CONFLITRécit de deux ans d'une présidence mouvementée à France Télé

Crise à France Télévisions: Deux ans d'une présidence mouvementée

CONFLITUne fois encore, la colère gronde à France Télévisions, et la présidence de Delphine Ernotte est fortement décriée…
Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions
Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions  - SCARELLA Gilles - FTV
Clio Weickert

C.W. avec AFP

L'essentiel

  • France Télévisions et Delphine Ernotte traversent une nouvelle période de crise.
  • Les rédactions de France Télévisions ont prévu de se réunir lundi prochain en assemblée générale et de mettre au vote le lendemain, mardi 12 décembre, une motion de défiance à l’encontre de la présidente du groupe.
  • « 20 Minutes » fait le point sur deux ans de présidence mouvementée.

C’est ce qui s’appelle une présidence compliquée. Après un plus de deux ans à la tête de France Télévisions (depuis avril 2015), Delphine Ernotte est toujours loin de faire l’unanimité. Pour preuve, la présidente doit engager une grande réforme de l’audiovisuel public, notamment dans le but d’économiser 50 millions d’euros, mais le plan qui sera présenté au conseil d’administration le 21 décembre prochain suscite l’inquiétude chez les salariés de France Télévisions. En réaction, les rédactions ont ainsi prévu de se réunir lundi prochain en assemblée générale et de mettre au vote le lendemain, mardi 12 décembre, une motion de défiance à l’encontre de la présidente du groupe Delphine Ernotte, a indiqué ce lundi la SDJ de France 2.

Si les tensions semblent plus vives que jamais, ce n’est pas la première crise que traverse la présidente de France Télé. Retour sur les « temps forts » du règne de Delphine Ernotte à la tête de l’audiovisuel public.

Une nomination controversée

A peine arrivée, Delphine Ernotte suscitait déjà le débat. A l’époque, la CGC médias redoutait de voir arriver les « méthodes managériales ultra-violentes » de cette ancienne directrice de France Télécom (ex-Orange), qui faisait partie de l’exécutif lors du plan de 22.000 suppressions de postes entre 2006 et 2008, concomitant à une dramatique de suicides. Une crainte de l’inconnue, à laquelle s’étaient ajoutées de nombreuses suspicions quant aux circonstances de cette nomination.

La désignation de Delphine Ernotte par le CSA a été pour un temps jugé « opaque », « mystérieuse » et « antidémocratique ». Les raisons ? Selon la presse, des membres du CSA auraient pu manqué à leur devoir d’équité en faisant campagne pour la candidate. Des accusations que le gendarme audiovisuel avait alors complètement réfutées, clamant la plus totale indépendance et la plus stricte impartialité.

Des têtes coupées

L’arrivée de Delphine Ernotte à France Télé n’a pas fait que des heureux. Ses missions ? Multiples : faire des économies, innover, rajeunir l’audience et moderniser les émissions. En septembre 2015, soit quelques mois à peine après sa prise de fonction, une de ses déclarations avait particulièrement fait réagir. « On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans et ça, il va falloir que ça change », avait-elle déclaré au micro d’Europe 1. De nombreuses émissions n'ont donc pas survécu à la nouvelle présidence : Des paroles et des actes, Envoyé spécial avec Françoise Joly et Guilaine Chenu (remplacées par Elise Lucet), Comment ça va bien, 30 Millions d’amis sur France 3…

En ce qui concerne les présentateurs, Delphine Ernotte a tenu ses promesses et redistribué les cartes. On pense notamment à Julien Lepers, destitué de Questions pour un champion, et plus récemment à David Pujadas qui après 16 ans de bons et loyaux services, a été remplacé par Anne-Sophie Lapix à la tête de la Grand-messe du 20 Heures.

La naissance douloureuse de Franceinfo

Parmi les grands projets de la nouvelle présidente, la création d’une chaîne d’info ne s’est également pas faite sans heurts. Avant même le lancement de Franceinfo, une grève a éclaté du côté des rédactions du site Francetvinfo.fr. Les craintes ? Une dilution des rédactions dans ce nouveau projet, l’externalisation de certains programmes, ou encore le management du secteur de l’info. « On nous a baladés pendant des mois, déplorait un journaliste membre de la Société des journalistes (SDJ) de Francetvinfo.fr auprès de 20 Minutes. On ne nous disait rien, on ne répondait pas à nos questions, et là, le projet demeure encore assez flou alors que l’échéance approche. » Malgré le tumulte, la chaîne verra le jour en septembre 2016.

Derrière Franceinfo, c’est aussi Michel Field, le directeur de l’info de France Télévisions, qui a été pointé du doigt. Nommé en avril 2016 par Delphine Ernotte, il a été est « chargé de donner un nouveau souffle à l’information ». Le journaliste a surtout réussi à se mettre de nombreuses personnes à dos, lui reprochant notamment sa désinvolture et ses maladresses. A la suite de l’éviction de David Pujadas, Michel Field a dû présenté sa lettre de démission, « pas souci d’apaisement », alors qu’une motion de défiance menaçait la présidente de France Télé et lui-même. Une décision qui a calmé la grogne - les journalistes ont abandonné leur motion de défiance - et servi efficacement de pare-feu pour Delphine Ernotte.

La crise de l’info

Mais six mois plus tard, la présidente fait face à une nouvelle crise majeure. « Le malaise reste très important dans la rédaction, où les décisions de la présidente concernant l’information nationale sont inaudibles », déplore la société des journalistes de France 2. Les journalistes s’inquiètent d’un vaste plan d’économies qui doit se traduire par la suppression l’an prochain de 180 postes à la faveur de départs à la retraite, dont 30 pour l’information.

Les magazines d’information emblématiques de France 2 Envoyé spécial et Complément d’enquête perdront eux 3 ETP (équivalent temps plein) soit 6 postes sur 42, « environ 15 % de l’effectif », a souligné la SDJ. Cette dernière s’inquiète aussi de nouvelles coupes budgétaires dans les émissions 13H15 le samedi et 19H le dimanche, dévoilées par le Journal du dimanche parmi les grandes lignes du plan d’économies préparé par la direction du groupe public.

Menacée d’une nouvelle motion de défiance, reste à savoir si Delphine Ernotte sortira sans casse de cette nouvelle crise.