INTERVIEW«Le secret de la longévité du 13h, c’est de savoir ne jamais rien changer»

VIDEO. Trente ans du JT de Jean-Pierre Pernaut: «Le secret de la longévité du "13 heures", c’est de savoir ne jamais rien changer»

INTERVIEWLa sémiologue et spécialiste des médias Catherine Roberti a analysé le succès et la longévité du journal télé de Jean-Pierre Pernaut sur TF1…
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

Trente ans. Ça fait 30 ans que Jean-Pierre Pernaut présente la « petite messe » de l’info, tous les jours de la semaine sur TF1 à 13h. Arrivé sur TF1 dès la création de la chaîne en 1975, le journaliste prend les rênes du 13 heures le 22 février 1988, en remplaçant discret du mythique duo formé alors par Yves Mourousi et Marie-Laure Augry.

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Depuis le succès ne s’est jamais démenti (5 millions de téléspectateurs en moyenne), à tel point que chacun cherche à en comprendre les raisons. Ce qui amuse beaucoup Jean-Pierre Pernaut… En 2002, la philosophe Catherine Clément analyse ce succès dans un rapport sur la place de la culture à la télévision, et définit la spécificité du 13 heures de TF1 par son « exploration systématique du matériel français. »

Catherine Roberti, sémiologue et spécialiste des médias à l’Université de Louvain, a repris une partie de ce travail et analysé les particularités du 13 heures de Jean-Pierre Pernaut.

Qu’est-ce que fait la longévité de Jean-Pierre Pernaut au 13 heures ?

Sa longévité. Oui, c’est un peu absurde comme réponse mais la force de l’habitude est très puissante à la télévision, surtout pour des rendez-vous institutionnels comme les JT. Les téléspectateurs réclament l’absence de changement. Le secret de la longévité de ce JT, c’est de savoir ne jamais rien changer

Le 13 heures de TF1 est-il conservateur ?

Dans la forme, infiniment. Et c’est précisément ce qui plaît. Dans un monde et une époque où le mode de consommation des informations a été bouleversé, le 13 heures de TF1 est une balise. Les téléspectateurs ont le sentiment de pouvoir se concentrer sur le fond justement parce que la forme leur est familière.

Cette continuité passe surtout par la figure de Jean-Pierre Pernaut ?

Oui mais pas seulement. La forme de ce JT est immuable à un point qu’on ne soupçonne pas. La durée et la construction des sujets sont absolument invariables. Le ton également, et même le vocabulaire. J’ai étudié 27 journaux télévisés francophones et celui de Jean-Pierre Pernaut est celui qui utilise le moins de mots différents.

C’est plutôt un signe de médiocrité non ?

Absolument pas. Les journalistes de ce 13 heures arrivent à dire beaucoup de choses dans un cadre extrêmement contraint.

On raille souvent l’obsession de Jean-Pierre Pernaut pour les spécialités locales ou les artisanats d’antan…

Ça plaît. Il n’y a rien de plus à dire. Cela équilibre d’une certaine manière le traitement des sujets plus anxiogènes. Si on regarde, par exemple, le 20 heures de France 2, il y a aussi beaucoup de sujets dits « marronniers », pas très intéressants mais qui sont, pour les téléspectateurs, des points de repère, des habitudes.

Jean-Pierre Pernaut laisse parfois transparaître son opinion personnelle, plutôt conservatrice…

Ou carrément réactionnaire ! Oui, c’est vrai et ce n’est pas un frein à son succès. Cela ne signifie pas que ses téléspectateurs partagent ses vues. Mais il a été démontré que les consommateurs d’informations adhèrent plus facilement à un journal télévisé si le présentateur ou la présentatrice apparaît comme quelqu’un de clivant. Ça peut sembler paradoxal mais une incarnation qui se veut neutre de l’information est perçue comme suspecte. Alors que quand Jean-Pierre Pernaut présente, par exemple, une actualité sociale sur une grève ou une loi contestée par certains, les téléspectateurs se disent : « Si lui me présente cette information, c’est qu’elle doit être valable. »

À 68 ans, pensez-vous que Jean-Pierre Pernaut puisse rester encore dix ans à la présentation du 13 heures ?

C’est très difficile à dire, j’imagine que cela dépendra de son envie, de sa santé, de la direction de la chaîne… En revanche, du point de vue de la perception des téléspectateurs, cela ne poserait aucun problème d’avoir un homme de plus de 70 ans à la présentation d’un JT. Le jeunisme est un fantasme. Les téléspectateurs aiment penser qu’ils se lassent des têtes connues mais c’est faux. Ils se mentent.

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