burger Quiz, revenu en 2018 sur TMC après avoir été lancé en 2001 sur Canal. La chaîne connaît donc sa façon de travailler.

Mais le succès des Nuls à l’époque pourra aussi attirer les téléspectateurs nostalgiques de la télévision du début des années 90. On sait aussi qu’Alain Chabat connaît un succès grandissant parmi les nouvelles générations, en témoigne son apparition récente et surtout très commentée lors de l’édition 2022 du ZEvent.

Il peut donc être le trait d’union entre différentes générations de téléspectateurs. « C’est quelqu’un qui rassemble énormément et TF1 a besoin de rassembler pour s’assurer le succès », ajoute Virginie Spies.

Un humour « à la française »

Potache, irrévérenscieux, le premier teaser du Late avec Alain Chabat laisse transparaître ce qu’est l’humour du comédien. Marie-France Chambat-Houillon indique toutefois que l’émission ne sera un succès que s’il peut « déployer toutes ses capacités humoristiques ». « S’il s’agit de miser sur Alain Chabat, il ne faut pas le brimer », tranche-t-elle. Mais elle croît en la personnalité de celui qui a été choisi et estime que « jusqu’à maintenant, peut-être que le late show n’a pas fonctionné en France car la télévision française n’a pas trouvé la personne pour l’incarner ».

Alain Chabat avait d’ailleurs déjà exprimé son amour du format dans une interview accordée à GQ en 2020. « J’adore l’idée du clown blanc et de ce lieu très chic où l’on reçoit des gens très glam’, où rien ne dépasse mais où tout peut déborder d’un instant à l’autre comme chez Conan O’Brien, Jimmy Kimmel ou Jon Stewart », décrivait-il alors.

TF1 va devoir jouer un jeu déquilibriste et tenter de ne pas tomber dans l’écueil d’un vulgaire copier/collé du late show américain sans tenir compte de la culture française. « Si on veut un late show à l’américaine, autant diffuser ce qui se fait de mieux là-bas avec du sous-titrage », estime Virginie Spies. Car l’humour en France est différent, la culture populaire aussi. La sémiologue estime que le succès d’une telle émission reposera sur « un savant dosage entre une adaptation et quelque chose d’inédit qui saura jouer avec une certaine forme d’ironie propre à l’humour français, qu’on a notamment connue dans les Guignols ».

D’autant qu’aborder l’actualité avec humour est par essence clivant. Il faudra aussi qu’Alain Chabat puisse avoir le temps nécessaire pour installer son format et que le public s’y familiarise.

Une diffusion stratégique

Tant dans la bande annonce que dans la période choisie pour le lancement du Late avec Alain Chabat, TF1 met les petits plats dans les grands pour s’assurer le succès. « Le teaser qui est une parodie de la scène du stylo de Charles III fonctionne comme un échantillon de ce que l’émission devra être », observe Marie-France Chambat-Houillon. Et les dizaines de milliers de likes accumulés sur les réseaux sociaux par la capsule vidéo prouvent qu’elle a su générer l’attente pour le public.

Le début de la diffusion coïncidant avec les premiers matches de la Coupe du monde laisse aussi entendre que la chaîne veut se donner les moyen de faire percer son programme. « L’antenne va être cassée », indique Virginie Spies qui voit en cette période une « occasion en or de lancer quelque chose ». Cet agenda promet à la filiale du groupe Bouygues d’attirer les fans du ballon rond, déjà devant leur écran.

Car imposer un late show au public français est un peu comme une séance de tir au but décisive, ça passe ou ça casse. Reste à savoir si Alain Chabat sera bel et bien l’homme du match.